Ken Follet
samedi 7 février 2015 par Meleze

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Ken follet

2010 : La Chute des géants, Le siècle 1 – Fall of Giants

2012 : L’Hiver du monde, Le siècle 2 – Winter of World

2014 : Aux Portes de l’éternité, Le siècle 3 – Edge of Eternity

Au moment où nous avons entrepris cette recension de Ken Follet un article paru sur Slate a attiré notre attention. Il s’agit d’une interview d’un professeur de cinéma sur les difficultés de rendre compte par l’image de la Première Guerre mondiale et sur l’incapacité des archivistes des différents belligérants à faire une synthèse.

Beaucoup de films sont cités comme celui de Kubrick « Les sentiers de la gloire »ou ceux de Tavernier « le capitaine Conan » et « La vie et rien d’autre ».

Nous nous sommes dit que l’on pouvait considérer que l’expérience de Follet était plus grande que celle des Français, à commencer par le fait qu’il a déjà vécu l’expérience il y a une dizaine d’années en portant à l’écran, à la télévision sous forme de série « Les piliers de la terre ».

Si dans la saga du 20° siècle qu’il nous offre en faisant paraître le troisième tome, on souhaite donner une explication à son style, elle se trouve tout naturellement dans cette vision cinématographique qui lui fait rédiger presque un scénario. Les dialogues entre les personnages sont spécifiés dans des lieux et à des périodes où leurs dialogues deviennent percutants. On les voit bouger, penser, comment ils sont habillés, quels sont les décors.

L’auteur se sert de son expérience de la série télévisée, il a l’expérience du scénario et celle du thriller. Des questions sont maintenues en suspens. Des personnages se déplacent en secret pour réapparaître à d’autres moments de l’histoire. C’est au lecteur ou spectateur de s’attacher à des indices qui vont permettre de les suivre et d’avoir la surprise de leurs transformations et de leurs actes. Les trois livres sont divisés en période comme le demandent les saisons d’une série . L’écrivain utilise les faits de guerre pour atteindre la politique. On imagine déjà sa description de la bataille de la Marne ou sa réécriture de la révolution d’octobre telles qu’elles pourraient être porté à l’écran. Si comme le demande Laurent Veray dans l’article de Slate cité plus haut un écrivain à la puissance d’unifier les points de vue entre les différents films d’archives, Ken Follet est mieux placé que tout autre.

Quel plaisir que de pouvoir exprimer librement sa reconnaissance à un auteur qui vous a donné une immense satisfaction avec sa galerie de personnages qui traverse le 20°siècle.

Il y avait déjà eu la construction de la cathédrale et maintenant il s’agit d’un tableau général qui reprend les différentes histoires d’espionnage que Follet a écrites toute sa vie. C’est-à-dire qu’au lieu de focaliser sur tel ou tel point comme le jour où un commando a détruit le radar allemand établi au Danemark, on entre dans la description générale du siècle où il veut expliquer les actes historiques par la liberté humaine.

Au fur et à mesure que l’on avance dans le roman, on se rend compte que l’écrivain place ses personnages dans des situations qu’il souhaitait décrire depuis toujours, mais que la vie ne lui en avait pas donné l’occasion. C’est ainsi que la trame du livre est tissée à partir d’une grève des mineurs du pays de Galles. Une famille en est originaire et va donner naissance à un futur ministre des Affaires étrangères d’Harold Mac Millan.

On s’aperçoit alors que Follet fait passer ses personnages par des heures de gloire du parti travailliste]

Dans le 2° volume cette tendance s’accentue. Il est totalement concentré sur l’entrée des Allemands en Russie, puis sur le programme T4 de l’Empire nazi puis sur la défaite allemande jusqu’au point d’orgue de ce volume qui est le viol de l’héroïne par des soldats de l’armée rouge.

On peut opposer à la trame des trois volumes, sa colonne vertébrale qui est cette fois un couple anglo-germanique qui va être séparé par la Première Guerre mondiale puis par la montée du fascisme. La veuve se fait enfermer en Allemagne de l’est et les descendants des deux branches anglaise et allemande ne pourront se retrouver que le jour de la chute du rideau de fer. On ne saurait donc fonder l’Europe plus solidement que ne le fait Ken Kollet. Sa saga fait partie de plein droit et vient au premier rang des multiples réfutations qui s’opposent au projet de faire sortir la Grande-bretagne de l’Union européenne.

Par contre, il est curieux que dans ce roman historique sur la 2° guerre mondiale, il n’y ait aucune utilisation des batailles de Grèce et d’Afrique du nord pourtant longuement décrites par un autre écrivain déjà ancien comme Lawrence Durrel. De même si nous avons pu lire pour la première fois un épisode consacré à la description de l’attaque aérienne japonaise à Pearl Harbor il n’y a à part cela rien sur les colonies japonaises d’Asie et rien sur la Chine. La Chine est la grande absente de cette description du 20° siècle.

C’est néanmoins un livre monde qui s’ouvre à vous dans le sens où l’historien français Fernand Braudel avait introduit le concept de ville monde dans son œuvre sur Venise.

À lire trois volumes, 3500 pages dont le dernier « les portes de l’éternité » date d’il y a moins de six mois. Ce sont des personnages au destin exceptionnel que vous allez rencontrer et qui vous marqueront. Les recommandations sur Internet restent d’une banalité stupéfiante.

Aucune autorité bien pensante n’a osé saluer le bilan du travaillisme qui est fait l’objet de ce travail au cours de ces histoires. Les héros ne trouvent la paix de l’âme que lorsque le mur de Berlin est tombé, lorsque le communisme a été aboli en Russie et lorsqu’un président noir a été élu aux USA. Saluons au passage la très belle description de l’assassinat de Martin Luther King qui est encore une fois une première dans la littérature moderne. Ici sont rassemblées les causes autour desquelles s’unissent les électeurs du Labour outre-manche.

Ken Follet évite bien sûr d’autres sujets tels que les questions d’Israël, de la Palestine, de l’unité de l’Europe ainsi que la présence de plus en plus massive de la Chine. Concernant l’Inde et le Pakistan deux pays à qui la GB doit les plus grandes proportions de sa population immigrée, on s’étonnera aussi que les familles du livre monde de Follet n’y trouvent pas d’alliance, car il semble qu’il y ait au moins une famille sur trois en Grande-bretagne qui ait eu un de ses membres dans un de ces deux pays.

Mais on ne saurait refermer « les portes de l’éternité » définitivement. Le Labour n’a pas fini sa vie politique en dépit des humiliations qu’il subit chaque semaine depuis 5 ans au cours des questions au Premier ministre et en dépit ce qu’il est désormais comme en France doublé sur sa gauche par un parti vert. Il faut bien constater que le mur qui nous séparait en deux en Europe n’a fait que de se déplacer à nos frontières pour nous isoler des prétendus assauts menés par les pays pauvres depuis le Moyen orient et depuis l’Afrique. Le travaillisme reste responsable de la question israelo-palestinienne et les conservateurs nous font courir le risque de la transformer en une 3° guerre mondiale, en crise de civilisation pour éviter tout sérieux et toute responsabilité dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Meleze


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