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Délivrances - Toni Morrison

Editions Christian Bourgois, 2015

jeudi 5 mars 2020 par Alice Granger

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Le titre anglais est « God Help the Child » ! Que Dieu aide l’enfant ! C’est bien plus énigmatique que « Délivrances, qui, pourtant, évoque l’accouchement, la séparation entre la mère et l’enfant » ! Ceci est encore mis en relief par la citation de l’Evangile de Luc, mise en exergue : « Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les empêchez point » !
C’est lorsque Bride, le personnage central du roman, une jeune femme à la peau très noire qui a vraiment rebuté sa mère à sa naissance par sa couleur de peau, deviendra mère, qu’elle comprendra pourquoi sa mère a été si dure avec elle, lui souhaitant bonne chance et que Dieu aide l’enfant ! Cette mère, qui conclut le roman, fait entendre qu’il faut d’autres qualités, quand on devient parent, que simplement croire que la maternité c’est une affaire de roucoulades, de petits chaussons, de guili-guili ! Au contraire, c’est un choc énorme, il faut savoir comment est le monde, comment il fonctionne, et aussi comment il change quand on est parent !
Lorsque que Lula Ann, qui changera son prénom en Bride ensuite, est née, sa mère Sweetness s’aperçoit que quelque chose ne va pas ! Alors qu’elle, sa mère, est une mulâtre au teint blond et le père aussi, la petite est noire comme le Soudan ! Avec des cheveux non pas crépus mais bouclés comme dans les tribus d’Australie ! Toute la famille est fière de se rapprocher des Blancs, la grand-mère pourrait même se faire passer pour une Blanche ! Cette petite, c’est un très brutal retour en arrière ! Avec le retour de refoulé de l’interdiction d’aller dans les magasins des Blancs, et tout ça ! En la voyant, la mère pense à l’abandonner dans un orphelinat ! Elle l’a gardée, alors qu’elle ramenait un passé insupportable, l’esclavage, et qu’elle a ruiné le mariage de ses parents, puisque le père n’a jamais pu la toucher, et qu’il a pensé qu’elle n’était pas de lui. A noter, car c’est très important dans ce roman où tant d’adultes touchent des enfants, ce père ne l’a jamais touchée, cette fille ! Sa noirceur fait tomber un couperet, qui fait qu’est absent autour d’elle le milieu œdipien, et ses mains qui chouchoutent.
Bref, cette petite fille incarne le retour d’un passé refoulé, comme la nécessité pour elle d’affronter enfin de face, au choc frontal, l’abomination dont ont été l’objet les Noirs, mais elle, elle est une fille qui subit de la part de sa mère cette sorte de ségrégation qui est aussi une coupure de cordon ombilical. Cette naissance a en effet changé le monde, pour la mère, puisqu’elle l’a soudain vu redevenir celui qu’il était du temps de l’esclavage, la difficulté de louer un appartement dans une partie correcte de la ville à cause de la couleur de peau, par exemple. Donc, la première chose a été d’interdire à sa fille de l’appeler maman, mais Sweetness, Douceur. Cela pouvait sembler une grande dureté. En vérité, c’était pour ne pas être elle-aussi rétrogradée dans le passé infâme, et donc, préservée, garantir à sa fille aussi une vie moins durement exposée au racisme. Cette mère a inversé la dureté directe du racisme revenu au passé en dureté pour cette petite fille de ne pas pouvoir appeler maman sa mère, comme si elle ne la reconnaissait pas sa fille. Mais cette mère, abandonnée par son mari, n’étant ainsi pas une mère noire mais se faisant passer pour la nourrice d’une petite fille à la peau si noire, a pu, en trouvant un travail bien rémunéré, ne pas avoir besoin des aides sociales, cette humiliation d’être traitées comme des mendiantes. C’est une femme très attentive aux effets de l’apparence qu’on a, celle de la couleur de la peau, celle de la pauvreté, et elle sait échapper à l’humiliation.
