Merci pour ce moment, Valérie Trierweiler

Editions les arènes, 2014

vendredi 19 septembre 2014 par Alice Granger

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Le livre de Valérie Trierweiler s’arrache, un vrai raz-de-marée éditorial, comme il y en a très peu ! En même temps, ce livre est condamné presque unanimement par les politiques et les médias, en particulier télévisuels, comme vulgaire, atterrant, consternant, irresponsable, bon pour la poubelle, lavage de linge sale en public, grand déballage, pure vengeance, ragots, coup bas au président… Coups bas : allusion directe à la castration, donc l’attaque de l’homme puissant, qui en a, telle la figure paternelle est vue en possession d’un phallus par la mère et les enfants. La figure puissante, dotée d’un phallus hors norme, est censée assurer à la famille tout entière, comme à une nation dont le paradigme serait resté la famille, enfin le meilleur des mondes ! Dans cette belle illusion, marque d’une immaturité psychique des Français restés encore comme des petits attendant tout d’en haut et d’un homme puissant qui guérira de la crise, il est inimaginable que sa compagne officielle ne se conduise pas comme une sorte de mère en tout point d’accord avec l’homme fort parce que ce qu’elle veut aussi et encore plus, c’est d’offrir aux petits que nous sommes le meilleur des mondes, une sorte de giron réintégré. Cette compagne ne peut fragiliser l’homme fort par sa parole dissidente, imprévisible, par un désaccord politique peut-être à propos de cette représentation politique au sommet de l’Etat encore surplombée par un paradigme familial (qui impose donc mine de rien le couple politique et privé légendaire Royal-Hollande comme paradigme politiquement correct, avec tout le poids des images privées d’une famille papa-maman-les enfants publiées depuis les années mitterrandiennes sûrement par calcul politique). Cette compagne, en attaquant cette référence toute-puissante du père qui peut et qu’on devrait retrouver dans la fonction présidentielle, cette figure phallique d’un père hissé au sommet du pouvoir, qui devrait être doublé par la figure phallique d’une mère à l’unisson parce ce qu’elle veut elle aussi et encore plus c’est assurer aux petits un monde où ils auront tout ce qu’il faut pour s’éveiller, s’éduquer, réussir, est forcément une mauvaise femme, une femme irresponsable, hystérique, elle ne peut déchirer le rideau, laisser entrevoir que cette logique-là ne peut pas durer, tenir, que doit s’accomplir un saut logique, parce que le monde terrestre où vivre est changeant, très différent, pas du tout surplombé par un paradigme matriciel. Le livre de Valérie Trierweiler : un coup bas, disent ceux qui croient que la fonction présidentielle doit avant tout mettre en avant une image d’homme fort, qui en a, qui fait perdurer la croyance à un père qui peut tout pour nous, qui faire disparaître la crise, refouler une réalité terrestre, environnementale, qui n’est en vérité plus du tout sous la coupe d’un paradigme utérin, placentaire, où la politique de l’offre serait comme un placenta de produits venant nourrir les fœtus dans le monde marchand. Dès que François Hollande brigue la fonction présidentielle, c’est-à-dire de réussir à incarner cette figure de père phallique qui peut refouler la crise pour nous tous, qui peut réparer les déchirures qui menacent de partout notre pays matriciel, c’est logique que Ségolène Royal revienne d’actualité, d’autant plus que depuis l’ENA et leurs débuts dans la pépinière mitterrandienne, ils incarnent l’élite qui peut pour nous avec cette connotation en plus, celle d’un couple parental, mais aussi celle d’un couple fraternel dans une même famille qui leur aurait donné toutes les chances de réussir, de faire d’eux des enfants réussis. L’engagement politique de François Hollande, à partir de 2011, fait revenir en force cette idée d’une élite bien formée, qui peut guérir le pays et nous sauver, donc des demi-dieux vont heureusement pour nous se mettre aux commandes. Et aussi, pour coiffer le tout, ce retour en force d’une femme aux ambitions politiques féroces, une femme phallique qui en a aussi, parfaitement d’accord avec l’homme politiquement fort, une mère courage, une mère militaire, une femme qui ressemble curieusement à une sœur, de la même famille, suivant à la culotte son partenaire puissant comme s’il ne pouvait être fort qu’avec elle et que, finalement, parce qu’elle peut faire des enfants, c’était elle qui en avait le plus. Logiquement, Valérie Trierweiler, lorsque l’engagement dans la course à la présidence de la république change tout de sa vie avec François Hollande, va devenir inquiète, saisissant au quart de tour ce que signifie la figure puissante de Ségolène Royal. C’est très logique qu’à son tour elle se manifeste, et que ce soit surtout suscité par la figure de Ségolène Royal. Ce n’est pas un hasard. Ségolène Royal, depuis le début de sa carrière politique dans le paysage français, incarne une logique d’ancien régime de l’inconscient, on pourrait dire. En s’imposant, souvent presque à la hussarde, à la manière d’une envahisseuse venant prendre la place en expulsant la personne qui est là, comme notre mère à tous n’ayant pas d’autre désir que de colmater les fissures qui menacent notre giron matriciel, comme celle qui a les idées et le courage pour réparer notre monde et nous y garder dedans enfin sauvés de la crise, Ségolène Royal perpétue une logique ancienne, celle d’avant la naissance, celle d’avant le traumatisme de la naissance et la coupure du cordon ombilical. C’est une femme politique qui rappelle sans cesse l’image d’une grande famille avec ses enfants réussis, pleins d’idées et d’énergie, qu’elle regarde comme son œuvre parfaite ! Donc une logique d’ancien régime, et elle, la reine ! Partenaire idéale du roi, le président si fort dans sa fonction présidentielle, parfaitement conforté dans son rôle par la reine. Au contraire, Valérie Trierweiler est depuis son enfance dans une autre logique, le monde dans lequel elle a toujours vécu est marqué par la crise, la faille, le risque, le climat changeant, le fait qu’il n’y a pas d’homme phallique puissant pour le réparer, et elle sait aussi que le pouvoir de s’y débrouiller est en elle, qu’il n’y a donc pas à revenir à une logique ancienne, il suffit d’intégrer en soi cette perte originaire, et de faire dans le maintenant terrestre avec ce qui arrive chaque jour. Dès l’engagement politique de François Hollande en vue de la fonction présidentielle, s’opposent ces deux logiques, qui n’ont rien en commun, et Valérie Trierweiler sent très bien qu’elle devrait se plier à l’autre logique, et c’est impensable pour elle. Même la perspective de devenir première dame ne peut avoir raison de sa façon de se battre pour vivre, pour être quelqu’un, pour être du nombre ! Jamais elle ne peut être achetée par la promesse de devenir une sorte de princesse dans son palais. Alors, très vite nous avons deux femmes très différentes qui vont s’affronter, et c’est non pas une affaire privée, mais une affaire politique ! Et ce n’est pas par hasard si on va essentiellement reprocher à Valérie Trierweiler d’être la mauvaise femme qui détruit le couple politique et privé légendaire Royal-Hollande, le couple indestructible qui devrait se retrouver désormais ! Le couple où l’homme fort, dans sa fonction présidentielle, peut d’autant plus avoir un phallus efficace qu’il est aidé par une femme qui en a aussi un, de phallus, qui est même plus ancien que celui de l’homme fort, tous les deux unis dans le même désir de réparer le contenant originaire, le giron qu’on devrait reconnaître dans notre patrie. Ceci cherche à imposer une image non anodine de l’homme, et de la femme. L’homme est fort, il en a, dans le sens qu’il peut continuer à nous assurer un monde à l’image d’une matrice non quittée, un meilleur des mondes, ce qui remet d’actualité la mère qui en a aussi, qui possède chevillée en elle cette matrice toujours fonctionnelle, ce phallus en creux, ce giron sauvé de la crise, de la déchirure, de la chute, du devenir déchet. Le paradigme pour les deux, homme et femme, est celui d’un monde matriciel encore fonctionnel, notre pays redevenant plein de nous fœtus qui en avons de la chance. L’homme fort est celui qui travaille dur, qui sait assurer, et il peut devenir macho, fier d’avoir des postes que les faibles femmes ne peuvent avoir, mais la parité qui rend accessible aux femmes les mêmes postes dévoile en vérité la logique de cette revendication, à savoir que la logique phallique conduit les hommes à imiter les femmes éternellement capables de garder en elles éternisées dans le monde leurs petits, dans la perspective où le monde du dehors pourrait n’être par la science, l’industrie, la technologie, le savoir faire des humains, que le ventre utérin tapissé de placenta nutritif. Or, la parole et l’inquiétude de Valérie Trierweiler, que nous sentons toujours vives dans ce livre, cherchent à toujours ramener la crise, la déchirure placentaire, l’imminence de la naissance, l’inscription de la castration originaire, du sevrage, de la perte d’un monde ancien, de la séparation d’avec un couple parental originaire qui serait doté d’un phallus, d’un pouvoir conçu comme phallique. Le pouvoir, avec la castration originaire, est en chacun de nous, nous découvrant capables de nous débrouiller et d’entreprendre. Or, presque personne ne pardonne à Valérie Trierweiler de s’être attaquée à la figure d’une logique d’ancien régime, alors même que le nom Royal devrait inciter à l’analyse du fantasme qui doit habiter quelqu’un qui a ce nom, et qui, lorsqu’elle apparaît, semble effectivement une reine venant nous prendre à l’hameçon de nous attachements les plus infantiles, telle une mère omniprésente et omniscience dans les premiers temps de la vie au stade de nourrisson, envahissant les images. Avec la sortie de son livre, Valérie Trierweiler est souvent, c’est logique, confrontée, dans son indignité supposée, à la très digne Ségolène Royal, tellement plus intelligente qu’elle, et ayant une classe incomparable. Tout cela est très logique. Et personne ne doit remarquer que la liberté de parole de Valérie Trierweiler introduit envers et contre tout un autre statut des hommes et des femmes, qui suit la castration originaire, la référence n’est pas celle naturelle de la femme-mère éternellement pleine en son phallus en creux de ses enfants doublée par celle du père fort qui refoule tout danger de crise pouvant fissurer et détruire ce contenant matriciel. La référence est la castration originaire, est que la matrice, telle le meilleur des monde promis, est vouée à la destruction, à finir tel un déchet, à tomber, à manquer pour toujours. Ce qui introduit une autre sorte de pouvoir, et une image du père séparateur parce qu’il est dépourvu du pouvoir phallique de garder dans une matrice étendue au pays les petits que nous serions. C’est ça, son vrai pouvoir, qui se signifie en se montrant privé du phallus tout puissant, son pouvoir de séparer, de laisser se détruire un placenta qui ne sert plus à rien, à vider une fonction qui n’a plus à être pleine. Le père symbolique puissant est celui qui sépare, qui inscrit la castration originaire en chacun de nous, y compris pour lui-même. L’homme est donc pourvu du pouvoir de séparer, de précipiter dans la réalité qui est autre chose qu’une perpétuation matricielle. Et la femme n’est plus pourvue d’un phallus en creux, son désir n’est plus de garder ses enfants en elle, mais de les abandonner à la vie en train de se vivre, à la réalité terrestre, environnementale, climatique, et surtout humaine ! Or, dans leur histoire respective, Ségolène Royal aussi bien que François Hollande ont eu un père qui, à un moment donné, a introduit un temps de crise dans leur famille, a fait sentir une sorte de destruction, de perte du monde d’avant. Et tous les deux, en Mitterrand, n’ont-ils pas retrouvé le père d’avant la crise, d’avant le chamboulement, le père puissant qui leur assure pour toujours de rester dans l’autre monde, de l’élite et du pouvoir, pour toujours persuadés qu’un homme ce n’est pas celui qui sépare, qui précipite la naissance, mais celui qui, par son phallus, conforte et perpétue le phallus en creux de la mère pour toujours pleine de ses petits, qui n’ont donc pas à naître vraiment, à se sevrer de figures politiques dont ils attendent tout, des demi-dieux comme les nomment dans son livre Valérie Trierweiler. Valérie Trierweiler, au contraire, par un coup qui n’est pas un coup si bas que ça, fait apparaître entre les lignes la possibilité d’une figure de pouvoir qui, tel un père séparateur, ose bouleverser le meilleur des mondes fantasmé de manière infantile, donnant à la crise un tout autre sens, et rendant possible à chacun de nous sevré de révolutionner notre mode de vie, ce que certains penseurs et personnes éveillées d’aujourd’hui, tel Edgar Morin, tel Pierre Rabhi, tel Chomsky, et sûrement beaucoup d’autres, estiment urgent si nous ne voulons pas courir à notre fin. Révolutionner notre civilisation occidentale, en accepter la fin, comme d’autres civilisations prestigieuses ont connu leur crépuscule, pour inventer une civilisation nouvelle, sur fond de séparation, de maturité psychique, de sevrage. La jalousie de Valérie Trierweiler, dénoncée comme pathologique, hystérique, ne serait-elle pas tout autre chose, la perception très vive et inquiète d’une logique dominante, où trône une image de la femme qui n’a absolument rien à voir avec ce qu’elle, femme aussi, mais n’appartenant pas à une famille élitiste protégée, vit depuis toujours. Valérie Trierweiler elle-même, sous le coup de l’intimidation et de la sous-estimation, semble dans son livre admettre une jalousie anormale, comme forcée de se laisser être dépréciée, être politiquement rabaissée, éliminée. C’est dommage ! Sa dite jalousie n’est-elle pas une dénonciation d’une logique dominante que la politique actuelle préserve plus que jamais ? Alors que, même en faisant des émissions où on rappelle que Ségolène Royal réitère à plusieurs reprises, y compris à La Rochelle, la politique du coucou qui vire le candidat local, qui a peut-être une autre logique que celle de l’élite parachutée d’en haut pour venir faire le bien des gens d’en bas, pour se mettre à sa place, n’est absolument jamais analysée ni ne provoque de vraie levée de boucliers. C’est fou cette habitude du parachutage politique, comme dans un partage du territoire entre membres de l’élite, alors même que dans une démocratie, la question de la représentation exigerait des élus représentant vraiment ceux qu’ils sont censés représenter, donc un élu à la lettre local, d’ici et maintenant. Du reste, par exemple l’Assemblée nationale est-elle réellement représentative des Français dans leur diversité d’origine, de conditions, de professions, et de richesse ? Si on s’y penche, il est sûr que nous y constaterons l’absence criante de pans entiers de la population, et l’habitude de parachutage et de la pratique de la préférence élitiste n’y est-il pas pour quelque chose, le parachutage se ressentant toujours du fait du prince ? Virer un candidat local, venir d’en haut en étant soutenue voire imposée par le prince, par l’homme de pouvoir, est-ce tolérable en démocratie, justement pour une élection locale ? Valérie Trierweiler, par son fameux tweet, - qu’elle a peut-être tort de regretter dans son livre, tandis qu’elle rappelle un échange de paroles entre le président et elle, où elle lui expose pourquoi c’est une erreur s’il soutient publiquement Royal à La Rochelle, par exemple qu’un couple lié familialement ne peut pas se partager la présidence de la république et la présidence de l’Assemblée nationale, et où il promet de ne pas donner de soutien, et tandis que le président ne tient aucun compte de ce qu’il lui a dit et de leur conversation - donne sa préférence politique au candidat local, beaucoup mieux à même de défendre ceux qu’il représente qu’une candidate parachutée ! A propos de Ségolène Royal, le livre de Valérie Trierweiler nous apprend que, contrairement à ce que prétendent les nombreux ouvrages toujours à charge de la première dame, elle n’a été pour rien dans son absence dans le film de campagne électorale rappelant le parcours politique de François Hollande au PS. Au contraire, demandant à voir ce film in extremis, sur un ordinateur dans une voiture, elle exprime à celui qui l’a fait sa consternation en constatant que Ségolène Royal n’y apparaît pas, et elle dit qu’on ne manquera pas de la désigner comme la responsable, elle la jalouse pathologique ! La personne qui a fait le film rétorque qu’il n’a pas voulu évoquer des choses négatives. Ensuite, lorsque le film aura été projeté, avec l’effet scandaleux de cette figure de premier plan du PS, la personne qui a fait ce film, réalisant l’effet désastreux sur Valérie Trierweiler, lui envoie un énorme bouquet de fleurs ! Personne n’a cité ce passage du livre de l’ex-première dame ! C’est vrai que beaucoup l’ont condamné sans l’avoir lu ! Toujours à propos de Ségolène Royal, Valérie Trierweiler écrit qu’elle n’y est pour rien dans son absence à la cérémonie d’investiture de François Hollande à l’Elysée, ni dans celle de ses enfants, mais que c’est le tout nouveau président qui en a décidé ainsi, ne voulant pas reproduire la scène de la famille recomposée de l’investiture de Nicolas Sarkozy. Aussi bien Ségolène Royal que ses enfants le savaient, mais personne n’a démenti que ces absences auraient été exigées par Valérie Trierweiler ! Alors qu’elle, au contraire, avait signifié à François Hollande son étonnement à propos de ces absences, pressentant qu’on ne manquerait pas de la désigner comme la méchante responsable ! Personne non plus n’a relevé ce passage du livre, qui la montre plus tolérante qu’on ne le pense à l’égard de Ségolène Royal ! Par ailleurs, lorsque, au congrès de Rennes, Valérie Trierweiler se sent ravagée en voyant le couple politique légendaire se retrouver sur la scène, affichant une sorte de légitimité éternelle et titillant la fragilité du couple que elle, elle fait avec le candidat, réalisant dans la douleur qu’elle ne sera jamais légitime, après des larmes en coulisses elle ne s’avoue pas vaincue, et fait à Ségolène Royal un vrai coup politique à la Royal : elle apparaît en pleine lumière et devant les caméras des médias, elle vient serrer la main de Ségolène Royal qui, bien que furieuse, ne peut se défiler ! Bien sûr, dans son livre, Valérie Trierweiler épousant presque l’image d’elle que lui renvoient les politiques et les médias, est sur le point d’admettre que cet acte dicté par la jalousie morbide était une erreur, chutant dans cette image atteinte, dégradée, dépolitisée, car chacune de ces interventions visant ce que représente Ségolène Royal, que ce soit dans l’intimité du couple ou bien plus publiquement, a été le poison qui à doses répétées a miné leur amour. Or, la scène du congrès de Rennes ne permet-elle pas d’approcher au plus près du pourquoi de l’amour fou entre François Hollande et Valérie Trierweiler, qui n’est sans doute pas étranger à l’existence du couple originaire François Hollande Ségolène Royal ? Valérie Trierweiler nous dit dans son livre ce que lui a confié son ex-compagnon comme par hasard au moment d’une petite opération chirurgicale qui, nous l’imaginons, pouvait le plus le confronter au risque de la castration. Il lui dit à quel point il a souffert d’avoir été, en quelque sorte, toujours été marqué à la culotte par Ségolène Royal, de leur formation commune à l’ENA, jusqu’à leur début commun près de Mitterrand à l’Elysée, et dans leur parcours politique plus ou moins concurrentiel, avec cette avance de Ségolène Royal nommée à deux reprises ministre et lui jamais, de quoi lui faire sentir qu’elle en avait plus que lui. Des mots de François Hollande qui semblent évoquer cette rivalité complice mais toujours sur la crête d’une sorte de castration du garçon par la fille plus ambitieuse, plus organisée, qui prouve qu’elle en a plus que lui malgré les apparences, et que, pour cela, dieu le père François Mitterrand la préfère à lui, la remarque, elle s’est placée dans son pouvoir. Un couple légendaire et originaire qui, bien qu’ensemble et ayant fondé une famille qui sera habilement exploitée politiquement par Ségolène Royal par des images offertes aux magazines peoples , sont comme un frère et une sœur dans la même famille élitiste, qui a d’abord pour cadre protecteur matriciel l’ENA puis l’Elysée de Mitterrand, puis la famille politique du parti socialiste. Dans ce couple, la femme est toujours là, telle une sœur qui en veut encore plus que lui et qui est toujours en train de la doubler, rassurante parce que totalement complice et en phase avec lui puisqu’ils sont unis par une même formation et une même idée de la politique et du pouvoir, formatés dans une direction technocrate et élitiste, mais aussi castratrice et étouffante, parce que jamais il ne pourra s’échapper, être unique, il est condamné à être monsieur Royal, à incarner celui qui n’a rien fait, qui n’a pas d’idées, comme Ségolène Royal n’a pas manqué de le dire un jour. Alors, pourquoi ne pas voir à l’origine de l’amour fou entre Valérie Trierweiler et François Hollande l’incroyable sensation de délivrance, de possibilité d’être enfin unique, avec cette femme journaliste, qui, en suivant le PS, lui renvoie une image de lui unique, bien qu’à un moment de son parcours politique où il est au plus bas, presque castré justement ? Soudain, dans une attraction folle, ne se présente-t-elle pas comme la femme de sa vie unique, singulière, où il n’est plus marqué à la culotte par une femme sœur qui en a plus que lui ? Soudain, et enfin, ne voit-il pas s’ouvrir le temps d’une sorte de gestation merveilleuse et unique, avec cette femme qui n’est pas une concurrente mais qui s’intéresse tellement à l’homme politique qu’il est, qui affiche son admiration pour son intelligence, pour son humour, pour son agilité intellectuelle. Soudain, avec cette femme de caractère, belle, qui vient alentour, ne rejoint-il pas une belle image spéculaire de lui-même, débarrassée de celle de la compagne sœur concurrente derrière la complicité qui finit toujours par le castrer et par lui prouver qu’il ne peut pas en avoir sans elle, s’ouvre la perspective d’être un homme singulier, unique, ne se définissant pas par rapport une compagne d’endogamie réparatrice d’une sorte d’impuissance. L’amour embrasé avec Valérie Trierweiler, qu’elle raconte dans son livre comme une chose impossible à repousser, comme une incendie qui a totalement emporté sa vie, comme une sexualité qui a détruit sa vie d’avant alors même que tout allait bien, qui a entraîné un inimaginable chamboulement aussi pour ses enfants et son mari, nous donne l’impression d’une vraie gestation pour François Hollande, elle l’accueille dans sa vie, forcée d’être dans une sorte de tolérance totale pour cette nidation amoureuse qui pourtant détruit sa vie d’avant jusque sur le plan professionnel, et cela donnera à la France cette sorte d’enfant président sauveur de la crise qui est enfin né, avec tout le fantasme qui va avec. Mais le livre nous montre bien que François Hollande et un homme qui ne veut pas trancher, qui semble toujours vouloir à la fois la compagne sœur complice Ségolène Royal comme si l’exercice du pouvoir ne pouvait se passer d’elle car secourant l’impuissance, au risque de retomber dans la douleur de se sentir marqué à la culotte par la sœur qui en a plus que lui pour incarner la mère de la nation, et sa compagne officielle avec laquelle il sent qu’il est unique, lui renvoyant une image puissante de lui-même, auprès de laquelle il peut refouler la sensation douloureuse de la castration. Mais, pour l’exercice effectif du pouvoir, la présence de Ségolène Royal revient d’actualité, tant la conception de la politique est pour cet énarque technocratique, est élitiste, est organisée d’en haut, coupée de la réalité, comme s’il détenait le savoir-faire sans avoir besoin de connaître vraiment ce que c’est, la vie non élitiste, la vie sur terre, au travail, en se posant chaque jour la question de l’argent et des moyens pour vivre parce que ça manque, tandis que eux n’ont jamais eu pour eux-mêmes à sentir ce manque d’argent, cette castration d’une autre nature. De même, lorsque Julie Gayet, l’actrice appartenant à une famille dont le père est proche depuis longtemps du parti socialiste, une famille qui semble proche de celle de François Hollande, même milieu, entre dans sa vie, avec sa jeunesse et sa beauté, mais aussi un apaisement incroyable de cette tension avec Valérie Trierweiler qui n’arrête jamais de remettre sur le tapis la question Ségolène Royal c’est-à-dire un statut de femme qui est radicalement différent de celui qu’elle vit depuis toujours et qui semble refouler brutalement le sien comme politiquement incorrect, ce qu’elle refuse envers et contre tout, François Hollande ne veut pas trancher, il semble vouloir garder les deux, voire les trois, liées entre elle comme dans le nœud borroméen, parce que de l’une à l’autre et à la troisième, ce qu’il sauvegarde est quelque chose de l’ordre de l’impuissance, est une image d’homme fort, qui protège la France vécue et décrite comme un pays matriciel exceptionnel, reconnu de partout, envié, unique, dans lequel les Français doivent reconnaître qu’il fait bon vivre, mais aussi giron menacé, et heureusement notre président si conscient de sa mission presque impossible est là, à la barre envers et contre tout, contre vents et marées, attaché à faire son devoir, à préserver cette France ventre, avec nous Français dedans ! En vérité, ce que nous montre ce livre de Valérie Trierweiler, par lequel elle livre une bataille pour continuer, en luttant contre le refoulement unanime dont elle est l’objet, à affirmer un tout autre statut de femme, tellement désigné comme politiquement incorrect, tandis que, semblant insister sur des origines modestes et sur une différence de classe sociale comme pour mettre le doigt sur une castration originaire, semblant vivre un étrange masochisme originaire, un inguérissable destin de manque, de perte, qui la rattrape, elle s’incarne vraiment comme quelqu’un ! Quelqu’un d’humain, qui pourrait bien devenir le paradigme politique pour tous ceux qui sont impuissants à se sentir être quelqu’un. Comme si ce nouveau paradigme, tellement plus proche des habitants de France que le paradigme élitiste si froid, technocrate, éloigné de la vraie vie, s’élançait à partir de la castration originaire, de la perte, d’un sevrage de l’idée d’une France matrice, d’une France ventre dans lequel il ferait bon vivre, garantie d’en haut par les puissants, admirée et enviée hors de ses frontières, visitée, imitée, une France qui irait au secours d’autres pays. Le chef de l’Etat continue de son côté à tenter de convaincre les Français qu’ils doivent aimer une France si riche de tous points de vue, la preuve est faite par le regard des étrangers, et si les habitants aiment vraiment la France, comme un contenant idéal, alors ils doivent travailler à la perpétuer quittes à vivre des temps durs. Or, c’est peut-être de cette représentation-là de la France, que la politique actuelle veut imposer envers et contre tout, qu’il s’agit de se sevrer ! Se sevrer d’une représentation élitiste du pays, un pays élitiste parmi tous les autres pays, donc quelque chose de distant, d’éloigné de la vie réelle de chacun des Français, qui doivent batailler chaque jour, où le maintenant n’est jamais quelque chose de garanti, de déjà représenté, de déjà mis en belles images. Ce qu’incarne cette femme pointée du doigt comme politiquement incorrecte, comme vulgaire, est pourtant la vie en train de se vivre, de batailler, comme la vie de chaque habitant d’une France non élitiste. Ce livre de Valérie Trierweiler ne se présente-t-il pas comme la coupure d’un des trois nœuds borroméens chers à Jacques Lacan, une coupure qui a pour conséquence que les deux autres cercles ne peuvent plus tenir ensemble ? Le psychodrame borroméen entre trois femmes autour d’un président oscillant entre impuissance et fonction présidentielle qui résiste aux vents et aux marées ne se dénoue-t-il pas par un livre qui tranche dans l’indécision de François Hollande, dont nous savons par Valérie Trierweiler combien il chercha très vite, après la répudiation, à la retrouver ! Et bien non, elle lui signifie par ce livre, qu’il ne pourra pas la retrouver dans ce drame borroméen où il ne décide pas entre trois femmes ! Valérie Trierweiler devient quelqu’un d’elle-même, par-delà le mépris unanime politico-médiatique, sans avoir besoin d’être reconnue, d’être protégée, d’être séduite. Peut-être François Hollande s’apercevra-t-il qu’il aurait pu jouer une tout autre carte politique, s’inspirant de cette révolution intérieure sur la base d’une perte d’un monde d’avant représenté par le monde protecteur élitiste inondant de ses images le monde d’en bas ? Peut-être avait-il tout près de lui une carte majeure pour une autre politique, et il ne l’a pas jouée, la repoussant au contraire, la refoulant tellement que, comme toujours lorsqu’on met à la porte quelque chose dont on ne veut rien savoir, elle revient par la fenêtre de l’écriture ! François Hollande a sous-estimé son ex-compagne, non pas dans sa capacité de nuisance, de méchanceté, mais dans sa capacité politique ! Or, bien plus que la carte de Ségolène Royal la femme sœur, la femme qui sait faire à parité avec l’homme, la femme qui est comme un homme réussi, qui en a plus que lui et le répare, si François Hollande avait joué la carte Valérie Trierweiler, cela n’aurait-il pas eu un impact incroyable sur les électeurs dits populaires, une femme de la vraie vie, qui redonne de l’espoir puisqu’elle, ses origines modestes ne l’ont pas empêchée de réussir ! Au congrès de Rennes, François Hollande est allé chercher l’aide de Ségolène Royal pour qu’elle lui amène ses électeurs - alors même que le faible score de celle-ci à la primaire socialiste en disait long sur le rejet d’un style oscillant entre la mystique, l’image d’une diva, et l’image de la mère courage, de la bergère avec ses moutons – alors qu’il avait sous la main une autre carte, peut-être bien plus efficace, bien plus révolutionnaire et renouvelant la perspective politique, offrant enfin l’image d’un candidat connaissant par elle la vraie vie. Il ne l’a pas fait, donnant alors toujours l’impression de refouler Valérie Trierweiler, la vraie Valérie Trierweiler, de la sphère du pouvoir, de ne tolérer qu’une représentation illégitime de cette femme, rendant visible non seulement son inconfort, sa dégradation, mais une insoumission intérieure qui sera mal vue, forcément.

