Charlibre : le poème du jour d’après, paru aux Editions Corps Puce

Anthologie poétique présentée par Jean Foucault

lundi 25 mai 2015 par Françoise Urban-Menninger

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Jean Foucault possède l’art de dire des choses essentielles sous le couvert de l’auto-dérision. Il se présente lui-même comme "Ministre de tout ce qui me passe par la fenêtre" et se définit également en tant que "Poète de service". C’est ainsi qu’ après les événements tragiques de Charlie-Hebdo, Jean Foucault lance un appel aux poètes du monde entier et l’anthologie qui vient de paraître, témoigne de l’immense écho obtenu, car en 10 jours plus de 80 poèmes lui sont parvenus !

Le sous-titre de ce recueil, à savoir Ne nous laissons pas abattre, donne le tempo à l’ensemble de ces textes émanant de France, d’Europe, du Canada, des USA, du Maroc, de Tunisie, de Haïti, du Rwanda, du Brésil...

Autant dire que les poètes de tous les continents sont entrés en résistance contre la barbarie non pas à visage humain (pour parodier Bernard- Henri Lévy) mais contre l’obscurantisme et sa noria d’intégrismes.

Créé en 2009 au Bénin le groupe du "Ministère universel des poésiens" ou MUP se situe dans un courant que Jean Foucault nomme la po-éthique qui invite tous les poètes à écrire et à s’inscrire dans une démarche engagée.
C’est dans cet esprit que 70 poètes ont rédigé leurs textes pour réagir aux tueries de ce mois de janvier 2015. Eric Dausse se dit "Anéanti/ Par la barbarie", Marie Desmée évoque "L’océan de colère/ le bras érigé en prière", Jacques Buhigiro s’écrie : "J’ai pitié du créateur qui voit couler le sang"...Sur un autre ton, Sébastien Sireau écrit dans son Tango pour Charlie "Charlie/ Papa/ Pas tango"...

Mais partout les notes de l’incrédulité, de la colère et du désespoir s’égrènent au fil des pages où chacun relève la tête comme Gérard-André qui affirme avec force : "Notre coeur saigne mais nous ne baisserons pas la tête".
Quant à être soi-même Charlie, le débat est ouvert dans cette anthologie où Marguerite Bertoni décrète : "Je suis moi...et c’est déjà ça !".
Pierre Le Pillouër nous livre un texte en prose intitulé Je suis un autre qui renvoie immanquablement au Je est un autre de Rimbaud pour signifier avec justesse que "c’est l’altérité qui est menacée dans ce pays".

Nul doute que c’est au nom de la liberté d’expression que les poètes ont pris la plume et Nicole Barrière de s’interroger après Theodor Adorno et Max Horkheimer :"Pourquoi l’humanité n’entre-t-elle pas dans des conditions humaines et se noie-t-elle dans une forme nouvelle de barbarie ?"
A cette question qui touche à notre entité et à notre raison d’être, Jeannine Dion-Guérin semble répondre malgré elle "La violence s’habitue.../ La mort, la vie continuent...".

Et c’est bien pour briser ce silence, cette indifférence, voire cette anesthésie générale dans laquelle semble sombrer le monde que cette anthologie lance son cri, pose sa pierre...Joignons notre voix à celle de Gary Klang qui reprend le beau vers de Guillaume Apollinaire "Il est grand temps de rallumer les étoiles", rejoignons Michelle Meyer qui dans son poème nous invite :"Mes amis, restons des affranchis" !

Françoise Urban-Menninger


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