Elle élève ainsi sa fille. Elle est très stricte, très dure, elle lui apprend à bien se tenir, car, surtout, elle ne doit pas se faire remarquer, mais sans se douter que ça aussi, c’est courber l’échine ! C’est déjà bien assez que cette petite fille ne pourra jamais changer la couleur de sa peau, et l’éducation stricte est faite pour lui donner les armes pour savoir se défendre, pour qu’elle soit débrouillarde comme sa mère l’a été. La couleur si noire de sa peau la met d’emblée dans une condition de solitude. Sa mère a toujours su qu’elle ne pourrait jamais la protéger de ça. Cela vaut coupure de cordon ombilical ! La fille n’est pas semblable à sa mère. Elle est une autre qui revient du fond abject de l’histoire. Elle devra se battre, connaître le monde, savoir comment il fonctionne.
Au deuxième chapitre, apparaît la jeune femme qui a changé son nom, Lula Ann, en Bride, et qui vient d’être abandonnée par son amant, Booker, qui lui a jeté : « T’es pas la femme que je veux » ! Cela vient résonner avec ce père qui, lui, était parti sans même l’avoir jamais prise dans ses bras, pour lequel elle n’était pas non plus la petite fille qui aurait voulu, puisque sa couleur de peau semblait dire que c’était un autre homme, son père ! Elle avait répondu à l’homme : « Moi non plus » ! Lui faisant croire qu’il n’était pas non plus l’homme qu’elle voulait. En vérité, un homme n’est jamais entré dans son histoire. Et cet homme-là elle n’a pu le voir que comme attiré à elle par le personnage qu’elle a réussi à se construire. Elle qui a de l’argent, et un entrejambe, c’est ça qu’il a utilisé ! Elle ne peut pas le voir avec la profondeur d’une histoire, peut-être n’en revenant pas d’avoir réussi à l’attirer si fort, elle qu’un père avait refusée ! Alors, elle se demande pourquoi elle n’arrête pas de se comparer aux doubles pages des magazines, comme s’étant construite une apparence, une image, une beauté, à partir de là, réussissant ainsi à inverser le terrible défaut de sa noirceur en beauté unique. Alors, l’homme qu’elle a su attirer, c’est pareil, elle le juge à son apparence, « c’est un homme franchement beau, parfait, même » !
Son travail est bien sûr en relation avec la création parfaite de sa propre image, telle une arme pour apparaître dans le monde, dont elle ne se doute pas qu’il lui fait aussi courber l’échine, même si elle gagne beaucoup d’argent, comme dans ce monde-là. Elle est devenue directrice régionale d’une société de cosmétiques, dans laquelle elle a créé sa propre ligne, qu’elle a baptisée « Toi, ma belle » ! Extraordinaire réussite, pour toi ma noire, qu’elle lisait dans le regard de la femme qui ne voulut jamais qu’elle l’appelle maman ! Elle change son nom en Bride, mais se demande si la femme que veut l’homme qui l’a abandonnée ne serait pas celle qui s’appelait Lula Ann ! En fait, il l’appelait « Bébé » ! Et cet homme n’avait pas de moyens d’existence connu. C’est Bride qui avait, en apparence, le pouvoir de l’accueillir et le nourrir !
Très curieusement, elle reprend tout de suite de l’énergie, en pensant que cet abandon, c’était bien, elle pourrait se consacrer tout entière au lancement de « Toi, ma belle », sa réussite dans cette société de cosmétiques. Et par ailleurs, cela lui laisse aussi du temps pour une promesse qu’elle s’était faite, s’occuper d’une détenue qui allait sortir de prison pour une liberté conditionnelle après quinze ans de détention pour agressions sexuelles sur des enfants d’une école maternelle. C’est bizarre comme cette sortie de prison vient résonner avec la petite fille si noire Lula Ann, qui a réussi à être refoulée par la réussite de Bride ! Elle dit que c’est une promesse qu’elle s’est faite à soi-même ! Car c’était son témoignage qui l’avait conduite en prison ! Témoignant qu’elle était bien la perverse dégoutante avec les enfants que les parents, et aussi d’autres enfants, disaient qu’elle était ! On ne sait pas encore qu’il s’agit d’un faux témoignage, et pour quelle raison elle l’a fait. Pour exister dans quel regard, comme sortir de l’ombre, du noir ? Elle veut réparer, alors que ce témoignage, il y avait quinze ans, avait pour but de la réparer elle ! Elle avait huit ans, et au tribunal, lorsqu’elle eut désigné de son index la coupable, sa mère souriait comme elle ne l’avait jamais vu sourire, et toutes les autres mères lui ont souri aussi, et des pères levaient le pouce pour la féliciter. Pour la première fois, en sortant du tribunal, sa mère l’a prise par la main ! Elle devint « plus ou moins maternelle » !