Les lecteurs passent outre les tentatives de refoulement du livre taxé de brûlot de Valérie Trierweiler, au risque de ne pas obéir au bon goût, de passer pour voyeuristes, et c’est un vrai raz-de-marée… Michel Onfray est très méprisant à l’égard de ces lecteurs, qu’il voit ne lisant plus, branchés à leur i-phone, addicts par rapport à la technologie, à Internet, au numérique, et qui, lorsqu’ils se débranchent, se précipitent vers le seul livre qu’ils sont capables de lire, le livre de Valérie Trierweiler, vulgaire, des ragots. Vraiment, ceux qui ont lu ce livre sont-ils tous des incultes, des voyeurs, des gens vulgaires qui ne savent plus ce qu’est la vraie littérature, des gens qui n’ont plus de culture, plus de bon goût ? L’écriture n’est-elle pas un contre-pouvoir ? N’est-elle pas une bataille pour devenir quelqu’un, à un moment où la planète entière devait assister à la disparition d’une femme, à sa déchéance ? Ce livre nous raconte pourtant que, curieusement, le président ne voulait pas se séparer d’elle, il a semblé croire que cela pouvait reprendre peut-être hors de la sphère politique, en tout cas comme s’il avait été trop dur avec lui-même en la jetant de sa vie pour une raison d’Etat, pour préserver une représentation du pays en haut lieu préservée des passions humaines ! Rester président, préserver cette fonction, au prix d’être très dur avec lui-même, c’est-à-dire sacrifiant un amour vrai ? Pour sauver l’image élitiste d’une France dans laquelle pourtant le plus grand nombre de Français vit mal ?

