Le Sanctuaire - Laurine Roux
mardi 22 juin 2021 par penvins

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D’avoir voulu s’extraire du monde, tenter d’oublier que nous ne sommes que de passage en s’inventant un espace à l’écart de tout, le Père entraîne la famille vers sa ruine.
On peut entendre ce court roman comme une fable, celle de l’échec d’une civilisation centrée sur la famille patriarcale. L’illusion d’immortalité que conférait la cellule autonome ne tient plus, tout va craquer, le cocon éclatera à l’approche de l’anniversaire de June. June qui rappelle à sa sœur Gemma, la petite préférée de son père que Papa et Maman vont mourir.
Cette fois il ne s’agit plus d’une immense sensation de calme mais d’une immense sensation de fatigue, comme si derrière le calme il y avait eu le silence des femmes, un non-dit, un silence imposé. Gemma, June et leur mère, Alexandra, vivent à l’écart du monde sous l’emprise du Père qui leur fait croire que sortir du Sanctuaire représente un danger de mort, il ira même jusqu’à envisager d’immoler sa femme qui a été souillée par la fiente des oiseaux. On est tenté bien sûr de lire ce texte à la lumière des restrictions de circulation qui nous ont été imposées par l’épidémie de Covid mais cette peur de la contamination exogamique peut aussi se lire littéralement.
On aura remarqué que le roman s’articule autour de deux binômes, Gemma et June d’un côté, Gemma soumise au Père, et June la grande sœur qui souhaite s’en émanciper, et d’un autre côté un vieil homme - le vieux - dont le visage se superpose à celui du Père, et, qui pourrait bien être un Père revenu du passé,

Je sais que je ne le reverrai plus avant longtemps
et tout de suite après :
Un matin, Papa réapparaît.

Le vieux c’est aussi cet homme emmuré

Je fais le pari hasardeux que ce dernier n’est pas mort et qu’en fait de fantôme, il s’agit du vieux.

dont on ne sait ce qu’il est devenu, disparu au fond d’une mine de sel, grotte amniotique, appartenant au temps d’avant. Avant que ne se soit produit ce drame, qui a tout chamboulé quand le Père est devenu violent, ivrogne et lubrique. Le bel amour d’autrefois est désormais sordide.
Le Sanctuaire comme un enfermement, le lieu où se forge l’indicible pouvoir du Père auquel les femmes tentent d’échapper.
Alexandra ne cesse de répéter à ses enfants :
Va mon amour, cours mon cabri.
Pour finalement se convaincre qu’ :
Un autre monde est possible

Un court roman très riche, qui mérite d’être lu et surtout relu tant chaque lecture donne à entrevoir un peu plus la cohérence de l’univers poétique de Laurine Roux.


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