Roger Caillois : un autre centenaire à célébrer
samedi 6 avril 2013 par Jacques Lucchesi

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Alors que la France entière s’apprête à célébrer le centenaire de la naissance d’Albert Camus, il ne faudrait pas oublier que d’autres écrivains, d’autres personnalités intellectuelles d’envergure sont nées aussi en 1913. Parmi elles, il y a certainement Roger Caillois, essayiste, poète, traducteur, auteur d’une œuvre parmi les plus originales et les plus complexes du XXeme siècle. Il naquît à Reims le 3 mars 1913 – répétition du nombre 3 qui lui semblait être un augure. C’est d’ailleurs dans sa ville natale qu’il fît, très tôt, ses débuts en littérature, collaborant au « Grand jeu », la revue de René Daumal et de Roger-Gilbert Lecomte. A Paris où il vint poursuivre ses études, il fréquenta vite le groupe des surréalistes. Mais sa dispute avec André Breton puis sa rencontre avec Georges Bataille (lui-même dissident surréaliste) et la fondation, en 1938, du Collège de Sociologie, devaient l’orienter vers des recherches plus philosophiques. En 1939, avec la complicité de la mécène argentine Victoria Ocampo, Caillois s’embarque pour Buenos-Aires. Il y passera la durée de la guerre – ce que d’aucuns ne manqueront pas de lui reprocher par la suite. Ces années d’exil, il les mettra à profit pour se familiariser avec la littérature sud-américaine, en particulier avec l’œuvre de Jorge-Luis Borges dont il deviendra l’un des principaux traducteurs français. De retour en France, il entre au comité des éditions Gallimard, où il dirigera la collection « La croix du sud » parallèlement à son emploi de fonctionnaire à l’UNESCO. Ces années d’après-guerre vont être, pour lui, d’une très grande fécondité. Esprit curieux de tout, Caillois fait sienne la notion de transversalité, portant sa réflexion sur la littérature (« Babel », « Vocabulaire esthétique ») comme sur les sciences humaines (« Les jeux et les hommes »), voire les sciences pures (« Cases d’un échiquier »). C’est aussi un collectionneur passionné de formes naturelles, animales et minérales. Dilection qui débouchera sur un beau recueil de proses poétiques (« Pierres ») et lui fera jeter les bases d’une « esthétique généralisée » (in « Cohérences aventureuses »). Elu à l’Académie Française – au fauteuil 3 – en 1971, il meurt à Paris, miné par la maladie et l’alcool, le 21 décembre 1978 – un autre multiple de 3.

L’intelligentsia française d’aujourd’hui aurait, je crois, tout intérêt à puiser aux leçons de ce grand styliste. Et à favoriser, auprès d’un nouveau public, la découverte d’une œuvre qui reste l’une des plus fertiles et des plus étonnantes de notre littérature.

Jacques LUCCHESI


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