Et si, justement, le rideau s’était pour la première fois déchiré sur une autre scène, où ce n’est plus manipulé, où il ne s’agit pas de communication, de politiquement correct, mais d’une logique de vie qui bataille pour refouler la domination de la vie sur terre par la logique de reproduction, qui ne concerne sur une sorte d’autre scène que le renouvellement, nécessaire, de l’espèce humaine, pour abandonner à la vie des humains qui, une fois nés, après un saut logique, ont à vivre une vie singulière, au gré des situations qui sont changeantes, au gré des rencontres, des difficultés, dans un relancement incessant de l’aventure de la vie ? Se dévoile une vraie histoire de bout en bout, pas une histoire arrangée, maîtrisée et avec des secrets bien gardés, mais une histoire avec ses chapitres non censurés, ses hauts et ses bas, l’amour fou, la haine, le désaccord, l’indifférence, chaque détail entre dans le dire, l’écrire, au risque de voir apparaître les personnages différents de l’image maîtrisée d’eux-mêmes qu’ils voulaient officielle. Une incroyable histoire, romanesque et tragique, où s’affrontent la logique de vie par laquelle Valérie Trierweiler bataille pour sa vie singulière, et la logique de la reproduction à laquelle obéit le président dans sa fonction présidentielle avec la complicité politico-médiatique. On sent très bien dans ce livre passionnant, romanesque et tragique, que cette femme, l’auteure, défend sa logique différente, n’ayant rien à perdre, mais plutôt tout à gagner, c’est-à-dire être enfin reconnue comme quelqu’un par-delà le boycottage. Dans la logique de reproduction, où l’homme au pouvoir suprême se voue avec une grande gravité à son devoir de protection, de sauvegarde et de développement de cette France matricielle, cette France giron enviée de partout, c’est-à-dire une position de père protégeant la reproduction humaine à l’intérieur du plus beau pays du monde, une sorte de père couveur, trois figures de femmes sont liées dans un nœud borroméen visant à assurer à cet homme fort une sorte de statut d’enfant sauveur devenu président. Ces trois femmes sont : la femme-sœur, telle Ségolène Royal, complice et en concurrence avec lui pour fonder cette France matricielle, cette famille pleine d’enfants réussis ; la femme-mère, telle Valérie Trierweiler, capable de se donner totalement à la gestation de l’homme d’exception qui sera président ; la femme-fille, Julie Gayet, pour laquelle le président plus âgé qu’elle réitère une figure paternelle au pouvoir avec lequel elle vit une idylle inimaginable. Mais ces trois figures de femmes, dans cette logique de reproduction, en restent à la soeur, la mère, la fille, toutes trois fonctionnelles par rapport à l’homme fort protecteur de la France matricielle dans sa fonction pleine ! Une femme, c’est autre chose ! Une femme ne se soupçonne que dans l’étrange résistance de Valérie Trierweiler, qui, toujours, semble ne jamais trouver vraiment sa place singulière dans cette logique de la reproduction à laquelle en reste bizarrement la politique aujourd’hui, comme s’il s’agissait de s’occuper des petits que nous serions tous restés en ce si protecteur giron. Car sa place singulière, légitime, se joue à partir d’un saut logique, et ensuite c’est quelque chose de rythmique, au hasard des situations, sans que rien ne soit jamais joué d’avance, protégé, écrit, répétitif à l’identique. D’une certaine manière, le côté brutal et tragique de cette histoire, qui atteint de plein fouet d’abord Valérie Trierweiler, puis ensuite en réplique François Hollande, ne joue-t-elle d’une manière incroyable et inédite ce saut logique ? Nous pressentons que désormais, pour Valérie Trierweiler en tout cas, la vie est comme une naissance à la vie, qu’elle est devenue quelqu’un, même si cela en dérange plus d’un, et que sa nouvelle vie s’élance vers des chapitres inédits. Quant à François Hollande, c’est fou comme sa passion pour la fonction présidentielle, qui le rive dans la belle image spéculaire et narcissique de l’homme fort protecteur d’une matrice nationale en pleine gestation, comme si la politique n’était qu’une interminable gestation avec des petits jamais vraiment finis, le pousse à être dur avec lui-même au point de sacrifier la femme de sa vie ! C’est très étrange, ça ! Mais, pour paraphraser la phrase du chef de l’Etat lors de sa conférence de presse du 18 septembre 2014, qui a dit qu’en politique tout est possible, j’ai envie de dire qu’en amour tout est possible, même l’inimaginable…

En tout cas, par ce livre, le président François Hollande apparaît autre, l’image que lui-même et que la politique actuelle veulent donner aux Français est altérée, l’image que lui renvoie cette femme impossible à endormir, Valérie Trierweiler, est froide, inhumaine, cassante. Comme si c’était inhérent au processus du saut logique, car quand même, en lisant, nous avons l’impression étrange qu’aucun des deux ne peut quelque chose à ce curieux enchaînement de choses conduisant au rejet, à la rupture, à la chute, à quelque chose d’inconciliable. Nous sentons comme quelque chose d’implacable, qui les dépasse, et qui va jusqu’au bout. Plus qu’une séparation entre eux, quelque chose qui les sépare d’un autre temps, qui les met dehors, dans un traumatisme qui les atteint l’un après l’autre, qu’ils n’ont pas vu venir. De même que l’amour fou les avait précipités l’un vers l’autre, sans qu’ils puissent y résister, on a l’impression que le processus de séparation s’est peu à peu programmé sans qu’ils puissent l’enrayer. Soudain, c’est fait, et ils ont fait l’expérience de la chute, de la faille sous leur pied, de la béance, et l’un et l’autre. Très dur ! Rude ! Dans la foulée du scandale Closer, Valérie Trierweiler, à l’hôpital, était plongée dans le sommeil, on avait en haut lieu peur que sa parole provoque un séisme plus grand encore. Mais elle a échappé au sommeil, au calme, voire même au regain d’amour du président ! La logique de vie ne se laissa pas piéger au sentiment !

Dans cette histoire incroyable, pas du tout à l’eau de rose comme certains le prétendent sans avoir lu le livre, bas le masque officiel de la maîtrise parfaite, de la normalité promise par notre président protecteur et sauveur !

Nous Français devions ne jamais voir au-delà de cet écran officiel où le couple présidentiel semble immobilisé, une représentation symbolique des parents protecteurs et rassurants dans une logique de gestation interminable pour nous jamais tout à fait terminés. Nous ne devions pas les voir en vérité dans une bataille pour la vie singulière engagée par une femme rebelle résistant à une vie qui n’est pas la sienne, dont le sans statut de première dame entre en résonance avec le fait qu’elle se sente en train de perdre dans l’affaire quelque chose d’essentiel d’elle-même. Soudain, un scandale déchire le rideau non seulement sur la chambre à coucher de ces parents symboliques mais aussi sur leur désaccord, sur leur passion, sur la trahison, sur la sexualité qui conduit même un président à se faire prendre comme un adolescent. Nous aurions dû croire à la scène originaire, c’est-à-dire à une histoire arrêtée, nous en tenir à un rien à dire, à une impossibilité de voir quelque chose, à la porte fermée. Or, il y a vraiment quelque chose à voir, à entendre, ce n’est pas si calme qu’on croyait, au contraire de l’autre côté il se passait et se passe des choses incroyables, cet homme, cette femme sont autrement plus complexes que nous ne pensions, et une sacrée bataille se joue entre eux ! Cette femme, surtout, ne se laisse pas faire, alors que tant de monde qui défend le politiquement correct s’écrie consterné qu’elle n’avait pourtant qu’à jouir d’être première dame et être reconnaissante, alors qu’elle, au contraire, a toujours laissé voir qu’elle n’y trouvait pas, plus, son compte, dans cette apparente incroyable réussite ! Et nous sommes si nombreux à nous précipiter pour lire l’histoire, enfin le couple présidentiel jusqu’à sa rupture a une histoire ! Et quelle histoire ! Paradoxalement, ce livre a pour effet de rendre les personnages plus humains, c’est-à-dire plus complexes, avec leur pulsion sexuelle et leur pulsion de mort, avec leur narcissisme, le masque de la belle image d’eux qu’ils se forgent par leur stratégie de communication tombe, c’est sans doute ça qui est dérangeant, ce coup donné à l’entreprise si politique de maîtrise de leur propre image.

François Hollande a répudié publiquement sa compagne Valérie Trierweiler, par un communiqué à l’AFP, « dix-huit mots froids et orgueilleux », rédigé avec l’aide de « trois conseillers officiels, entre deux piles d’affaires courantes à expédier », réglant une affaire privée comme une affaire d’Etat. Une affaire d’Etat, à en juger à quel point le monde politico-médiatique attendait que le président, enfin, se décide ! Un amour, une compagne officielle de président : et c’est incroyable comme surgit de partout le murmure de plus en plus puissant conseillant au président de rompre ! Cette affaire privée, c’est une affaire publique, puisque autant de monde sachant ce qu’est le politiquement correct s’en mêle ! Cette femme aurait attaqué l’image du président, et donc fragilisé son pouvoir, après avoir attaqué l’image de madone et de mère courage de la mère des enfants du président, donc après avoir mis en cause la logique de la reproduction comme base pour la politique ! L’image ! Voilà ! Quand on est compagne de président, on doit être une potiche, on doit se vouer totalement à la fonction présidentielle !

En France, on est attaché à cette représentation monarchique, le couple présidentiel vu encore comme un roi et une reine : la reine ne doit pas avoir un autre avis que celui du roi ! En même temps, chaque autre femme de ce pays a le droit, elle, d’avoir ses propres idées, de parler, ce n’est plus une mineure assumée par son homme ! On pourrait décider qu’il n’y a plus de première dame, et alors celle-ci serait libre de penser, de parler, d’intervenir dans le débat public ! Ne serait-ce pas parce que nous sommes encore inconsciemment très attachés à cette monarchie, c’est-à-dire à une logique de la reproduction qui nous garde dedans dans une interminable gestation que nous n’avons pas admis son tweet ?

Pourquoi est-elle une affaire d’Etat, cette élimination de la sphère du pouvoir d’une femme jugée ingérable, rebelle, imprévisible, dangereuse, qui semble ne jamais rien laisser passer, toujours inquiète ? Une femme pas à sa place, au point qu’elle aussi se sentait illégitime ? C’est qu’elle introduit un précédent, en affirmant envers et contre tout sa singularité, au risque de tout perdre d’une situation si enviable en apparence ! Son amour pour François Hollande ne la fait pas plier lorsqu’elle est en désaccord avec lui, un désaccord qui questionne le statut d’une femme, de la différence sexuelle.

Une femme jetable apparaît soudain à la face du monde, impunément. Etrangement sans protection encore plus que première dame sans statut, dans une sorte de béance, de faille, comme si elle-même n’avait jamais pensé à s’assurer de gardes-fous. Etrange, presque incompréhensible, sa façon de se donner totalement à cet amour, en acceptant de tout perdre, de tout changer dans sa vie, sans se préoccuper, jamais, de s’assurer des arrières, des protections, des garanties. Elle aurait pu avoir des enfants avec François Hollande, cela l’aurait sûrement rendue plus intouchable, non jetable, mais elle n’a pas sauté dans le désir de Hollande d’en avoir avec elle. Trois fois il l’a demandée en mariage, une fois en 2010 mais c’était juste après son divorce et elle ne voulut pas se remarier tout de suite, une deuxième fois en décembre 2012 mais François Hollande a reculé juste avant, Julie Gayet était dans sa vie, une troisième fois après la rupture, au moment même où la rumeur faisait état du prochain mariage du président avec Julie Gayet, et elle a dit non, un non inscrit définitivement avec la sortie du livre. Donc, elle ne s’est pas assurée de protection par mariage. Et la première dame qu’elle fut un moment était aussi sans statut. C’est vraiment incroyable, cette fragilité extrême de sa vie avec François Hollande, scellée juste par un amour fou, tandis qu’elle n’a pas hésité à presque tout abandonner de sa vie professionnelle parce qu’elle était incompatible avec la fonction présidentielle de l’homme qu’elle aime ! C’est vraiment exceptionnel, cette étrange absence de calcul ! On la critique tellement, on la méprise ! Mais être capable de ça, de ce don de soi à l’homme qu’elle aime, sans gardes-fou, puisque l’homme de sa vie pouvait la quitter comme il voulait !

Ses origines modestes reviennent sur le devant de la scène, avec toute la connotation de la bataille pour vivre, et réussir, sans que ce soit pour elle écrit d’avance comme dans un parcours élitiste. Mais, au lieu d’être à l’écoute de ce qui a rendu possible cette réussite, une formidable pulsion de vie échappant à tout victimisme, on montre du doigt une Cosette, une Cendrillon, elle-même ne se sent pas tout à fait à l’aise, raide, dans une distance presque craintive qu’on prend pour de la froideur et de la condescendance bourgeoise. On a dit qu’elle n’était pas éduquée aux bons codes surtout du monde politique, elle fut une première dame sans préparation, sans initiation, jetée dans cette situation où elle a fait comme elle a pu, avec une maladresse humaine impardonnable dans ce monde d’êtres bien formatés.

Surtout elle aurait dû incarner aux yeux de la France la jouissance à l’intérieur de ce lieu hautement symbolique atteint et respirer la reconnaissance éternelle, lovée comme dans un ventre dans les ors du palais de l’Elysée : voilà, elle aurait dû s’en tenir à cette représentation, à cette jouissance d’avoir atteint elle la fille de la ZUP le sommet, d’être de ce côté matriciel du monde, devenue une sorte de princesse aux côtés de l’homme le plus puissant de France, le protecteur, le sauveur de la crise !

Elle aurait dû rester reconnaissante, et se taire, tranquillisée dans l’exceptionnel souvenir de ce moment et ensuite dans une relation apaisée avec le président qui ne la lâche pas par-delà la répudiation publique, qui entreprend de la retrouver par ses SMS. Sois belle et tais-toi ! Estime-toi chanceuse d’avoir eu accès à un tel monde des grands, et tais-toi ! Ce n’est pas seulement une phrase de macho, qui s’entend lorsque François Hollande lui demande si cela lui a pris du temps pour se faire si belle, et qui ajoute, on ne te demande rien d’autre ! C’est que dans cette belle représentation où elle semble presque avoir un statut, elle incarne aux yeux des Français le milieu désirable et protecteur, rêve de petite fille mais aussi des modestes dont l’ambition devrait être de changer de classe sociale c’est-à-dire de rejoindre une sorte de ventre confortable. Couple présidentiel beau à voir comme des parents rassurants. Faire-valoir de cette politique menée par le président : voilà, j’y suis arrivée, qu’est-ce que j’y suis heureuse, à vous non seulement ceux du bon milieu mais aussi ceux du mauvais milieu d’y arriver aussi ! Faire-valoir du milieu dominant régi par la logique de la reproduction, carotte pour que tout le monde, en désirant l’atteindre, se mette au travail !

La jouissance de ce milieu-là, telle une Cendrillon ou une Cosette devenue une princesse dans le meilleur des mondes, aurait dû faire taire en elle toute jalousie, toute rébellion, toute critique, puisque, comme les autres mais en mieux elle aussi jouit des privilèges.

Ainsi par exemple, elle n’aurait plus dû manifester de la jalousie à l’égard de Ségolène Royal, puisque, à égalité avec elle, elle jouirait maintenant de ces privilèges que le pouvoir offre. Elle serait comme Ségolène Royal, dans la complicité entre femmes en matière de jouissance d’un temps privilégié que, chacune à leur manière, elles auraient désiré bec et ongles ! Comme certaines premières dames avant elle, comme les épouses de la bourgeoisie, elle aurait même pu tolérer une jolie maîtresse issue du même milieu puisqu’elle partagerait avec elle aussi cette jouissance du milieu privilégié, dénominateur commun capable de tout calmer !

