Trilogie - Claude Luezior
mercredi 22 juillet 2015 par Jean-Paul Gavard-Perret

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Claude Luezior, Trilogie : Fragment, D’un seul geste, La couleur du silence, 90 p., 92 p., 100 p., 12 Euros chacun, 2015, coll. Poesie(s), L’Harmattan, Paris.

En sa trilogie incise son « je » dans le « tu » de l’aimée. Il en va moins d’une perte que d’une recouvrance et une prolongation. Chaque texte devient le suspens de celui qui le suit. Le poète pose les paroles pour apostropher la femme et le lecteur. Il écrit de l’oreille à la main d’un « je » qui relèverait du son et qui tombe en mots. Feuilles mortes ou sonals. Au stigmate du je, pas de clef qu’ut encore à l’encan de supplique mais si l’auteur ne chante pas toujours, il ne se fourvoie pas au nom de l’amour. Son élan n’est jamais coupé, trahi : reste un état traduit par des phrases nourries de leur incomplétude. Les énoncés créent l’ouverture face à toutes les impossibilités que la vie apprend à nos corps défendant. L’identité du poète n’en est que renforcée.

Chacun de ses trois livres impose une faim qui ne pourra être assouvie. Néanmoins la langue la nourrit en évitant un trop d’affect même si celui-ci reste son centre. Les mots sont de l’ordre de l’envoi, de la pulsion de vie, de l’énergie. Dans ce jeu du je amoureux tout est axé dès les premiers mots pour la présence contre l’absence. Le poème l’accomplit là où le « tu » de l’aimé crée la présence absolue quoique parfois étrange.

Le pathos trouve aune autre assise que les habituelles rodomontades. Reste la présence d’une chair qui se prend et qui ouvre une série de questions dont personne (pas même la poète) possède la clé. Syntaxe cassée, phrases tronquées soulignent l’incompréhensible. S’écrit peu à peu l’indicible. Le lecteur devient peu à peu le narrateur de tels livres : comme Luezior il se sent l’altéré qui, affranchi des convenances, trouve en la femme de quoi « peupler de métaphores les chaos de ses nuits ».

Et de ses jours aussi.


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