THIERRY POQUET dans « Conférences des Oiseaux : Lorsque les cultures voyagent… » à Fès
jeudi 28 août 2014 par Abdelali Najah

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Après avoir mené une réflexion particulière sur le langage de la rue et son inscription dans la Cité, Thierry Poquet développe au sein d’Eolie Songe un projet transdisciplinaire, influencé par les nouvelles écritures de l’image et du son.

Suite au concert d’ouverture du Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde tenu le 13 juin à 21h à Bab Al Makina, nous avons eu l’honneur d’interviewer le metteur en scène français THIERRY POQUET.

Vous avez monté la mise en scène du concert d’ouverture du Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde intitulé Manteq at-Tayr : « Conférences des Oiseaux : Lorsque les cultures voyagent… » Pouvez-vous nous parler de ce concert ?

La commande cette année était de réaliser plus un spectacle opératique, une histoire musicalisée, qu’un simple concert où les vedettes se succèdent. Là, il y a eu écriture d’un livret, que j’ai réalisé sous la tutelle des directeurs artistiques, puis un casting de musiciens et de danseurs du monde, ensuite des répétitions comme dans tout opéra. La dernière semaine, nous étions 100 artistes et techniciens à œuvrer pour réaliser le spectacle.

Pourquoi un ouvrage gnostique de Sheikh ’Attâr Neyshâbouri ?

C’est la volonté de Faouzi et Layla Skali, directeurs artistiques du festival, de s’inspirer de ce magnifique livre d’enseignement soufi pour le spectacle d’ouverture de Fès, et de l’adapter en un voyage musical tout en conservant sa saveur initiatique.
Un de mes apports a été de mettre en scène les musiciens de l’orchestre qui assuraient la narration et la continuité de l’œuvre d’Attar comme un chœur d’oiseaux en perpétuel mouvement sur l’ensemble de la scène de Bab el Makina. Au niveau scénographique, j’ai un peu bouleversé les habitudes du festival, puisque j’ai étendu la scène à l’ensemble de la façade du monument, soit un ensemble de 45m de long sur 25m de haut.

Les oiseaux doivent traverser sept vallées pour trouver Simurgh à savoir Talab (recherche, demande), Ishq (amour), Ma’refat (connaissance), Isteghnâ (détachement - se suffire à soi-même), Tawhid (unicité de Dieu), Hayrat (stupéfaction) et enfin Faqr et Fana (pauvreté et anéantissement). Ce sont les étapes par lesquelles les soufis peuvent atteindre la vraie nature de Dieu…

Oui, tout à fait. Nous avons respecté les sept vallées d’Attar, dans l’écriture même du livret, donc par les textes chantés et parlés. Mais, aussi par les textes projetés sur les murailles de Bab el Makina.

Le concert est une création originale présentant le voyage des différentes cultures du monde dans leur quête de sens et de leur transformation à travers leurs différents échanges. Voulez-vous nous expliquer davantage ?

On est dans l’analogie. Ici, les sept vallées ont été représentées par sept étapes, sept tableaux qui évoquent la rencontre avec sept cultures différentes, dont l’Afrique, l’Amérique du Sud, l’Inde, la Chine, et les trois grands courants monothéistes, judaïsme, christianisme et islam.
Au fil des rencontres avec ces cultures différentes, le chemin initiatique s’est opéré chez les spectateurs, dont la plupart est sorti bouleversée par le spectacle, d’une manière intime et profonde. Au-delà de la forme, le fond a touché les âmes.

Le concert est aussi une rencontre des arts scéniques et visuels réunissant l’art de la mise en scène, la musique et les danses traditionnelles, le théâtre et les arts du cirque…

Fès est le festival des musiques sacrées du monde. On pourrait ajouter : des danses traditionnelles, quand elles sont inscrites dans la démarche artistique traditionnelle de l’artiste.
La volonté des directeurs du festival cette année était d’ajouter une touche contemporaine en invitant l’école nationale de cirque Shems’y, et en choisissant un metteur en scène qui pratique la transdisciplinarité.
J’aime dans mes œuvres relier, dans une volonté picturale et poétique, le son à l’image en utilisant les ressources du spectacle vivant : texte, chant, musique, danse, cirque, cinéma. L’objectif n’est pas d’éblouir par une surenchère de moyens, mais de rester à la lisière de l’œuvre pour la servir au mieux (ici le texte d’Attar), en toute humilité, en offrant des chemins qui favorisent chez le spectateur l’imaginaire, une approche autant sensuelle que cérébrale.


