Géraldine, reine des Albanais - Joséphine Dedet
jeudi 8 mars 2012 par penvins

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Géraldine, reine des Albanais, a été bien malgré elle au cœur de l’histoire de l’Europe. Histoire que l’on redécouvre en suivant sa vie. Née Hongroise en 1915, elle deviendra Albanaise en 1938 par son mariage avec le roi Zog 1er, ce même roi dont Hergé s’inspira pour écrire Le Sceptre d’Ottokar. C’est pour nous l’occasion de revenir sur ce petit pays en voie de modernisation au moment où les troupes mussoliniennes l’envahissent. Il y a à peine un an que Géraldine est devenue reine des Albanais, l’Europe bascule dans l’horreur et Zog 1er doit fuir son pays, il n’y reviendra jamais. S’ouvre alors pour cette toute jeune reine une parenthèse qui ne se refermera pour elle qu’en 2002 lorsqu’elle reviendra mourir dans son pays d’adoption quelques années après la chute du régime communiste sanguinaire d’Enver Hoxha.

L’intelligence de ce livre se trouve dans l’équilibre que Joséphine Dedet a su trouver entre la vie personnelle de la reine avec laquelle elle a correspondu et qu’elle a rencontrée et l’histoire tragique d’un petit pays que les grandes puissances regardent avec condescendance. Et si dans les années d’après-guerre les États-Unis s’intéressèrent à l’Albanie, ce ne fut bien sûr pas pour elle-même mais en raison de son appartenance au bloc communiste ; Joséphine Dedet montre bien à quel point les services secrets américains le firent en amateur, ignorant les signes de trahison de leur informateur, un dénommé Philby, au mépris de la vie de ceux qu’ils entrainaient dans cette opération de déstabilisation.

L’attitude des puissances alliées n’avait pas été plus glorieuse quelques années auparavant, alors que paralysées par la peur de la guerre, elles laissèrent Mussolini s’emparer de ce qu’il considérait comme un protectorat. La Grande-Bretagne et la France préférèrent ne pas voir. L’agression de Mussolini stoppa net la modernisation en cours et l’Italie ne fut chassée du pays que par l’arrivée des troupes soviétiques entrainant l’Albanie dans une chute dont elle mettra plusieurs décennies à se relever.

En abordant ce livre on s’attend à lire la vie d’une reine d’opérette et tout de suite on est confronté – à l’instar de la reine elle-même, qui dut quitter l’Albanie si rapidement - à la réalité du monde et à l’histoire européenne du XXe siècle dont l’épicentre se situe précisément là, dans les Balkans, quelque part entre Vienne, Budapest et Tirana.

Là que l’Europe bascule dans ce qui sera le XXIe siècle, l’histoire de l’Albanie est encore à construire, et la reine n’aura pas connu la modernisation voulue par son époux. Ce livre plaira peut-être aux lecteurs de Point de vue - Images du monde, mais c’est de tout autre chose qu’il s’agit : A travers l’amour de la Rose blanche de Hongrie pour l’Albanie, c’est l’amour d’un pays que Joséphine Dedet nous transmet, d’un pays longtemps resté à l’écart et dont on sent bien que la sortie de la longue parenthèse du communisme se fait sans que les traditions ancestrales aient été oubliées, des traditions mais aussi des mythes hérités des Illyriens qui donnent à cette terre une identité forte et une fierté. En braquant les projecteurs vers Géraldine Apponyi, l’auteur nous renvoie à l’histoire des dynasties qui forgèrent l’identité de l’Europe, celle qui était une petite Hongroise, aura représenté toute sa vie l’Albanie traditionnelle que les folies fasciste puis communiste auraient voulu rayer de la carte. Cette permanence aura sans doute été un atout pour que le pays retrouve son identité après une longue période de terreur.

On peut relire Le Sceptre d’Ottokar paru en 1938, l’année du mariage de Géraldine avec le roi albanais, mais si l’on veut se plonger dans l’histoire de l’Albanie sans condescendance il vaut mieux lire le livre de Joséphine Dedet, un livre où l’on réapprend notre histoire sans s’ennuyer un instant.


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