Or, Valérie Trierweiler ne s’est jamais pliée ! Elle ne s’est jamais contentée ! Elle ne peut être d’accord sur le fait que cette installation, par le pouvoir d’un homme devenu le plus puissant de France, tel un super père, soit le but de sa vie. Elle ne peut se résoudre à ce que ce statut de femme se résume au fait d’être installée par un homme doté de pouvoir, telle une petite fille qui, ensuite, incarnera son faire-valoir et sera même son égale pour œuvrer à imposer la domination de ce milieu-là qui sous-tend toute la société marchande et la finance.

Ségolène Royal, femme politique à l’ambition féroce et démesurée, comme l’a encore rappelé une émission de télévision de septembre 2014, commence sa vie politique, d’élue, par le fait du prince Mitterrand, qui éjecte un candidat du PS, au dernier moment, pour imposer Ségolène Royal, dans les Deux-Sèvres. Jeune femme aux dents longues, très culottée, ayant eu une formation élitiste à l’ENA, tout de suite introduite dans la pépinière mitterrandienne à l’Elysée dès sa sortie de cette grande école sur proposition de Jacques Attali (c’est en fait le couple légendaire Royal-Hollande qui entre à l’Elysée, tels des enfants privilégiés, gâtés, placés, installés). Jeune femme très identifiée à son militaire de père, par-delà le procès qu’elle lui a fait pour qu’il finance ses études supérieures. L’intervention du président François Mitterrand en 1992, en monarque, répare le refus du père et peut-être sa réticence à l’hégémonie des femmes mère et fille identifiées au pouvoir des femmes parce qu’elles font des enfants. Enfin, le père tout-puissant comme un monarque acceptait de lui donner la place de pouvoir, parce qu’évidemment elle était la meilleure de tous ce qui était attesté aussi bien par sa formation élitiste à l’ENA que par l’appartenance aux privilégiés qui sont déjà en place au palais et ses ors ! Alors, elle fait comme un militaire, elle prend en quelque sorte d’assaut la place, la matrice par excellence, la place forte naturelle, à la hussarde, elle éjecte le candidat en place même s’il est de la même famille socialiste, même s’il est une sorte de frère, même et surtout si c’est un homme. Comme un coucou, elle prend sa place et y pond son œuvre ! Cette éjection d’un homme n’est pas anodine ! Le parcours politique de Ségolène Royal est d’emblée en concurrence sororale avec un homme qui est une sorte de frère dans l’appartenance à l’ENA et dans le commun commencement dans la pépinière mitterrandienne à L’Elysée. Mais, femme, elle le coiffe au poteau, non sans infliger une sorte de castration à l’homme frère encore plus que compagnon juste par le fait du prince qui lui est acquis. C’est l’époque féministe et la parité commençante très politiquement correcte joue la bonne fée au-dessus de son berceau politique. François Hollande, parce que François Mitterrand ne veut pas d’un couple au gouvernement, est éjecté du gouvernement, le ministère revient à Ségolène Royal ! Dans ce milieu politique très souvent élitiste, où est arrivée aux affaires la génération des jeunes gâtés par le fait d’avoir débuté sous Mitterrand, par un commencement sur les chapeaux de roue, nés sous une bonne étoile, se produit tout de même une sorte de castration de François Hollande par le fait du prince qui fait dominer l’avenir politique par une sorte de préférence du père tout puissant pour la fille. Cela domine pendant des années le PS, dans l’ombre bien sûr des éléphants… Et cela reviendra d’actualité lorsque ces enfants gâtés du PS mitterrandien auront l’âge d’être à leur tour aux affaires. Non sans la certitude d’être des demi-dieux, par leur formation et expériences très endogamiques ! La politique très militaire du coucou qui va s’installer dans le nid d’un autre pour y pondre son œuvre, marque de fabrique d’une Ségolène royal très sûre d’elle et au narcissisme à toute épreuve frôlant la morgue condescendante, est une imitation de la prise d’une place forte par un militaire, c’est un envahissement. L’envahissement de la colonisation était lui aussi pour le bien des pauvres indigènes incultes ! Là, Ségolène Royal - l’envahisseuse du Poitou comme l’a nommée un habitant de cette région lors d’une interview pour cette émission de télévision de septembre 2014 non sans paternalisme en évoquant cette jeune parisienne arrivée en talons aiguilles à laquelle on a donné des bottes pour pouvoir marcher dans la bouse et la boue pour réussir l’habile opération de communication avant celle des chèvres et du fromage - est forcément en fille élue du père dans l’image d’une installation par ce super père très politiquement correcte dans le sens d’une certaine politique dominante obéissant à la logique de la reproduction ! Son statut de femme est celui d’une fille installée non pas par le pouvoir de sa parole batailleuse toujours remise en situation car rien ne reste pareil, non pas par ses idées, non pas par un engagement direct et premier sur le terrain, mais par un parachutage par une figure paternelle. Elle réitéra cette politique du coucou en tentant d’évincer le candidat local appartenant au PS, dans une mairie, pour se présenter à sa place, de manière arbitraire, de manière envahissante militaire, mais elle se heurta à plus fort qu’elle et échoua. A la Rochelle, ne veut-elle pas réitérer son installation selon la logique du coucou en faisant intervenir le fait de prince, devenu le président François Hollande, lequel est fortement influencé on l’imagine par le fait qu’il a un lien privé avec elle, puisqu’elle est mère de ses enfants, la mère ici censée peser de toute sa puissance dite naturelle, garante de la matrice où la gestation est infinie ? Donc, à la Rochelle aussi ressort, sous la candidate Royal qui comme le coucou veut jeter dehors le candidat local très implanté sur le terrain et appartenant à la même famille socialiste qu’elle, la petite fille installée par le père parce que, très douée, elle domine par son identification au père et plus encore à la mère puissante car faisant les enfants, chose que les hommes ne pourront jamais faire. Etre mère de famille est le pivot de son programme politique, ce serait, cette caractéristique naturelle et biologique, une preuve d’une sorte de domination par l’antériorité des femmes sur les hommes, justifiant la politique du coucou même avec eux.

Or, n’est-ce pas à ce statut installé des femmes par l’homme puissant, comme si elles ne pouvaient pas le faire d’elles-mêmes, par le pouvoir de leur intelligence et de leur parole depuis le début, qui fait réagir Valérie Trierweiler ? Elle est fière de pouvoir depuis toujours réussir sans cette protection ! Ce n’est pas dans sa logique, cette protection ! Elle l’écrit, elle tient à pouvoir s’assurer une indépendance financière, afin de ne pas dépendre d’un homme pour vivre !

Le séisme provoqué par cette humiliation planétaire dans la vie de Valérie Trierweiler ne peut avoir de dernière réplique que publique, qui se met en acte alors que le président en tentant de la reconquérir comme une élection affirme son amour toujours actif. La réplique du séisme doit faire aussi mal sur lui que le séisme a été dévastateur pour elle ! L’atteindre en plein amour ! Et l’atteindre aussi en pleine certitude orgueilleuse du caractère intouchable, sacré, de la fonction présidentielle. Notre pudique président, derrière le paravent d’une fonction qui, dans la cinquième république, donne un air de monarque à celui qui a tant de pouvoir, incarnant la protection d’une France en laquelle il est désirable de vivre, s’avère toujours plus un homme comme un autre, avec ses passions, ses amours, ses trahisons, ses calculs.

Depuis que la technologie permet de tout savoir, de tout démasquer, d’effacer la frontière entre vie privée et vie publique (s’il n’y avait pas Internet, les réseaux sociaux, qui offrent une incroyable caisse de résonance aux scoops, les paparazzis traqueraient-ils autant les VIP qui, par ailleurs, sont rivés aux effets de leur image sur le peuple comme l’est François Hollande à propos des sondages), cette fonction présidentielle en crise, lézardée, semble pouvoir fournir à ciel ouvert un condensé de vie humaine comme ce n’est pas possible à ce point-là pour des personnes n’étant pas dans cette lumière. L’histoire que nous lisons, avec trois personnages féminins et un président, est romanesque et tragique, c’est une histoire réelle mais on la lit comme un roman ! Nous ne sommes plus cadrés par papa maman qui n’auraient pas d’autre désir que les enfants, la famille, la logique de la reproduction. Au contraire, des vies singulières commencent à se détacher, dans une logique de vie qui nous invite à vivre la nôtre !

Comme jamais, la fonction présidentielle dans ce livre désacralisant semble être devenue le studio cinématographique où se tourne le film cruel des amours humaines, avec leurs ambiguïtés, leurs passions, leurs contradictions, leurs complexités, leurs fixations infantiles, leurs dénouements ravageurs. N’est-ce pas pour cela que le livre de Valérie Trierweiler est devenu un tel best seller ? Il condense à ciel ouvert ce que nos vies écrivent aussi dans l’ombre, dans nos batailles pour devenir quelqu’un de singulier, d’indépendant, qui compte. Si Valérie Trierweiler y raconte sa chute douloureuse, voire dépressive, se laissant couler dans la faille sans accepter la main du président pour la rattraper, on a l’impression qu’à la fin, elle retrouve la vraie vie. Et qu’elle remercie le président pour ça aussi, pour cette chute irrémédiable qui lui a fait vraiment se retrouver dans une logique de vie désormais fièrement assumée, où la perte et les retrouvailles ne cessent de jouer dans un rythme incessant, dans une pulsation respiratoire, dans une invention dépaysante qui implique de se séparer pour retrouver autrement.

Ici, nous avons le livre en train de s’écrire à l’infini, sans refouler de chapitres sous prétexte qu’il faudrait se plier au politiquement correct, et nous sommes accrochés à ce texte comme des enfants qui, avant, n’ont jamais pu satisfaire leur curiosité devant la porte fermée de la chambre de leur parents d’où pourtant ils percevaient des bribes. Soudain, la porte s’est ouverte sur la scène dite primitive. Et ce n’est plus un couple sacralisé comme celui des parents, c’est un couple singulier dont les logiques s’affrontent et se contredisent. Que Valérie Trierweiler ne reconnaisse plus le François Hollande du temps où l’ambition politique visant la présidence ne s’était pas encore mise en branle lorsqu’il est devenu président, c’est logique ! Il est totalement capturé par la fonction, il en jouit et il en est aussi le prisonnier. Cela a quelque chose de sacrificiel ! Il est sidéré devant la grandeur de son devoir et il ne peut pas partager ça, il devient froid, cassant, indifférent, cruel ! Il est clivé ! Son personnage exceptionnel l’a enlevé ! La noblesse et la gravité de son devoir l’attirent puissamment ! La satisfaction narcissique est incommensurable ! Et impartageable avec sa compagne ! La gestation amoureuse folle qui les a unis a conduit à cette jouissance narcissique incroyable et grave, sacrificielle, qui les sépare.

Le statut d’un homme, d’une femme, lentement et inexorablement, dans la douleur, se révolutionnent de l’intérieur, juste en mettant en acte un saut logique concernant ce qu’est le pouvoir. Au départ, nous avons le pouvoir symbolisé par la fonction présidentielle, qui rappelle étrangement celui du père puissant aux yeux des enfants faibles et fragiles, et plus encore celui de la mère qui sait se débrouiller pour qu’il en reste toujours pour ses rejetons jouissant de protection comme d’une matrice. Et puis, à travers une révolution qui gronde et enfle dans ce livre lorsqu’il aborde par la famille modeste de Valérie Trierweiler la question des classes sociales - et combien les politiques et tout particulièrement François Hollande ont tout intérêt à faire de l’aide qu’ils peuvent apporter aux plus démunis la raison d’être de leur vie - nous sentons grossir une autre sorte de pouvoir ! Ce pouvoir que nous trouvons en nous-mêmes, pulsionnel, rythmique, comme Valérie Trierweiler le trouve en elle-même en écrivant, en nous sevrant de notre dépendance infantile par rapport à un pouvoir vu à l’extérieur, protecteur, dans une fonction parentale sacralisée en fonction présidentielle.

De même que Valérie Trierweiler, faisant le deuil de cet amour fou, ce qui tout au long de l’écriture de son livre n’était pas gagné car la tentation de dire oui au retour de flammes du président a dû être forte, a trouvé en elle la force de dire « je » et de ne pas avoir honte de son origine, de ne plus se laisser intimider, nous aussi lecteurs sommes invités à nous sevrer d’une idée immature du pouvoir. Ce n’est pas par hasard que Valérie Trierweiler conclut son livre en remerciant le président non seulement pour ce moment à l’Elysée, mais aussi pour la répudiation publique, ce qui n’est pas seulement ironique. Il y a beaucoup d’intelligence, voire d’intelligence politique, dans ce remerciement-là ! Qui dit pour elle, par cette coupure si cruelle, si brutale, mais publique donc ayant du coup une portée politique, la fin d’une immaturité psychique, et une vraie révolution dans le statut d’une femme !