THIERRY POQUET – METTEUR EN SCENE

Au Maroc

Thierry Poquet a mis en scène le spectacle d’ouverture de la XXe édition du Festival des Musiques Sacrées du Monde de Fès le 13 juin 2014 devant la mythique Bab El Makina.
Conférences des Oiseaux est un voyage scénique et musical, inspiré par l’œuvre éponyme du poète persan Farid Ud-Dîn ‘Attâr, une invitation à suivre la Huppe, messagère divine, et le chœur des oiseaux à travers les sept vallées de la quête au Sîmorgh, l’oiseau fabuleux. Ce voyage est aussi une invitation à découvrir des artistes de sept traditions musicales sacrées du monde, mettant ainsi en valeur la diversité spirituelle et artistique de l’humanité.

En 2013, Thierry Poquet intervient auprès des apprentis circassiens de l’Ecole Nationale de Cirque Shems’y (Maroc). En septembre, il réalise une adaptation de Carnet de notes pour une Orestie africaine de Pier Paolo Pasolini dans la Capitainerie portugaise de l’ancienne Médina d’Azemmour. En décembre 2013, il crée, avec le chorégraphe Juha Marsalo, le dîner-spectacle Ambouctou ! qui sera présenté en août 2014 lors de la Biennale Karacena de Salé (Maroc).

De 2007 à 2011, il participe, en tant que metteur en scène et formateur, à un projet de coopération culturelle entre la région Nord - Pas de Calais et la région du Doukkala Abda au Maroc. De ces travaux en complicité avec le plasticien lyonnais Laurent Mulot, est née une installation audiovisuelle et scénique : Mazighan ou l’eau du ciel. Elle a été présentée en 2011 dans la Citerne de la Cité portugaise d’El Jadida, au Salon International des Livres et des Arts de Tanger et au Festival des Musiques Sacrées du Monde de Fès, puis au Jardin de Mode à Lille, dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine 2011. En 2013, elle a été présentée dans le cadre de Dunkerque 2013, Capitale Régionale de la Culture.

Par ailleurs

En 2013, il crée avec le plasticien Laurent Mulot, le spectacle Augenblick Dream , une œuvre pluridisciplinaire sous une yourte kirghize qui met en résonance les langages de l’Art et de la Science via une installation plastique, des projections vidéographiques, des univers sonores, du théâtre et de la danse. Mai 2014 : Festival internacional de Teatro de Belo Horizonte (Brésil).

Il met en scène l’Opéra du Pauvre, un opéra inédit de Léo Ferré, qui a été présenté en 2011 au Manège.Mons, au Cirque Royal de Bruxelles, au Théâtre de la Place de Liège, et en 2012 au Phénix de Valenciennes, au Grand Théâtre de Luxembourg et à la MC2 de Grenoble.

En 2008 et 2010, il crée deux spectacles de théâtre musical, Le cri de l’oie d’après l’œuvre du poète Christophe Tarkos, en complicité avec le compositeur Benjamin de la Fuente et Ars Nova ensemble intrumental, et La langue dans le crâne en complicité avec l’auteur Bertrand Raynaud et l’ensemble Sphota.

En 2007, il participe, en tant que dramaturge, coréalisateur et coordinateur artistique, au projet européen Culture 2000 : St Kilda, the island of the birdmen, qui a reçu l’Award du « Best Traditional Event » le 4 septembre 2008 à Glasgow, et a été présenté dans la programmation officielle du Edimburgh International Festival 2009 avec l’ensemble Musiques Nouvelles.

De 2000 à 2008, il est formateur au Centre National des Arts du Cirque à Chalons-en-Champagne, puis enseigne au sein de l’Académie Fratellini. En 2011 il collabore avec l’Ecole Nationale de Cirque de Montréal, Québec-Canada.

De 1985 à 1998, il fonde et met en scène la compagnie de rue Collectif Organum, dont les créations seront diffusées notamment à Glasgow 90 – Capitale Européenne de la Culture, et à Aurillac, Anvers, Chalon sur Saône, Granada, Hambourg, Liège, Lille, Maastricht, Marseille, Poznan, Sarrebrück, Utrecht, Valladolid.

De 1983 à 1985, il est directeur technique du Festival de Lille et collabore aux créations, notamment, de Pierre Henry, de John Cage et de Merce Cunningham, de Jan Fabre, de Luc Ferrari, de Jorge Lavelli, de Gérard Mortier, du Taller d’Amsterdam et de Robert Wilson.

De 1980 à 1984, il prend la direction artistique du Festival Fuites de Jazz de Douai, et la direction technique du Festival de Musiques Contemporaines de Romans.

De 1966 à 1980, il suit une formation au Conservatoire National de Région de Douai, puis le cursus de musiques improvisées de l’IACP sous la direction du contrebassiste Alan Silva, et compose plusieurs musiques pour la scène.


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