Curieusement, après l’abandon par l’homme qui a dit qu’elle n’était pas la femme qu’il voulait, Bride constate la transformation de son corps, les seins disparaissent, ainsi que les poils. Comme si elle redevenait la jeune Lula Ann. Comme si Bride n’était en effet pas la vraie femme.
Bride vient chercher la détenue avec sa Jaguar, signe extérieur de sa réussite à la hauteur de celle des Blancs. La détenue préfère un taxi. Elle suit avec sa voiture, et cette « route fait penser à un dessin d’enfant de maternelle montrant des maisons bleu clair… Tout ce qui manque, c’est un soleil ». On dirait le paysage de son enfance à elle. Le soleil qui manque !
Pour aborder cette femme qui fut l’institutrice condamnée pour agressions sexuelles sur enfant grâce à son faux témoignage (et au nom des autres enfants muets sans doute), elle entre dans le restaurant où elle mange, en mettant en avant son sac Louis Vuitton, autre signe extérieur de réussite. Elle croit que, vêtue tout de blanc, ce qui fait ressortir qu’elle est noire comme la nuit mettant terriblement en beauté sa noirceur, en lisant un éclair de peur dans son regard, ça remue en elle le souvenir du témoignage de l’enfant qu’elle était, qui avait noirci tellement cette institutrice ! La femme ne comprend pas les raisons pour laquelle Bride lui offre une enveloppe avec autant d’argent, et beaucoup de cadeaux. Mais lorsqu’elle dit son nom, Lula Ann, et qu’elle était l’enfant qui témoigna, elle lui envoya un terrible coup en plein visage, qui dévasta tout un côté ! Elle ne pouvait pas racheter la noirceur de son geste qui avait mené cette femme en prison ! Après l’abandon par l’homme, voici qu’elle était refoulée dans la noirceur de son acte d’enfant ! Bride, la femme noire qui a réussi, est riche, et a fait de sa noirceur une beauté très spéciale telle une panthère dans la neige, après le coup de la femme, est redevenue « la Lula Ann qui ne rendait jamais les coups ». D’un coup, elle n’était plus « Toi, ma belle » sur laquelle tout le monde se retournait, les regards « emplis d’adoration, stupéfaits, mais affamés ». Elle se souvient de l’effet qu’elle avait produit dans la société de cosmétiques, en arrivant tout en blanc, des yeux écarquillés et admiratifs ! « En un rien de temps, j’ai été propulsée au poste de directrice régionale » ! Elle avait compris que le noir faisait vendre, et qu’il la recréait. Les hommes affluaient, et elle s’est laissée prendre. Mais ils ne s’intéressaient qu’à son apparence, lui parlaient comme à un bébé. Comme si c’était un retour de son père, et qu’elle avait, en s’étant recréée, toujours l’âge d’un bébé, concentrant sur lui le regard du père la découvrant.
Une amie et collègue, Brooklyn, l’a emmenée à la clinique. En voyant ses yeux si amochés, cette amie se souvient à quel point ces yeux d’extraterrestres effrayaient, mais que les mecs aimaient bien ! Une très noire avec des boucles soyeuses !