Ce n’est pas par hasard qu’elle a provoqué une massive levée de boucliers, ceux des politiques, des journalistes, des intellectuels, disant d’une seule voix qu’elle aurait dû être reconnaissante à vie d’avoir grâce au président eu accès à l’Elysée, bref d’en rester au statut d’une femme dépendante de ce que la puissance d’un homme peut lui offrir, comme une petite fille avec un père puissant, et aussi comme toutes ces femmes si féministes sont pourtant pour leur image dépendantes de la réussite des hommes les poussant à être aussi bien qu’eux au travail et encore mieux qu’eux pour assurer leur famille ! Un intellectuel, grâce auquel le peuple peut avoir accès à la culture, à la philosophie, à la littérature, parce qu’il sait tout le leur expliquer, à ces petits, merci à lui, a même dit que sa libido a beaucoup servi à Valérie Trierweiler… Cet intelligent macho susurre que c’est grâce au sexe qu’elle a réussi dans la vie… la fameuse promotion canapé ? L’Elysée aussi ? Mais cet intellectuel populaire a tout faux ! Sa libido a tout fait perdre à Valérie Trierweiler ! Lorsqu’elle est entrée dans la pleine lumière du temps élyséen, qu’elle n’avait jamais désiré, on ne peut pas dire qu’elle soit apparue aux Français très heureuse ! Les images d’elle disaient au contraire qu’elle avait perdu la joie de vivre, la sensation d’être à sa place ! Une promotion ? Une promotion canapé ? Dans son livre, Valérie Trierweiler raconte que cet amour fou, incendiaire, a bouleversé sa vie, elle était heureuse avec son mari et ses trois enfants, elle réussissait professionnellement, elle ne désirait pas que ça change. Et puis ce fut plus fort qu’eux, et cette vertigineuse attraction eut raison de leur vie familiale respective, du désir d’assurer aux enfants des deux côtés un giron protecteur stable. Tout vola en éclats sous la force violente de la pulsion sexuelle qui les précipitait l’un vers l’autre. Donc, déjà la perte d’une douceur de vivre, bien cadrée, le mari, la compagne, et leurs enfants. Mais c’est aussi d’emblée déséquilibré. Car c’est Valérie Trierweiler qui peu à peu se déplace et se recentre sur l’activité politique de François Hollande. Comme en suivant la logique d’une mère se dédiant à son enfant unique. Et même, puisqu’à ce moment-là François Hollande connaît une traversée du désert au point que plus personne ne parierait sur un grand avenir politique pour lui, elle a l’air d’une sorte de mère matricielle accueillant en elle la gestation du futur président. Au début, ce n’est presque rien, un fragile embryon. En temps que journaliste politique, elle allait déjà depuis des années auprès des politiques, et c’est ainsi que François Hollande l’a remarquée, et qu’une étrange attraction a grossi au fil du temps. A un moment donné, on dirait qu’elle est devenue sa journaliste matricielle… Lorsque leur liaison commença à se savoir, presque comme une grossesse présidentielle devient visible, ce fut en tant que journaliste politique que Valérie Trierweiler paya le prix de cet amour fou. Après le bouleversement avec son mari et ses enfants. Sa libido commence à lui faire perdre des victoires professionnelles. Elle ne peut plus suivre le parti socialiste. Puis, lorsque commence la campagne électorale, et que François Hollande est le candidat du PS, elle ne peut plus rester journaliste politique ! Grande et nouvelle perte. Elle reste journaliste, mais littéraire. La dernière étape de la perte au niveau professionnel a lieu avec l’élection de François Hollande. Il lui demande de renoncer à son émission à D8. Et tout de suite, tout le monde s’offusque que la première dame puisse encore faire des chroniques littéraires dans Paris-Match, alors que cela gêne quoi ? Donc, la libido a fait perdre l’essentiel de ses réussites professionnelles à Valérie Trierweiler, ce qu’elle a accepté par amour, dans un curieux masochisme, dans une tolérance anormale qui semble être celle d’une femme grosse d’un fœtus de plus en plus exigeant. L’homme devenu président a totalement orienté la vie de sa compagne raide dingue de lui, admirative, autour de sa vie à lui, de sa vie politique à lui ! Une femme qui a tout perdu pour cet amour, comme le montre la suite brutale ! Elle a tout donné pour cet amour ! Elle a laissé cet amour s’installer en sa vie, jusqu’à ce qu’il bouge à contre rythme d’elle tel le fœtus à l’étroit qui commence à la fin de la grossesse à avoir des mouvements indépendants de ceux de sa mère, jusqu’à cette liaison, puis jusqu’à la séparation, jusqu’à la destruction violente par laquelle le président est sorti d’elle tel un nouveau-né. Alors, bien sûr, elle gagna cet amour fou, ravageur, incroyable. Elle gagna la vie à l’Elysée, elle fit des rencontres qu’elle n’aurait jamais faites autrement, elle approcha de près le rôle d’une princesse, mais en étant de plus en plus ravagée de l’intérieur, y prenant les coups de pieds de l’indifférence, de la froideur, de la goujaterie, de l’ironie, des rumeurs. Tout n’était certes pas négatif dans cette vie à l’Elysée, et par exemple la première dame si atypique put se rendre compte de l’amateurisme de certains, et que dans ces fonctions la tentation était grande de se prendre pour des demis-dieux… C’était de plus en plus dur à porter, être première dame… C’était de plus en plus monstrueux pour elle, voire encombrant pour le président, de s’être oubliée elle-même pour se vouer au grand homme sûr de lui, de sa fonction présidentielle, d’incarner celui qui saurait sauver les Français et surtout la France de la crise. Sans aucune garantie, sans protection, ni mariée au président, ni mère d’un enfant commun, ni une femme politique au même titre que lui. Le rejet, de son côté à lui, se jouait comme une liaison en faisant mine d’ignorer qu’il jouait à cache cache avec les paparazzis… Le livre raconte donc aussi une sorte de deuil très proche du baby blues… La sensation de ne plus servir à rien, de n’avoir plus de sens, d’être réduite à ce déchet qu’est une enveloppe placentaire qui n’est plus fonctionnelle.

Pourquoi ce livre, racontant l’histoire d’un amour fou et se terminant cruellement, serait-il plus méprisable, plus consternant, plus vulgaire qu’une rupture signifiée publiquement par le président et atteignant de plein fouet cette femme, qu’on fit ensuite dormir ? C’est lui qui a convoqué les Français et les médias, d’abord en amenant avec lui sa compagne à l’Elysée, puis en traitant la rupture comme une affaire d’Etat ! Pourquoi alors n’aurait-elle pas un droit de parole publique ?

D’autre part, c’est lui qui, méconnaissant curieusement que les temps ont beaucoup changé depuis François Mitterrand qui pouvait avoir une double vie dans le plus grand secret, a pris le risque de se faire surprendre en casque intégral sortant de chez sa maîtresse. Comme si depuis un moment déjà tout ne finissait pas par se savoir, comme s’il était naïf de croire encore à l’étanchéité entre la vie privée et la vie publique. Comme Mitterrand, pensait-il lui-aussi pouvoir vivre une double vie sans que cela se sache ? Et puis, croyait-il que Valérie Trierweiler, femme moderne pas du tout de la génération de Danielle Mitterrand, de Bernadette Chirac ou d’Anne-Aymone Giscard d’Estaing, pouvait subir en secret l’humiliation tout en sauvegardant les apparences ? Il l’a congédiée comme une domestique ou on ne sait quelle autre étrange chose devenue déchet, jetée comme un kleenex, comme un contenant qui ne sert plus. Par ailleurs, tout le temps qu’elle fut première dame, il fut visible, c’est-à-dire publique, qu’il s’était détaché, qu’il était indifférent, qu’elle était là pour la représentation…

En tout cas, ni les médias, ni la Française qui lui a dit de ne pas se marier avec Valérie Trierweiler parce qu’on ne l’aime pas, n’auraient osé s’attaquer à sa compagne s’ils ne s’étaient pas aperçus d’un désamour dans les images publiques, d’une étrange désynchronisation, d’une absence de protection, et plus encore peut-être que l’intéressée elle-même ne s’accrochait pas parfaitement à son rôle, ne l’occupait pas légitimement, comme traversée par le désir de retrouver une vraie vie où elle serait quelqu’un.

Les politiques et les journalistes se sont tellement mêlés de cette affaire privée, ont tellement donné leur avis et leurs conseils afin que le président prenne la décision raisonnable de mettre fin à cette vie commune ! Pourquoi Valérie Trierweiler n’aurait-elle pas eu le droit de donner publiquement sa vérité, afin de se détacher elle-aussi ? Pourquoi, après avoir été jetée, humiliée publiquement par l’homme qu’elle avait follement aimé, aurait-elle dû faire la morte, se laissant endormir comme elle fut imbibée de tranquillisants lors de son hospitalisation dans un hôpital où, du temps de Freud, le Dr Charcot traitait l’hystérie ? Pour une raison d’Etat ? Et cette humiliation publique d’une femme, qui ne devrait pas répliquer, est-ce que cela ne concerne pas l’Etat ? Un couple qui se déchire et se sépare, d’accord, mais le statut de président de François Hollande a décuplé la violence de la rupture sur Valérie Trierweiler. Elle s’est pris le coup en pleine tête, et elle n’aurait pas dû répliquer ? Les Français n’auraient rien dû savoir de cette violence, alors qu’ils ont été pris à témoin lors de la répudiation ? Il n’y aurait dû y avoir qu’une seule version, celle du président ? Voilà, désormais elle s’affirme par l’écriture dérangeante être devenue quelqu’un, que l’homme plus puissant de France voit devant lui, atterré certes mais sans pouvoir l’endormir, la museler, la reconquérir !

Mais la dernière réplique qu’est ce livre n’est pas une vengeance, même si politiques et journalistes, souvent sans l’avoir lu, prétendent le contraire. Elle parle de cet amour fou, et de sa fin qui n’a pas été aussi simple que ça. Ni lui ni elle ne se sont facilement séparés. Si bien que nous avons l’impression d’un immense gâchis. Par ce livre, bien sûr Valérie Trierweiler ne s’écrase pas devant le désir pressant de François Hollande qu’elle ne l’écrive pas, mais elle s’adresse aussi à tous ceux qui auraient voulu croire que ce fut une liaison sans importance, pour leur dire que c’était une histoire d’amour comme il n’en arrive pas à tout le monde.

Un amour encore sismique, qui s’adresse aussi bien à Ségolène Royal, qu’aux journalistes et politiques, qu’aux Français qui n’aimaient pas cette première dame, et enfin qu’à Julie Gayet, pour que personne ne puisse le banaliser, pour qu’il reste dans l’histoire. Il y eut unanimité pour le rayer de la carte, de l’histoire, mais le livre s’ouvre béant sur son intimité brûlante et dévastatrice.

Femme maltraitée comme aucune autre par l’humiliation publique planétaire, elle devait réhabiliter un amour ineffaçable malgré une volonté unanime de le dégrader. Marque paradoxale de fidélité à François Hollande, par-delà la haine qui semble encore de l’amour, mais douloureux.

François Hollande et Valérie Trierweiler se sont follement aimés, et personne ne peut occulter la réalité de cet amour, par-delà sa destruction, en direct, par la politique. Cet amour fou aurait dû rester dans l’ombre, illégitime, son histoire devait rester refoulée.

Mais non, cette femme haïe et jetée le remet à la lumière, et, si les politiques et les journalistes, main dans la main, le boycottent en dénonçant la vulgarité, les lecteurs font de ce livre un succès inégalé. Répudiée en direct et haïe par presque tout le monde comme personne, c’est ce grand amour qui se trouve aussi refoulé, détruit, dénié, après le passage du cataclysme. Une erreur de François Hollande, en somme, et ils étaient nombreux depuis des années à lui faire admettre cette erreur et à espérer qu’il se débarrassera d’elle.

Le livre, qui raconte ce grand amour, montre à ciel ouvert qu’il n’est pas facile à éteindre, des mois après la rupture le président lui-même lui propose de tout recommencer. Elle n’était pas une presque rien, ce n’était pas une banale liaison qui serait vite oubliée, une erreur reconnue.

Non, même si la haine s’avère désormais tellement plus forte que l’amour, la lave de cet amour incendiaire reste là, en profondeur, elle couve, on le sent, et les oiseaux de mauvais augure n’y peuvent rien. Et si les nombreux lecteurs, qui passent outre le mot d’ordre journalistique, médiatique et politique de le boycotter, se passionnaient pour une histoire d’amour qu’ils sentent vraie, brûlante et tragique ?

Ceux qui haïssent Valérie Trierweiler comme si elle incarnait un danger incommensurable, à maîtriser de toute urgence, pour empêcher in extremis un précédent dont le motif pourrait s’étendre de manière fractale en provoquant une révolution incroyable juste en se mettant en acte à l’intérieur des femmes, au lieu de brandir l’épouvantail de la fonction présidentielle prétendument attaquée, feraient mieux d’entendre ce que dit François Hollande de lui-même à travers les trois femmes qu’il a aimées successivement, Ségolène Royal, Valérie Trierweiler, Julie Gayet. Ainsi, ils s’apercevraient peut-être à quel point sa vie privée influe sur sa conception de la vie publique, en particulier autour du pivot qu’est le statut des femmes.

Est-ce par hasard que c’est Valérie Trierweiler qu’il répudie publiquement, telle une affaire d’Etat, et non pas Ségolène Royal (c’est elle qui le mit dehors et non pas lui qui avait décidé de lui-même de la quitter et par ailleurs en tant que mère de ses enfants elle reste intouchable, sans oublier le lien endogamique de la promotion Voltaire et ce long parcours en tant que couple politique légendaire) ni Julie Gayet qui est du même milieu que lui et a une famille puissante pour la protéger d’autant plus qu’elle est proche du PS depuis Mitterrand, donc là aussi quelque chose d’endogamique, on est entre soi ?

Est-ce par hasard si ce fut si explosif, si guerrier, si haineux, entre Ségolène Royal et Valérie Trierweiler, signant une sorte d’incompatibilité fulgurante, comme si c’était ou l’une ou l’autre et jamais l’une et l’autre de sorte que lorsque l’une est au premier plan l’autre est refoulée dans l’ombre et vice-versa ? Est-ce par hasard qu’entre Ségolène Royal et Julie Gayet, ce soit beaucoup plus compatible, une sorte de cohabitation de l’une et l’autre, au point qu’on a même l’impression que Julie Gayet aurait pu être l’arme sortie par Royal pour éliminer Trierweiler ? Parions que l’élimination publique de Valérie Trierweiler, qui a pris la forme d’une véritable affaire d’Etat, vise à empêcher une révolution intérieure du statut des femmes ! Le droit des femmes, à travers par exemple la question de la parité et celle de la maltraitance, a une place particulière dans ce quinquennat. Certaine ministre navigue à merveille entrere une apparence très féminine et au contrai une allure androgyne voire garçonne, tandis que, dans ce même gouvernement on ne verrait jamais un ministre venir effleurer une apparence féminine, ce qui pose la question de l’identification. Par ailleurs, la parité n’ira jamais jusqu’à la possibilité, pour les hommes aussi, de faire des enfants, même s’ils sont invités à pouponner et à accomplir leur part des travaux domestiques. C’était Ségolène Royal qui mettait en avant comme sa plus grande qualité politique le fait qu’étant mère de quatre enfants, elle serait plus capable aux affaires qu’un homme parce qu’elle sait toujours en laisser pour les enfants, donc aussi pour le peuple, vu comme des petits auxquels il faut qu’il en reste de ce que les parents ont pour eux. Curieux, cet avoir dont il faut qu’il en reste pour les enfants, et pour le peuple. J’ai, et je dédie un reste aux petits. D’une part, une parité pour le travail, où le pôle d’identification est l’homme qui travaille, qui assure donc cet avoir dont femme, enfants, avec le père, ont besoin. Les femmes viennent à parité avec les hommes sur le marché du travail, y compris en politique, pour assurer comme eux l’avoir. D’autre part, une parité différente, où le pôle d’identification est la mère, invitant autant à s’occuper du travail domestique qu’à se dédier aux enfants. Autour de cette question de la parité, la pulsion sexuelle doit privilégier une fille mère, une fille qui séduit un garçon d’une part parce que telle une sœur elle a les mêmes ambitions que lui sur le plan du travail, et d’autre part elle envisage l’avenir commun comme une reproduction, un renouvellement, du cadre familial de l’enfance, de sorte qu’elle s’avance telle une mère rajeunie. La cellule familiale ainsi reproduite, paradigme pour la nation à offrir aux Français, où enfin ils pourront grandir et vivre tels des enfants réussis et ayant de l’énergie et des idées à revendre, ramène en enfance aussi le père et la mère, non sans les mettre sur le trône de la reine et de son roi. On voit comment joue Ségolène Royal, tout le monde se lève lorsque sa majesté apparaît, une madone notre mère à tous, notre diva, notre mère courage, la bergère guidant la nation et mettant dehors les Anglais. Et on comprend beaucoup mieux pourquoi Julie Gayet ! Parce que Julie Gayet, quoique un peu plus âgée que les enfants Hollande, est un peu de la même génération, elle est fille d’une bonne famille, saine, respectable, riche, qui a su un peu selon le modèle Royal produire des enfants plein d’énergie, réussis, indépendants. Julie Gayet pourrait presque être la fille de Ségolène Royal. C’est une fille protégée par sa famille, une fille de, bonne éducation, bonnes manières, dynamiques, sexy à souhait, et dans cette ligne socialiste défendue par sa famille selon laquelle on pense aux pauvres, par exemple on devrait plus les représenter au cinéma, ça c’est très bobo, quel bobo dirait qu’il n’aime pas les pauvres… tout en vivant dans un autre monde en sachant bien quel est son fond de commerce ! Désormais, c’est très politiquement correct de rendre la culture et l’art accessibles aux pauvres… et ça reste un calcul autour du fond de commerce, puisqu’on vend la culture comme un bien de consommation. Il y a encore et toujours cette idée qu’il faut qu’il en reste pour les enfants, pour les petits, pour les pauvres, pour les démunis. Il faut surtout formater leurs goûts, en faire des consommateurs, et au-dessus, il y aura toujours ceux qui ont, ceux qui savent, ceux qui se tiennent et se montrent dans un autre monde. La compatibilité entre Ségolène Royal et Julie Gayet, comme si celle-ci pouvait être sa fille, étant à l’image de l’enfant réussie par une bonne famille respectable qui a su en faire rester pour ses petits, est amusante lorsque nous nous apercevons que l’aîné des enfants Hollande était jusqu’il y a peu de temps en couple avec une femme du show biz et que le père François Hollande a à son tour, comme suivant le modèle de son fils, une liaison avec une femme du show biz ! Ce genre de couple devient d’ailleurs courant chez les politiques, alors qu’avant ils faisaient plutôt couple avec des journalistes ! Désormais, sur le marché sexuel, la norme ce sont ces jeunes gens réussis, pleins d’idées et d’énergie, bien formatés par leur famille, et qui seront de formidables agents pour une société de consommation y compris culturelle conçue comme famille planétaire… C’est là qu’on voit la politique…

