Songling Pu - Chroniques de l’étrange
dimanche 14 juin 2015 par Jean-François Ponge

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Philippe Picquier, 1998, 445 pp., traduction d’André Lévy

Dans ces "Chroniques de l’étrange", Pu Songling (1640-1715) nous emmène dans une contrée où les humains côtoient l’au-delà au fil du quotidien. Les renards, comme nos loups-garous, sont capables de revêtir une apparence humaine, mais ils semblent plutôt désireux de faire des farces aux vivants et de commettre de menus larcins. Quant aux spectres, c’est du sérieux, il faut s’en méfier. En fait ces petites et grandes nouvelles servent de prétexte à une critique acerbe de la société mandarinale de l’époque. Corruption, calomnies, ascensions sociales aussi brutales que la chute, souvent mortelle, lorsque l’on tombe en disgrâce, sont soulignées d’un pinceau rageur par cet observateur attentif d’une société figée dans des principes immuables. La démarche narrative consistant à utiliser la croyance en l’au-delà pour dénoncer les travers bien réels de l’humanité n’est pas sans rappeler "Le diable boiteux" de Lesage, publié à peu près à la même époque (1707). Dans ce roman célèbre, un démon était capable de voir à travers murs et toits des maisons, pour révéler ce que tout le monde souhaitait cacher. Ici aussi, humour et grivoiserie sont au rendez-vous et pimentent la lecture. Bravo également à la traduction, qui a dû représenter un effort considérable. Un travail d’édition méritoire, pour une meilleure connaissance de l’Empire du Milieu, dans sa routine quotidienne comme dans ses fantasmes éternels…


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