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mangés par la terre- Clotilde Escalle
vendredi 17 mars 2017 par penvins

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Difficile d’entendre ce qui se joue dans ce roman et pourtant… Le style très épuré, phrases courtes au locuteur souvent dissimulé, à chaque chapitre il faut plusieurs lignes avant de découvrir qui parle, les dialogues et les monologues noyés dans le texte ne laissant que peu passer les émotions, les scènes « pornographiques » nombreuses évitant presque soigneusement tout érotisme tout cela concourt au malaise et à la fascination malsaine qui emporte le lecteur. L’indicible ne se tait pas, il est présent à chaque page, le viol est pour certains un acte naturel, médiocre sans doute mais qui ne semble pas à la victime plus insupportable que ça. C’est bien sûr un faux semblant. Parce que cela insiste il y a Caroline, mais il y a aussi Jeanne, l’une comme l’autre en mal de père, l’une comme l’autre rejetée par la mère. Il y a aussi, qui pèse si lourd, la misère sociale dans ce nulle part où les routes seront toutes mangées par la terre. Les pères ne sont que de faibles vieillards quand ils ne sont pas morts tel celui des deux petits violeurs. Ne restent que les mères heureuses de s’être débarrassées d’eux. La terre qui absorbe tout. Maman c’est un ventre qui bat le rappel. Alors, il faut peut-être aller chercher du côté des beaux-pères, celui de Jeanne, Georges Maillet, mais aussi le notaire Edouard Puiseux qui devient d’une certaine façon celui de Caroline. Un beau-père ambigu qui laisse faire la mère, qui même accepte de participer au dépouillement de la fille, à sa mise à nu pourrait-on dire.

Ce qui se joue dans ce pas même petit bourg tient peut-être à cette emprise de la terre, ce silence, ce déni sournois qu’elle impose à tous y compris au corps médical incapable de comprendre la violence que subit Caroline, internée sans doute parce qu’elle a osé prétendre que la famille avait de gros secrets à cacher. Elle qui aime beaucoup son papa. Elle qui rappelle qu’elle a failli l’aimer jusqu’à l‘orgasme, elle a qui l’on répond que c’est un fantasme, un grand classique.

Jeanne peut-être celle qui va parvenir à s’en sortir mais elle aussi est sous l’emprise de sa mère. A côté d’elle, elle ira s’asseoir dans le canapé devant la télé. Le ça me suffit à en vomir, qui ne leur suffit en rien. Plus tard elle sera rattrapée par la vieille mère d’Eric qui n’a pas la force d’abandonner ses parents. De cet univers clos, où les hommes pratiquent la violence à commencer par ces trois crétins qui s’amusent à tendre des fils d’acier sur la route et où les femmes subissent, Jeanne tente de s’échapper en dessinant des villes, pourtant l’on sent bien qu’elle a du mal à y parvenir. Tentative impossible de description est-il écrit. Et l’on se demande à quoi cette courte phrase répétée fait allusion : au cahier de Jeanne, à la difficulté qu’a l’auteur à écrire ou plus intimement, à celle qu’il a de décrire l’indicible. Aucune ville n’a pris corps. Et pourtant ce roman de Clotilde Escalle vous prendra à la gorge, vous interrogera sur l’enfermement – et pas seulement celui physique de l’hôpital psychiatrique - qui retient Caroline, mais aussi celui de ces bourgs d’où l’on ne peut sortir et peut-être même de ces obsessions dont un auteur ne peut se défaire.

Ce roman ne saurait vous laisser indifférent au cynisme d’Edouard Puiseux, prisonnier de sa nostalgie au point de vivre dans une chambre totalement kitsch que l’auteur parvient à décrire : Papier peint à fleurettes défraîchies, tons pastel, mauve, bleu, tout pour plaire, édredon de plumes matelassé pourpre, oreillers de plumes également, taies rose pâle, […]. Entre l’amante dont il souhaite se débarrasser et Gabrielle la bonne qui le poursuit de son désir fou et de sa jalousie, Edouard vous semblera sans doute pitoyable, l’auteur, elle, choisira de le faire disparaître.



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