Or, côté Valérie Trierweiler, rien n’est pareil ! François Hollande, Ségolène Royal, Julie Gayet ont grandi dans la protection de leur famille, dans une bonne famille même si Ségolène Royal voudrait parfois nous faire croire qu’elle fut Cosette. Leur avenir a été d’une manière ou d’une autre préparé par leur famille, ils ont eu une formation élitiste, des pauvres n’auraient par exemple jamais pu faire l’ENA, Ségolène Royal a sur elle les paroles du père militaire disant qu’elle est la meilleure de tous, il y a le milieu privilégié des expatriés au temps des colonies pour la première enfance de Ségolène Royal qui a dû définitivement façonner son être au monde ! Lorsque son père quitta l’armée et que la famille se rapatria en métropole, l’effet fut glaçant avec ce père imposant une vie spartiate mais quand même dans une grande maison de notable, et parions que l’affaire de la vie de Ségolène Royal y compris en politique est de retrouver le monde de la première enfance. Alors, on se lève lorsque sa majesté arrive ? Mère, en politique, de famille nombreuse comme le peuple français, comme sa mère avec ses huit enfants, au temps privilégié où le père encore militaire assurait une vie d’expatriés douce, chaude, avec beaucoup de personnes pour aider tout autour. François Hollande vivait à Bois Guillaume une enfance dans un milieu aisé, ce n’est pas parce qu’il a des ascendants d’origine modeste que lui-même a connu ce qu’est un milieu modeste. Sa vie s’est modelée dans un milieu matériel ne manquant de rien, même si sa relation au père était difficile celui-ci assurait à la famille un confort n’ayant rien à voir avec celui des pauvres, ce qui importe c’est ce qu’on vit soi, dans le maintenant, pas ce qu’on vécu les ascendants dans le passé, sinon il n’y aurait pas autant de nouveaux riches ayant oublié les pauvres ! Donc, François Hollande, ayant une relation privilégiée avec sa mère, dans le cadre d’un milieu confortable, peut sans doute en politique s’identifier à sa mère assistante sociale faisant comme elle de la douleur sociale l’affaire de sa vie, se vouant à leur protection ! C’est aussi, comme pour Ségolène Royal, se débrouiller pour qu’il en reste pour les petits et les démunis, tandis que soi, on ne manque de rien. Ce n’est pas parce qu’on fait de la douleur sociale l’affaire de sa vie, dans une sincérité qu’on ne met pas en doute, qu’on vit dans le même monde que ces démunis. Car là, il ne s’agit pas du tout d’inventer un monde différent, en s’inspirant par exemple de la façon dont les pauvres réussissent en trouvant en eux les ressources et les idées, mais d’en faire rester pour eux d’un monde à soi privilégié. Ce n’est pas du tout la même chose, ce n’est pas du tout la même logique. On se trouve là en présence d’une dénégation du fait que ceux qui sont vus comme pauvres, défavorisés, voire effectivement sans-dents car n’ayant pas les moyens de se payer le dentiste ni de mordre c’est-à-dire batailler en n’étant pas sous-estimés, ont une autre logique ! Juste le mot « aider » les plus démunis est encore une dénégation du saut logique, de cette autre logique des gens qui vivent autrement leur rapport aux choses, aux autres, et à l’environnement terrestre. On en reste à cette surestimation de soi et une sous-estimation des petits, des pauvres, des démunis, alors qu’on pourrait au contraire penser cette perte, ce déracinement, ce néant, cet abîme, comme autant de métaphore de la naissance, de la coupure du cordon ombilical, de la perte de cette protection qui faisait ne manquer de rien qu’était le placenta. Nous vivons dans un monde dominant qui cherche au contraire à repousser le saut logique en faisant du monde terrestre une continuation placentaire, doublant sa réalité établie sur le mode des équilibres au cours des millénaires par tout ce que le progrès, la science, la technologie savent faire, au mépris des ruptures désastreuses d’équilibre, de la pollution, du changement catastrophique du climat, etc., les fanfarons apprentis sorciers étant encore de vrais fœtus addicts reliés sous leurs airs de génies hyperactifs.

Valérie Trierweiler est dangereuse parce qu’on sent chez elle ce saut logique ! Le milieu dans lequel elle est née n’était pas la métaphore d’un placenta ne faisant manquer de rien. Comme François Hollande rappelle publiquement qu’il a des ascendants d’origine modeste, si bien que lui ne pourrait pas oublier d’où il vient, Valérie Trierweiler, elle, a des ascendants qui avaient une banque… ! Une banque vendue du temps du grand-père. Une richesse disparue ! Comme une matrice placentaire ! Le handicap du père, datant de son adolescence, fait que le milieu, dans cette famille, est autre chose qu’une protection. On y manque de tout, on compte, mais la solidarité familiale est toujours présente. La famille est nombreuse, la pension d’invalidité du père est maigre, la mère doit aller travailler comme caissière à la patinoire, ils vivent dans une ZUP. Bref, aucune protection, pour les parents et les enfants de cette famille, qui serait une continuation métaphorique de la matrice placentaire dont le nom du père serait le garant. Le handicap du père, sa jambe en moins, inscrit une sorte de castration originaire, il n’a plus de phallus pour assurer à la famille le bon milieu, celui qui est à l’image de l’enveloppe placentaire où tout s’offre. Castration originaire, perte de ce premier milieu, chute, réalité d’abord rude de l’extérieur terrestre, hauts et bas, chaud froid, aspérités, mais aussi lumière, chaleur, douceur, couleurs, musique, paroles.

Pourtant dépourvue de cette protection du bon milieu, Valérie Trierweiler se débrouille très bien, notamment à l’école, c’est-à-dire avec ce que l’Etat offre à ses enfants, comme si, une fois nés, les enfants étaient plus ceux du pays dans lequel ils vivent que ceux de leurs parents et famille.

Nous constatons un changement radical de paradigme avec Valérie Trierweiler ! Le paradigme n’est plus celui de la protection, celui du bon milieu qui est celui qui crée les classes sociales ! Valérie Trierweiler pourrait être l’atout par excellence pour un politique qui voudrait vraiment renouveler la vie publique du pays, car elle en sait long sur ces ressources qu’on a en soi pour se débrouiller dans le maintenant de la réalité extérieure, avec ces autres qui sont là dérangeants ou suscitant l’identification, le transfert. On montre du doigt de toutes les directions l’hypersensibilité de Valérie Trierweiler, comme si c’était de la pathologie, de l’hystérie. Or, elle vit vraiment dans le maintenant, où ses cinq sens et son cerveau sont en permanence en interaction avec ce qui arrive. Rien n’y est jamais bien tempéré, bien réglé, bien formaté, cela force à être inter-réactif, donc à ne pas avoir les réactions attendues, convenues de tous ceux qui vivent dans un entre soi peut-être violent mais chapeauté par le consensus. On reproche à Valérie Trierweiler d’être imprévisible, ingérable, de ne pas respecter les codes, les règles de conduite, et aussi de ne rien laisser passer. On l’accuse de ne pas avoir de recul, de tout prendre sur le vif, or c’est justement parce qu’elle vit hors protection !

Parions que si Valérie Trierweiler avait eu une protection – mariage, enfant avec le président, famille riche – elle n’aurait pas été répudiée publiquement ! Parions que si elle venait d’une famille riche proche du PS depuis longtemps, comme Julie Gayet, le président aurait réfléchi à deux fois avant de régler la séparation comme une affaire d’Etat en infligeant une humiliation encore jamais vue ! Parions que si le couple présidentiel avait été marié, même l’affaire rocambolesque du casque intégral et du scooter n’aurait pas eu la même conséquence destructrice pour Valérie Trierweiler, nous ne sommes pas aux Etats-Unis où l’affaire Lewinsky pourtant privée faillit coûter cher au président Clinton, la première dame comme certaines autres avant elle aurait fermé les yeux, rentré en soi l’humiliation, et continué avec les apparences sauves.

Le livre commence par le regret d’avoir tout verrouillé d’elle, comme si elle-même incarnait une sorte d’impossibilité de trouver vraiment sa place dans ce monde-là, comme si elle n’y serait jamais légitime, comme un pressentiment, non elle ne sera jamais vraiment de ce monde-là, un interdit tombe envers et contre tout, qu’elle sent bien tangible : les journalistes ont pu faire un portrait erroné d’elle. Elle a donc bizarrement commencé par se laisser attaquer, sous-estimer, malmener, car personne n’arrivait à voir d’elle une image familière, humaine, il y avait toujours de la distance, de l’autodéfense aussi, une élégance austère, une impossibilité d’être des leurs. « Cette femme avait mon nom, mon visage et pourtant je ne l’ai pas reconnue. » Au lieu de se présenter, en n’ayant pas peur de ne pas être vraiment des leurs, elle laisse les autres maltraiter et altérer son image, tandis qu’elle se raidit. Comme si le regard et le jugement des autres sur elle devançaient toujours sa possibilité de vivre dans ce monde, une castration tombant toujours juste devant elle, comme un écran coupant. Impossible ! Elle ne sera jamais vraiment des leurs, d’autant plus que, depuis qu’elle est devenue journaliste politique, elle n’en finit pas d’aller frôler un autre monde et des personnages politiques à l’ego surdimensionné, qui adorent que les journalistes braquent leur intérêt sur eux représentant l’intérêt du peuple. Mais les journalistes ne comptent pas vraiment pour eux-mêmes, ils n’ont de valeur que par leur pouvoir de promouvoir ou non tel personnage politique qui en fera son idée fixe des sondages, de la communication et des médias.

Donc, Valérie Trierweiler, tout en allant aux alentours du monde politique depuis très jeune sait bien qu’elle n’y compte pas vraiment pour elle-même, qu’elle est tolérée à la frontière de ce monde que pour son intérêt pour l’intérêt représenté par les personnages politiques. Elle, elle sait très bien qu’elle reste au seuil, que les personnages politiques sont des monstres narcissiques centrés sur leur personne, une poignée d’êtres humains persuadés que leur naissance est celle d’enfants idéals sauveurs qui vont enfin guérir les problèmes jusque-là irrésolus de la famille humaine ! Alors, lorsque son compagnon devient président, et qu’elle semble oser franchir juste d’un pas la frontière comme si c’était un sacrilège, juste parce qu’elle apparaît comme une première dame différente, au fort caractère, qui a déjà osé désacraliser le monstre de la politique qu’incarne Ségolène Royal habituée, elle, à faire le coucou toujours par un coup de force pour virer celui dont elle veut prendre la place, on se mobilise tout de suite pour la mettre sous haute surveillance. Elle, elle ne peut pas prendre une place qui n’est pas pour elle ! Comme elle semble depuis toute jeune admettre cet interdit, ce couperet de la castration originaire, et donc en montrant à ciel ouvert cette non familiarité avec les codes de ce monde-là, cette sorte d’autocastration, elle donne l’impression qu’il est facile de l’intimider, que rien ne la protège des attaques, qu’on peut y aller.

Ecrire, ouvrir les malles, vaincre quoi, la honte d’une origine modeste ? Oser se montrer différente ? C’est plus compliqué et complexe que ça ! Ce qui prime, et qui est visible dans son être au monde élyséen, c’est l’interdit d’être vraiment de ce monde-là, donc cette sensation inquiétante de ne pas être légitime, c’est cette castration qui atteint toute velléité de narcissisme, avec cette conséquence douloureuse d’une altération définitive de son image, tandis que le président ne fait rien pour l’en protéger, tant il est occupé par sa fonction de sauveur, par l’ego monstrueux de celui qui croit qu’il est doté d’un pouvoir incroyable ! Monopolisé par sa mission sacrée, très près de se sentir devenir un monarque qui a tous les pouvoirs, l’équivalent de l’enfant roi dans les familles mettant l’enfant imaginaire sauveur au centre, il néglige totalement de s’occuper de sa compagne alors que politiquement, pour la représentation face aux Français, elle a une importance, s’il ne veut pas que le privé problématique éventre l’écran de normalité qui est un argument de poids dans sa campagne. Le résultat est inverse de ce qu’il a escompté : il voulait qu’il n’y ait rien à dire sur sa vie privée, que ce soit irréprochable, et il a négligé la communication et la représentation de la première dame à ses côtés, un oubli qui vaut faute politique, parce que cette compagne finalement n’aurait pas d’importance hormis sa beauté comme faire valoir. Cette compagne qu’il n’a pas vraiment vue comme politiquement importante revient par la fenêtre, elle n’est pas préparée, elle n’a pas les codes de la représentation dans ce monde politique, elle est publiquement illégitime, et non protégée, et, en tant que telle, elle atteint l’image du président normal ! Elle tranche, par une certaine inexpérience du monde de la représentation, par ses maladresses parce qu’elle ne sait pas comment faire, avec les premières dames avant elle, qui, bien qu’en retrait, de par leur éducation bourgeoise voire noble, ont appris parfaitement comment se tenir dans le tableau regardé par des Français encore très attachés à des rituels monarchiques ! Elle, on voit tout de suite, par-delà sa beauté et son élégance, qu’elle n’est pas d’ici, le président semble l’oublier, partir en avant, et elle maladroite laisse toujours voir une faille, un mal-être, une douleur, une inquiétude, elle n’a jamais l’aisance d’une femme bien-née. Les Français encore attachés à la monarchie ne pardonnent pas qu’elle trouble, altère le tableau d’une sorte de roi et de reine bien installés sur leur trône, au palais, tels papa et maman dans leur prime enfance : la lézarde est là depuis le début, par l’oubli très politique d’un président si imbu de sa fonction qu’il dénie l’importance politique de sa compagne, qui, dans la cinquième politique, est publiquement visible dans le tableau ! Avant, pouvait-elle oser des paroles singulières, sans être accusée de prendre un peu de lumière au président ?

