Le Char de la mort, l’oeuvre de Jules-Théophile Schuler "décryptée " par Emmanuel Honegger

Ouvrage préfacé par Georges Bischoff et Rémy Valléjo, publié par le Verger Editeur

samedi 10 octobre 2020 par Françoise Urban-Menninger

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Selon Georges Bischoff, l’un des préfaciers de ce livre, l’écrivain et plasticien Emmanuel Honegger a véritablement "décrypté" un tableau qui ne cesse de nous interpeller. Rémy Valléjo, autre préfacier de cet ouvrage, évoque dans le même esprit "la tradition séculaire qui conduit Théophile Schuler (1821-1878) à s’emparer de la fière figure du char triomphal en le frappant d’un trait sépulcral", car, ajoute-t-il " l’oeuvre de Théophile Schuler est la fable politique d’une déflagration à la française dans un XIXe siècle contrasté"

Et c’est bien dans cet univers bouleversé que le peintre produira en 1848 sa composition audacieuse qui a retenu l’attention d’Emmanuel Honegger. Ce dernier qui fut président de la commission du Prix Théophile Schuler de 2014 à 2017 eut l’opportunité de se plonger dans le fonds de la SAAMS (Société des Amis des Arts et des Musées de Strasbourg) dédié à la création du prix qui porte le nom de l’artiste.
Entamé en 1848, le tableau achevé en 1851 fut présenté au château des Rohan à Strasbourg mais jamais à Paris en raison de la censure car Emmanuel Honegger tient à préciser que "Sous le Second Empire, la liberté d’expression n’existait pas" et de souligner également que Théophile Schuler était fils et frère de pasteur et baignait de ce fait dans "la culture biblique et religieuse".

Emmanuel Honegger s’est penché sur cette oeuvre qui selon lui "se lit comme un livre d’histoire" en menant l’enquête à l’instar de celles qu’il conduit dans ses romans policiers !
C’est ainsi qu’il fait référence à la danse des morts d’Holbein, aux mystères du Moyen-Age, à la révolution de 1848 et bien évidemment au Radeau de la Méduse de Géricault et à La liberté guidant le peuple de Delacroix, oeuvres évoquées par Théophile Schuler lui-même.
On retrouve dans ces différents tableaux la même désolation d’une humanité qui bascule, la Mort sous les traits de l’Ange de la mort qui emporte tout, pauvres et riches...Même le roi perd sa couronne ! Quant à l’auteur du tableau, il n’hésite pas à insérer sa signature sur une pierre tombale...

Emmanuel Honegger a étudié pas moins de 45 figures qui apparaissent dans cette oeuvre dantesque. Outre les 15 squelettes de chevaux blancs et noirs, on découvre avec lui l’ange ailé, le fou et son bonnet à grelots mais aussi une référence à Gavroche qui, tête haute, symbolise l’espoir au coeur de la révolution.
La foi de Théophile Schuler s’exprime indubitablement par le biais de Jonas, personnage biblique central. Le peintre affirme clairement ses convictions luthériennes en plaçant le repentir au centre du tableau.
Quant aux chevaux, ils renvoient bien évidemment à l’apocalypse et Emmanuel Honegger de citer Paul Ahne qui dit de ces "chevaux-fantômes" qu’ils témoignent de "l’égalité de tous devant la mort".

Le terme apocalypse, ne l’oublions pas, signifie "lever le voile". C’est ce que Théophile Schuler a tenté de réaliser à travers une oeuvre qui illustre les troubles de l’Histoire en marche. Et Emmanuel Honegger d’inscrire la réflexion du père Bagot qui affirmait que le peintre faisait "entrevoir que Dieu est en train de triompher". L’image du Christ crucifié qui se dresse en face du char pour annoncer que la nouvelle vie est proche, corrobore cette analyse.
Emmanuel Honegger, après un travail de 2 années, a tenté de "lire" l’oeuvre de Théophile Schuler "écrite entre les lignes" en raison de la censure exercée sous le Second Empire. Frère Rémy Valléjo de pointer "le soin méticuleux d’un observateur de nombreux détails mais aussi l’intelligence d’un chercheur averti et documenté" en préfaçant le livre d’Emmanuel Honegger dont il dit encore de l’auteur qu’il nous "offre de découvrir les arcanes du chef-d’oeuvre de Théophile Schuler".
Avec cette "lecture" ou "relecture" de ce tableau que Théophile Schuler avait offert au Musée Unterlinden de Colmar et qui se trouve dans les collections depuis 1862, de nouvelles clés nous sont données pour en appréhender "les messages cachés" et lui conférer un autre éclairage.

Françoise Urban-Menninger


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