Les saisons du jardin - Michèle Ramond

Ouvrage paru aux Editions Orizons dans la collection Littératures

dimanche 10 août 2014 par Françoise Urban-Menninger

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"Littératures est une collection ouverte à l’écrire", nous dit l’éditeur et écrivain Daniel Cohen qui estime par-dessus tout, à l’instar de Flaubert, le style. Et c’est avant tout le style de Michèle Ramond qui donne sa couleur si particulière à ces "saisons du jardin" à la poésie envoûtante et parfois vénéneuse dont l’atmosphère nous fait songer immanquablement à celle du film d’Alain Resnais "L’année dernière à Marienbad".

Car ne nous trompons pas de jardin, nous rappelle à plusieurs reprises l’auteure. Rien à voir dans ce livre avec "la cohorte des spectres familiers qui hantent habituellement les sentiers et qui occupent la réflexion des poètes et de tous les faiseurs". Michèle Ramond nous invite à nous détourner de nos lieux si communs pour rechercher le jardin originel.

Mais quel est-il ce vrai jardin où les corps se consument tandis que le jardin lui-même subit de lentes désintégrations ?

Dans cette inéluctable déliquescence où l’auteure déclare qu’elle et ses compagnons ont été trompés par l’air d’éternité du jardin, le lecteur se trouve plongé dans un entre-deux où avec Michèle Ramond, il se pose cette question essentielle : "Avons-nous encore une vie intérieure". Car dans cet entre-deux où vie et mort ont partie liée, seule l’écriture peut pousser sur ce terroir investi par des fantômes en déshérence. Et c’est dans ce lieu empli de réminiscences que se joue notre immortalité ou notre mortalité et l’auteure d’affirmer : "Cette différence minime ne compte même plus".

Dans ce jardin où l’horizon ne cesse de s’éloigner, c’est un sentiment d’infini qui gagne le lecteur. Et c’est bien tout au long des allées de l’écriture que nous appréhendons ce jardin à la grâce singulière et prégnante, au charme étrange qui agit sur nous comme un philtre et nous tient tout entier dans un rêve éveillé.

Et nous ne sommes en rien surpris quand la narratrice et ses compagnons, dont nous-mêmes faisons partie, posons la seule question qui vaille au jardin :"Est-ce que ça existe la mort ?" Et celui-ci de murmurer sa réponse :"Pas plus que la vie".

Michèle Ramond avec ce petit livre jardin nous ravit au sens propre du terme car chaque page, chaque phrase sont source d’émerveillement. Les images, la musique nous soulèvent, nous emportent au coeur d’un jardin que nous ne finissons pas de découvrir aux confins de notre entité qui nous fait et nous défait.

Et la narratrice de faire allusion aux pires choses de l’Histoire et de supposer, faussement ingénue, que "les pires atrocités, une fois découvertes dans les livres, ne se reproduiront plus dans le monde réel qui n’aurait plus l’excuse d’ignorer que de tels crimes étaient possibles".
Voilà en quoi la fragrance de ce jardin contient sa part d’ombre et d’amertume mais dans le même temps, la narratrice devenue poussière, finit par prendre racine dans ce jardin où elle s’écrie "Nous sommes devenus cyprès, mes chers fantômes...". Et d’entrevoir le tout dernier jardin, celui-là même de l’écriture de cet ouvrage où le corps de la narratrice s’est transmuté pour devenir le corps du texte où tout finit et où tout peut recommencer...

Françoise Urban-Menninger


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