Alors, pouvait-elle vraiment ouvrir ses malles et littéralement sauter dans cet autre monde avec un charme nouveau, inédit à cause d’une enfance différente ce qui aurait donné une autre impulsion au programme d’un président proche de la douleur sociale des plus démunis, si déjà ce compagnon ne la regarde plus beaucoup et que c’est visible ? L’homme de pouvoir prend forcément toute la place, et la femme n’a à ses côtés que celle qu’il lui laisse, un strapontin inconfortable. La raison de cet oubli de soigner la représentation politique de sa compagne tient au fait qu’il a déjà fait entrer dans la représentation une autre sorte de femme, il l’a faite revenir, Ségolène Royal, une sorte de compagne-sœur de toujours, dans la complicité de l’appartenance à une même grande école puis d’un même début au palais avec Mitterrand, étant à l’intérieur d’une même famille politique, et dans le cas présent incarnant celle qui, y étant déjà allée en 2007, incarne la guide pour arriver jusqu’aux marches du palais. Même si Valérie Trierweiler, très combative, ne lâchant jamais le morceau en vraie politique méconnue, ne cesse de la refouler pour coiffer sa rivale sur le poteau pour contrer sa politique du coucou (surfant sur l’Œdipe d’autrefois où la fille s’installe à la place de sa mère auprès du père, parce qu’elle est la meilleure des enfants d’après une parole de son père , semble arriver avant sa rivale jugulée, la scène sur le podium de la Bastille le soir des élections, lorsque François Hollande va embrasser Ségolène Royal, confirme à Valérie Trierweiler que sa légitimité lui échappera toujours. Mais la suite montrera qu’elle n’abandonne pas la bataille pour autant, qui est existentielle ! Reste le flou : est-ce au président, représentation du père, à assurer la représentation de sa compagne, comme une père pour sa fille, comme une femme qui ne pourrait pas le faire d’elle-même car ayant un statut mineur ? Impulsée par les paroles de son militaire de père pendant l’enfance, bien avant la dislocation de sa famille revenue en métropole et son climat plus rude et l’attaque au tribunal de ce père qui ne veut pas assurer les études de sa fille la plus douée, Ségolène Royal fait toujours le forcing pour s’imposer comme celle qui y arrive par ses propres forces, par son intelligence, par sa formation élitiste dans les grandes écoles, tout en ayant toujours besoin, pour sa politique du coucou qui se présente dans le nid des autres du coup de main du plus haut placé c’est-à-dire du président, substitut du père puissant qui encore réitère les paroles du père qui la distinguent comme celle qui est la meilleure de tous ! Depuis le congrès de Rennes, Valérie Trierweiler, bien que se dévoilant habile politique en faisant à la Royal un coup magistral à Ségolène Royal en allant lui serrer la main sous l’œil des caméras, sait bien que c’est le pot de terre contre le pot de fer : jamais elle n’appartiendra au monde politique comme Ségolène Royal, qui est dans le même monde que François Hollande à la manière d’une sœur encore plus guerrière que lui, elle, elle n’a pas besoin d’être protégée, initiée, par ses origines et sa formation, elle sait parfaitement faire, maîtrise comme personne la communication, exploite depuis très longtemps l’impact des images privées familiales sur les Français qui plébiscitent la touchante scène de la ministre jeune accouchée avec sa fille d’un jour. Face à cette première compagne de François Hollande, si bien installée dans les images, et tellement associée à Hollande par ces clichés publiques familiaux, elle sent très bien qu’elle n’a en vérité aucune chance si le président oublie de soigner sa représentation à elle, pour une réalité très différente, celle de la sexualité, celle de la vie singulière et non pas celle concernant la logique de la reproduction. Ceci a été parfaitement négligé, et cela se voit juste par l’être au monde élyséen de Valérie Trierweiler. François Hollande président néglige quelque chose d’essentiel, et c’est pour cela que sa vie privée va revenir par la fenêtre médiatique avec tant de fracas dévastateur !

Curieusement, bien que manifestement distant, François Hollande laisse faire les choses, à l’Elysée. Sans doute la raison d’Etat intervient dans sa vie privée : ce serait mauvais pour son image de changer quelque chose. D’où ses mensonges, à propos des rumeurs de liaisons, même la veille de la publication des fameuses photos. Non, qu’elle se rassure, il n’a rien à se reprocher. Description d’un jour normal à l’Elysée, pour la première dame. Rien ne laisse craindre que c’est sur le point d’être fini. Nous sentons que François Hollande laisse comme pour jusqu’à la fin du quinquennat sa compagne s’occuper d’œuvres au palais et ailleurs. Leurs relations, en apparence, ne laissent rien voir. A Noël il vient à la crèche distribuer les cadeaux aux petits avec sa compagne. Ils se parlent, mangent ensemble. Le président a une liaison secrète, mais ils ont une vie commune qui continue comme dans un couple qui a déjà des années. La vie cloisonnée du président devait durer. Lorsque, dans l’appartement privé de l’Elysée, il admet la liaison, Valérie Trierweiler, contrairement à ce qu’on a dit, n’a ni crié, ni cassé de vaisselle. Elle pense encore pouvoir le garder, pourquoi aurait-elle crié ? Curieusement, cette veille de Closer, en disant à sa compagne qu’ils n’y arriveront pas, qu’elle ne pourra jamais pardonner, on a l’impression qu’il désire que ce soit elle qui décroche ! Ce serait tellement plus simple ! Qu’elle abandonne ! La distance, l’indifférence, l’éloignement, depuis l’arrivée à l’Elysée, visaient peut-être aussi ce décrochage de sa part ? Qu’elle laisse tomber d’elle-même. Que son amour s’épuise, se sèche, se rabougrisse, se désespère. Ce scénario aurait été tellement plus conforme, pour lui. Elle aurait été raisonnable… Politiquement, cela aurait sauvegardé son image à lui. Mais elle est là, et le scandale du scooter, du casque intégral, de la rue du Cirque, n’est donc pas étranger à sa présence en tant que compagne. Scandale en vue qui laisse le président abattu, sidéré. Se demandant comment ils vont faire, on a encore l’impression qu’il espère une solution politiquement raisonnable de la part de sa compagne, tandis qu’il est auprès d’elle dans l’intimité de leur chambre. On voit qu’ils partagent encore une chambre, un lit, des repas, qu’ils se parlent, on se dit que Valérie Trierweiler ne pouvait pas se douter du séisme. L’usure devait faire son chemin, sans doute.

Le livre nous montre un François Hollande qui ne décide pas. Il a une liaison avec Julie Gayet, il est distant avec Valérie Trierweiler, mais rien n’est changé, ils habitent le même appartement privé au palais, ils dorment dans la même chambre, jusqu’au scandale du scooter et du casque intégral rue du Cirque, tout reste pareil, une femme n’exclut pas l’autre, et il arrivera ce qui arrivera, ce sont les circonstances qui décideront. Jusqu’au séisme, tout est calme. Il y a quelques secousses, des rumeurs, mais la vie du couple présidentiel se passe comme si François Hollande pensait que le tremblement de terre ne se produira pas. Comme deux vies séparées, cloisonnées, et il veut profiter des deux, il ne veut pas choisir, chacune ayant ses avantages, et une sorte de raison d’Etat suffit à donner raison au statut quo. On a l’impression d’un président qui ne veut renoncer ni à l’une ni à l’autre. Indécision ? Goujaterie ? Plutôt un homme qui veut plusieurs vies, passant de l’une à l’autre, et qui tout-à-coup est abattu parce que, par la faute de paparazzis, ce n’est plus possible. Il est obligé de clarifier sa situation. Un président de la république ne peut pas être cet homme à la vie sexuelle compliquée, il faut du politiquement correct. Il aurait pu avoir le cran d’assumer, puisque Valérie Trierweiler était d’accord pour pardonner. Après tout, la pulsion sexuelle entraîne où elle veut… Et un beau jour c’est vers une femme qui est du même milieu que lui, père médecin, proche du PS depuis longtemps, château, bref pourquoi ne serait-il pas attiré par des femmes très différentes, chacune d’elles pour des raisons différentes. Selon son bon plaisir. Sauf que lorsque cela se sait, c’est politiquement incorrect, nous sommes comme des enfants dont le cocon papa maman est éventré. Alors, il faut un bouc émissaire, la mauvaise première dame, illégitime, le politiquement correct exige qu’elle s’en aille. Alors qu’il y a à parier que ce n’était jusque-là pas le désir du président. La froideur de la politique a raison d’un amour qui semble exister encore par-delà la liaison même s’il est plus distant. Peut-être que François Hollande aimait la retrouver le soir, dans leur appartement privé, la savoir toujours là à côté.

Donc, ces lignes sur l’appartement privé, à l’Elysée, sur la chambre, le lit, sont très importantes pour dire l’existence d’un lien persistant entre eux. Qui n’est pas attaqué par la liaison. Sauf que François Hollande ne pense jamais à le reconnaître publiquement. On a l’impression que ce côté privé, intime, n’arrive jamais à traverser la paroi. On aurait pu s’attendre à ce que le couple présidentiel vive chacun de son côté, chambre à part, Madame dans son aile, tout en gardant les apparences, la représentation, et puis surprise ! C’est dans leur appartement privé commun, et leur chambre à coucher, que le président avoue à sa compagne que oui, c’est vrai. D’une certaine manière, c’est leur appartement privé qui est le théâtre d’une fissuration sous un coup dont le responsable n’est pas le chef de l’Etat mais Closer ! François Hollande a maintenu englobée avec lui dans la sphère présidentielle d’exception sa compagne, à l’évidence il n’a pas envisagé que le changement de sa vie sexuelle pouvait avoir pour conséquence qu’elle serait éjectée du maintenant de sa vie. Il n’aime plus de la même manière cette compagne dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle est ingérable, imprévisible, possessive, jalouse, pas vraiment à sa place ici, ne respectant pas les codes, n’étant pas éduquée pareil, n’appartenant pas à ce monde, mais on dirait sous la plume de Valérie Trierweiler décrivant leur lieu de vie privée qu’il n’a jamais envisagé de la priver de cette sorte de nid commun pourtant inconfortable et fragile pour elle. Il la garde, jusqu’à l’inimaginable scandale. Sa liaison ne remet pas en question. Nous sentons qu’elle est plus et autre chose qu’un beau meuble, voir qu’une belle femme qu’il peut utiliser pour la représentation. Non, nous sentons qu’elle incarne auprès de lui quelque chose de beaucoup plus ancien, qui l’englobe lui-aussi de toute éternité, sans avoir besoin d’y penser. Quelque chose d’une enveloppe matricielle qu’elle incarnerait, retrouvée le soir, la nuit, à laquelle se relier par SMS, toujours là, ce n’est pas une épouse, ni la mère de ses enfants, non, elle fait perdurer auprès du président une chose infiniment plus ancienne et jamais perdue, une sollicitude d’une tolérance totale, qui ne s’éventre jamais même sous le coup des infidélités, car la fidélité envers elle est d’une autre nature. Les fauves de la politique, les médias pas tendres envers cette femme différente qui semble à ce point n’être pas familière ni gérable, n’ont jamais vraiment compris que le président la garde près de lui, même s’il oscille tout le temps entre l’accord avec ceux qui ne l’aiment pas en faisant miroiter la rupture possible et au contraire le maintien d’un lien d’une incompréhensible nature qui a à ce stade de leur aventure de couple de moins en moins à voir avec l’incendie du début. Ils sont étrangement liés. Il peut tout se permettre par ailleurs, mais elle ne cassera pas, elle tolérera l’apparent détachement, la froideur, les silences, l’indifférence, car toujours il rentrera, sera là, à côté, en un lieu protégé. Peut-être le président est-il bien seul, depuis qu’une séparation originaire s’est effectuée sous un coup venu du dehors et que désormais le livre de son ex-compagne entérine ! Le scandale de la rue du Cirque a violemment dérangé et éventré une vie à deux, derrière, tout à l’intérieur de la fonction présidentielle, qui, à l’évidence, ne devait pas l’être, même si de partout le consensus s’était fait pour qu’il se débarrasse d’elle si préjudiciable selon eux à l’image d’un président. Dans la chambre du couple présidentiel, quelques heures avant la publication des photos du scandale, le président est presque allongé sur le lit, abattu, sidéré, se prenant la tête entre les mains. Il n’a pas voulu ce qui arrive à Valérie Trierweiler, mais pas non plus ce qui lui arrive à lui. Il n’a pas programmé cette perte-là. Parions que l’entreprise de reconquête de Valérie Trierweiler, qui commence alors qu’elle quitte l’Elysée en larmes, par ce SMS où il lui demande pardon parce qu’il l’aime encore, tient à son désir de ne pas perdre ce qu’elle incarne beaucoup plus qu’à un calcul tout politique visant à l’empêcher d’écrire un livre dévastateur en la calmant par un retour ardent de flamme ! Parions que tous ces SMS, invitations à dîner chaque soir, proposition de mariage, fleurs, visent à inscrire une non perte d’un lien originaire entre eux, que le président, incrédule, croit pouvoir maintenir, regagner, comme une élection. Ces SMS, cette entreprise de reconquête par-delà l’humiliation infligée, ne nous semblent pas pouvoir être un simple, froid et cynique calcul politique, pour sauvegarder la fonction présidentielle. Sans bien sûr exclure que ce soit les deux : en même temps, le calcul d’un politique sûr de lui et de son pouvoir, et, beaucoup plus, la certitude que ce lien-là, implicite, n’ayant pas besoin d’une reconnaissance symbolique car existant de toute éternité, de type fusionnel, voire relevant d’une logique fœtale encore active, résiste à tout séisme ! L’humiliation publique ne pourrait le couper ! D’où la réplique : et lui, résistera-t-il à son tour à l’humiliation infligée par le livre publique ? Le problème, entre eux, ne viendrait-il pas de ce que François Hollande ne s’est jamais aperçu que le statut de cette compagne auprès de lui devait passer par une reconnaissance symbolique, parce que pour lui, elle est implicite, elle n’a jamais cessé d’exister depuis le passé le plus lointain, le plus profond, Valérie Trierweiler est la femme qui a pu venir coïncider avec cette chose-là et ce fut irrésistible entre eux, pas besoin de nommer, d’inscrire, de reconnaître, elle était à sa place non pas par voie d’un acte officiel, mais parce qu’elle est venue se fondre, littéralement s’abîmer, dans une chose ancienne, voire sans âge, à laquelle François Hollande reste attaché comme à sa vie, dont il n’a jamais vécu la perte. Si bien qu’il ne s’aperçoit jamais que Valérie Trierweiler va se sentir illégitime, non protégée, pas à sa place, jamais sûre de coïncider vraiment, jamais confortée dans une place dont subsiste un doute car une sensation étrange s’insinue tel un poison quotidien, c’est la place d’une présence plus ancienne, d’une rivale de l’ombre qui ne la laisse jamais s’installer en paix, qui lui instille une jalousie subtilement torturante et invisible. La non reconnaissance symbolique maintient chez Valérie Trierweiler un supplice que personne ne comprend, elle devrait remercier le président de l’avoir fait accéder à l’Elysée, elle la fille de la ZUP, la Cosette, au lieu de cracher dans la soupe… Oui, c’est elle, et aucune autre femme, que François Hollande a amené avec lui à l’Elysée ! C’est un fait établi, ineffaçable ! Et on ne peut pas penser que ce fut une faiblesse du président, ou une erreur ! On ne peut pas croire que lui, si habile, si intelligent, si calculateur, se soit laissé influencer par elle, qu’il aurait cédé, voire même que c’était un choix politique car laissée dehors elle aurait été dangereuse, déstabilisante. Oui, dehors, elle l’aurait peut-être déstabilisé, mais parce qu’elle aurait laissé un manque. François Hollande qui ne la regarde jamais, une fois arrivé à la fonction présidentielle, n’est-il pas sûr qu’elle est là, derrière, pas loin, et qu’il n’y a pas besoin de reconnaissance symbolique pour cette présence d’une nature spéciale, étrange ? Seule la perte, la cassure, comme pour la brisure du bol qui préside à la formation du symbole, peut mettre en acte la reconnaissance lorsque se présente, au hasard de la vie, une personne qui correspond à ce point fou à la chose perdue ! Le problème ne serait-il pas que lorsque Valérie Trierweiler est apparue dans sa vie, il l’a reconnue comme si elle y était de toute éternité, dans une familiarité et proximité folle, suscitant un amour fou, incendiaire, allant de soi, irrésistible, auto-suffisant, destructeur de la vie d’avant ? Il l’a reconnue comme étant déjà vertigineusement dans son histoire, donc sans avoir besoin d’un acte de reconnaissance pour se lier avec elle qui vient de l’extérieur, du dehors. Il n’a pas besoin de rapprocher les deux bords du symbole brisé, de la matrice éternellement pleine d’eux, cela n’a pas été coupé, éventré, perdu.

Or, c’est étrange comme cette séparation, cette perte, cette brisure qui atteint la fonction présidentielle comme si c’était le symbole lui-même, le bol à casser pour sceller une alliance, revient par la fenêtre du scandale grande ouverte sur la vie privée du président. Visiblement atteint, le président demande comme par hasard que cette fonction présidentielle soit préservée, tandis qu’on sent que le bol du symbole est brisé ! Pourra-t-il alors reconnaître dans cette ex-compagne méconnaissable, devenue une autre qui ne se laisse plus confondre avec une instance du passé qui lui disputait perversement la place, celle qu’il ne pourra rejoindre que par un acte symbolique ? N’est-ce pas ça, le malentendu empoisonnant et dévastateur entre eux ? Lui, il a toujours cru que l’acte symbolique de reconnaissance n’avait pas lieu d’être, car leur lien procédait d’une entente jamais détruite en amont dans laquelle elle aurait été vertigineusement aspirée car coïncidant de manière exceptionnelle avec une présence jamais perdue pour François Hollande. La fonction présidentielle n’a-t-elle pas elle aussi ramené avec elle la sensation de n’avoir pas perdu ce lieu fusionnel et matriciel, la sensation que ce n’était pas perdu ? Or, ce que lui n’a jamais perdu, ce qui est plus que jamais là avec la victoire aux élections présidentielles, ce qui est représenté par le palais de l’Elysée, ce contenant d’exception, de monarque, voire de… fœtus, François Hollande n’a jamais réalisé que sa compagne ne peut pas l’intégrer comme un lieu d’où elle n’aurait jamais été vidée, puisque son origine sociale modeste et son père handicapé l’ont inscrit comme perdu, comme séparé ! S’il n’accomplit pas d’acte symbolique de reconnaissance, elle ne peut pas s’installer naturellement en un lieu d’où elle ne serait jamais tombée par naissance, par séparation originaire ! Elle n’y est pas à sa place, puisqu’en puissance elle en est tombée, elle a été expulsée, séparée, elle s’est retrouvée sur terre, dans la réalité abrupte du dehors, elle n’est pas d’un monde privilégié, protégé, le monde d’une élite, d’un entre soi. Deux vérités s’affrontent dans le malentendu inextricable, alors même qu’ils se sont reconnus au quart de tour, et qu’entre eux ça semble unique ! La vérité de François Hollande est celle d’une sorte de président foetalement installé dans sa fonction, comme s’il avait rejoint le lieu d’où il n’avait jamais été vidé, expulsé. La vérité de Valérie Trierweiler est celle de la chute originaire, de la séparation, celle de la perte de cet autre monde, de ce monde des privilégiés, des riches, qui est une représentation de la matrice éternellement pleine de ses fœtus pas plus nombreux qu’une élite. La vérité de Trierweiler ne cesse de se dire, insistante, par sa sensation de ne pas être légitime, de ne pas être des leurs, par son rejet, sa chute vertigineuse, par l’étrange maltraitance dont elle a été l’objet, par cette jalousie incontrôlable qui ne cesse de dire qu’une instance plus forte qu’elle en ce lieu cherche à la virer. Alors, ces deux vérités qui ne cessent d’insister et de se faire la guerre, comme si le lieu de la paix et de l’amour restait introuvable, font le forcing dans un spectaculaire fracas : la fonction présidentielle se déchire par-delà la dénégation du président et plus rien ne sera comme avant ; Valérie Trierweiler est expulsée, virée, elle chute vertigineusement sur une terre abrupte, elle est rejetée vraiment. Cette histoire qui se passe à ciel ouvert est vraiment incroyable !

Si Valérie Trierweiler a écrit ce livre, n’est-ce pas pour faire entendre sa vérité à elle, celle de la séparation originaire, celle de la perte d’un monde où rien ne manque qui n’est qu’une métaphore reprise par le monde marchand du lieu utérin ? Alors que le monde privilégié où a grandi François Hollande (même s’il rappelle l’origine modeste de ses ascendants, son histoire à lui est marquée par un parcours qui est celui d’une élite, il est imprégné de la certitude d’appartenir à une élite et que, alors, en quelque sorte le monde est à lui, parce qu’il le vaut bien) efface la séparation originaire, la perte, la faille. C’est pour cela que le mot faillite revient sans cesse titiller, à propos de sa présidence… Le livre de Valérie Trierweiler ne se conclut pas par hasard sur l’inscription de la séparation, de la perte, de la fin. Elle lui signifie cette séparation, et s’éloigne en volant de ses propres ailes. C’est cela, la raison de ce livre, et non pas la vengeance ! Inscrire la séparation originaire dans la vie de François Hollande, en marquer la fonction présidentielle ! Mais pas seulement : la certifier aussi dans l’histoire de Valérie Trierweiler ! Elle n’a évidemment jamais pu croire qu’elle n’était pas séparée de ce monde privilégié, des riches, elle a vécu dans la sensation abrupte d’en être séparée, et s’est très bien battue pour réussir ! Sauf que, rester dans la croyance à une lutte des classes sociales afin que la classe défavorisée réussisse à jouir de ce dont jouit la classe des riches c’est inscrire comme la norme cet état de non manque métaphore dans notre société de consommation du temps fœtal, du temps où l’être humain n’est pas séparé, a tout à portée de mains car ça s’offre à l’infini ( voir la politique de l’offre…). Or, ce qui est infiniment plus intéressant et politiquement inédit, c’est de partir de cette nouvelle origine qu’est la séparation, qu’est la perte originaire. La norme ne serait plus celle des privilégiés, mais celle des séparés. En étant allée vers les politiques, vers les privilégiés, vers ce monde où elle se sent pourtant toujours plus ou moins illégitime, Valérie Trierweiler a oublié de défendre, politiquement, sa vérité à elle, comme si elle pensait que le pot de terre ne pourrait que se briser contre le pot de fer des puissants. Le renouvellement inédit de la politique, c’est pourtant elle qui y est le plus préparée ! Elle qui incarne la possibilité de réussir dans la vie même si elle n’appartient pas à la classe dominante. C’est une autre version de la réussite, qui n’a rien à voir avec celle qui passe par la formation élitiste des grandes écoles qui livre des êtres sûrs d’eux, de leur savoir faire, et d’être dans l’autre monde des privilégiés. Un sevrage du désir de protection et de reconnaissance s’est aussi effectué par ce livre ! Elle n’a pas eu peur du rejet, de l’intimidation, de tout perdre ! C’est désormais elle qui nous force à la reconnaître ! Femme qui n’a plus besoin d’être reconnue, telle une éternelle mineure qu’un puissant, tel un père derrière le président, assumerait. Pas protégée, pas épousée, pas rendue mère. Séparée ! La liberté est à ce prix !

Liberté de femme ! Une liberté conquise d’une manière si différente de celle que la parité promet aux femmes, une liberté qui ne passe pas par la revendication féministe. Une liberté qui se fait en perdant l’aile Madame, c’est-à-dire un statut dépendant de la puissance d’un homme dont une femme devrait s’estimer très chanceuse de pouvoir en jouir et surtout pas cracher dans la soupe.

La révélation de Valérie Trierweiler sur le fait que François Hollande méprise les pauvres et les appelle les « sans-dents » est-elle si destructrice que ça pour la fonction présidentielle ? Que François Hollande a une histoire qui tranche d’avec celle des pauvres personne ne l’ignore, son père est médecin, il a fait l’ENA comme aucun pauvre ne peut le faire. Il n’a pas l’expérience d’une vie matérielle, au jour le jour, comparable à celle des pauvres qui, lorsqu’ils vont au marché, par exemple ne peuvent pas s’acheter des fraises garriguettes ! Parce qu’elles sont plus chères ! Alors que lui, il a le choix ! Ce qui est scandaleux, c’est que la malbouffe ce sont les démunis qui peuvent le moins la refuser ! Lorsque Valérie Trierweiler évoque le fait que François Hollande ne veut pas de ses fraises si elles ne sont pas des garriguettes, ce n’est pas une simple et ridicule anecdote qu’elle n’aurait pas dû sortir de la vie privée, c’est une remarque hautement politique ! Elle souligne que le président est du côté de ceux qui ont le pouvoir de choisir, et il ne semble pas réfléchir au fait que s’il y a tant de fraises fades et immangeables sur le marché, faisant la fortune de leurs producteurs, c’est qu’il y a un grand nombre de personnes qui n’ont pas, comme lui, le choix ! Dans l’affaire, il y a des producteurs qui s’enrichissent d’une production de masse que le président juge pour lui immangeable, et ça n’est pas plus dérangeant et scandaleux que ça ! Idem pour la viande sous vide… Le président que Valérie Trierweiler nous décrit a des habitudes de vie d’une personne qui n’a jamais été pauvre donc forcée d’acheter sur le marché des marchandises des produits dont lui ne veut pas. Il n’aime pas vraiment les pauvres : c’est en ce sens-là ! Il est étranger, dans les faits, à leur vie, parce qu’il n’a jamais vécu comme eux, il n’est pas dans le même monde ! Il reste dans l’ignorance effective que le choix qu’il a de dire non, les pauvres, eux, ne l’ont pas. Lorsque sa compagne, parce que cela vient de son enfance lorsque sa mère n’avait pas le choix au marché et supermarché, achète des produits qu’achètent les pauvres, cela n’a pas politiquement de répercussion, alors qu’il est un politique, et elle, alors, c’est Cosette ! Ceux qui votent, en grande majorité, n’ont pas le choix ! Mais les « sans-dents » pourraient un beau jour montrer leurs dents, leurs dents pourraient pousser, et quel pouvoir aurait un non massif à l’achat de ces produits honteux ! Ce non massif venu des pauvres eux-mêmes, comme la voix qu’ils ont en vérité, comme des dents qui leur sont poussées, ruinerait les profits de ces producteurs ! On ignore encore le pouvoir politique de ceux qu’on nomme les consommateurs, voire les pauvres cons de consommateurs ! Mais leur pouvoir, c’est de dire non ! S’ils sont très nombreux à dire ensemble non – et le non aux fraises non garriguettes est symbolique, et serait-ce un oui à la fraise des bois… ? – ils attaquent la finance, juste en ruinant le producteur qui ne peut plus s’enrichir ! Le pouvoir politique qui se profile n’est-il pas celui du non ? La politique de l’offre dans la société de consommation produit une pléthore d’objets sans qualité voire dangereux, ceci pour que les pauvres aient l’illusion de jouir un peu comme les riches tout en les enrichissant encore plus ! Mais le non prononcé d’une seule voix par tous ceux qui se découvrent avoir des dents est la seule arme efficace pour s’attaquer à la finance ! En ayant le choix de refuser les fraises non garriguettes achetées par Valérie Trierweiler voulant sans doute que son compagnon mange la même chose que les pauvres, pour voir, le président aurait pu accomplir un grand pas en politique : en réalisant le pouvoir incroyable du non, si les pauvres cons de consommateurs se mettaient à le dire, sur la finance ! Car si la finance va si bien, c’est qu’il y a des consommateurs qui n’ont pas encore réalisé qu’il vaut mieux se priver de fraises que de manger des fraises sans goût et couverte de pesticides !

Certes, on le croit, le président a fait de la douleur sociale sa raison politique d’être, il a toujours cherché à aider les plus démunis ! Là n’est pas la question, même sous la plume de Valérie Trierweiler ! C’est que l’expression « les sans-dents » évoque aussi, outre la disgrâce esthétique, le fait que les pauvres seraient sans défense, ils ne pourraient pas mordre ! Or, si ils ont des dents, s’ils ne se laissent plus ni intimider ni gaver par l’offre qui encombre de produits sans qualité voire dangereux les marchés, leur non sur les marchés aussi bien que dans l’urne est un pouvoir dont on n’a pas encore réalisé la portée. D’autant plus qu’une révolution dans la façon de consommer, de manger, et de vivre, serait enfin la possibilité de mettre un frein au saccage de la planète provoqué par la société industrielle, technologique, et de consommation ! Un président si proche de la douleur sociale, des démunis ! On devrait pleurer ! Le pire, c’est qu’il est sincère ! Une politique de bonne assistante sociale ! Mais les démunis pourraient, pour avoir enfin une voix et un pouvoir qu’en démocratie chaque citoyen a théoriquement, se démunir encore plus ! Car les démunis, la finance sait bien qu’ils sont encore de bons et idiots consommateurs qui veulent faire comme les riches mais avec des miettes, une aumône qui rapporte gros ! Lorsque le président met à la poubelle la viande qu’il ne saurait manger et que d’autres mangent sinon elle ne serait pas sur le marché, il est d’accord, politiquement, sur le fait que tout le monde ne mange pas des produits de bonne qualité ! C’est l’acceptation de cette différence qui est explosive !

Alors, les propos méprisants de François Hollande concernant la famille « pas jojo » de Valérie Trierweiler ? Bon, ça doit être fréquent que dans un couple, on critique la famille de l’autre, surtout si le niveau social est différent… Mais cela a aussi une incidence politique. Cela choque Valérie Trierweiler, on l’imagine, parce que c’est un éminent homme politique de gauche qui dit ça. D’une part, il dit que sa raison d’être, c’est d’aider les plus démunis. Mais d’autre part, lorsqu’il va dîner chez ces démunis, et qu’il constate qu’ils n’ont pas les mêmes habitudes de vie, pas le même discours, pas les mêmes codes, pas la même culture, il ne regrette pas qu’il leur soit manqué tant de choses pour leur éducation et pour leur vie, il pose sa norme à lui, celle des jojos, voire des bobos, et de plus, cette norme-là, dominante, est la seule possibilité. Il est dans sa certitude d’être dans le bon monde, et il se moque cruellement du monde des pas jojos qui est celui d’où vient sa compagne ! Par ailleurs, lorsque ces mots reviennent sous la plume de Valérie Trierweiler, la mettant peut-être encore plus en colère que lorsqu’elle fut prononcée, il y a eu la répudiation à cause de la révélation d’une liaison du président avec Julie Gayet. Et Julie Gayet, elle, fait partie du monde des jojos, dont le président ne se moquera pas. Idem du côté de Ségolène Royal, famille de militaires de carrière, qui, malgré l’éducation rude donnée à ses enfants surtout lorsqu’ils rentrent en métropole, lui donne accès à une formation réservée à l’élite, d’abord par des écoles semble-t-il privées. Valérie Trierweiler, la pas jojo, montre ses dents ! Ce n’est pas jojo, d’écrire ce livre ? Et bien, il a le pouvoir qu’ont les électeurs pas jojos de mettre un non dans l’urne ! Cet homme politique de gauche, c’est un président socialiste, qui prononce ces paroles ! Ce n’est pas seulement un compagnon qui, lorsque le couple commence à flancher, dit une vacherie sur la famille de sa compagne ! La phrase rapportée dans le livre a un impact politique ! Dites, monsieur le président, pourquoi sommes-nous pas jojos ? Parce que nous n’avons pas eu la même éducation, la même formation, le même milieu de la culture dominante ? Mais alors, un politique de gauche méprise cette bancalité-là ? On est dans un monde où on jette aussi les fruits non calibrés et non beaux à voir, les variétés de fruits non rentables, etc. Sensation de chute, d’être du côté des déchets : on sent bien qu’au cours de l’écriture Valérie Trierweiler est passée par des moments où elle aussi était une pas jojo, jetable, en train de lâcher prise. Elle aurait atteint le président, l’aurait blessé, le montrant pas jojo à la France entière ? Au moins, par cette blessure qu’ils se sont portée l’un à l’autre, ils partagent encore quelque chose, et ce n’est pas rien. L’amour prend des formes insoupçonnables…

Alice Granger Guitard


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