Sweetness explique qu’elle a éduqué sa fille durement afin qu’elle puisse se défendre, elle qui ne savait pas à quel point sa peau si noire pouvait faire peur aux Blancs, elle pouvait ainsi savoir comment traverser la rue en évitant les petits Blancs. Elle a été vraiment fière de sa performance au tribunal, mettant la corde au cou d’au moins « une personne parmi tous ces instituteurs dépravés… Comment ils avaient forcé des petits mômes à faire des choses dégoûtantes ». Puis cette mère fait entendre que sa dureté à l’égard de sa fille, c’était à cause des privilèges liés à la couleur de peau. A cause de la couleur de peau blanche, qui avait droit à tous les égards, et la couleur de peau noire, l’exclusion et l’humiliation. Ensuite, elle fut témoin que sa fille avait réussi à user de sa couleur « à son avantage, dans de beaux vêtements blancs ». C’est pour cela qu’elle s’est dit : ce que l’on fait aux enfants, ça compte ! Sa fille, grâce à la dureté de son éducation, a su renverser son terrible handicap, la couleur de sa peau, en atout incroyable ! Elle a su comment était le monde, et comment se battre ! Juste, finalement, parce que sa mère ne la touchait pas, c’est-à-dire ne lui faisait pas des roucoulades, des privilèges, mais la confrontait au monde en l’éduquant, en n’étant pas une victime violente asociale, mais au contraire une battante décidée à attirer les regards sur elle, de manière à ce que sa beauté spéciale fasse vendre ! Une fille dont l’éducation lui a permis d’obliger le monde marchand à la voir, « Toi ma belle », comme si par la création, les vêtements blancs contrastant avec sa peau très noire, elle était sa propre mère se mettant au monde.
En venant chercher cette détenue, qu’elle avait envoyée en prison par son faux témoignage, en voulant lui donner beaucoup d’argent et des cadeaux, paradoxalement, elle pensait être aimée d’elle. La toucher. Dans une situation où elle venait d’être larguée par un homme, comme autrefois par son père, elle crut que cette fois, elle pourrait toucher le cœur d’une femme qui en avait besoin car elle se retrouvait sans personne hors de la prison, comme elle n’avait pas touché celui de sa mère pourtant larguée par son mari. Le monde continue à être dur. Bride, mais Lula Ann en fait, ne peut refouler la dureté de ce monde, en se faisant bercer, être touchée. Toujours cette histoire d’être touchée. D’où le faux témoignage très curieux, disant, cette institutrice, je l’ai vue toucher des enfants. Comme les mères, sauf la sienne, touchent affectueusement leurs enfants. Elle fut une petite fille, sans doute, ayant une curiosité exacerbée pour ces gestes d’adultes à enfants, qu’elle ne connaissait pas de la part de sa mère. Elle, que sa mère avait éduquée aussi de manière à ce qu’elle se débrouille à n’avoir aucun contact avec les enfants blancs. La question des contacts avec les enfants est particulièrement traitée par Toni Morrison ! En tentant de s’assurer la reconnaissance de la détenue sortie de prison, en la touchant par son geste généreux, elle voulait juste être bien dans sa peau. Elle qui, par sa réussite sociale, avait tant de moyens d’être si généreuse, comme si elle pouvait acheter un geste affectueux avec de l’argent, et avoir ce pouvoir de faire du bien parce que l’autre est en situation vulnérable, qui l’est par sa faute, c’est elle qui l’avait noircie ! Mais ceci est en miroir avec le fait que sa naissance, elle la petite fille à la peau si noire dans une famille qui s’était par la peau rapprochée des Blancs, avait mis sa mère dans une situation vulnérable, celle qui faisait revenir le passé d’esclaves des Noirs ainsi que la ségrégation raciale régnant encore. Bride, se sentant être redevenue Lula Ann, sent le choc frontal avec le monde, avec les humains, alors qu’elle aurait voulu se croire sauvée, à cause de son statut social de riche et de femme attirant les regards, notamment celui des hommes. Elle constate un changement brutal dans le monde extérieur.
Elle est malheureuse parce que Booker l’a quittée. Elle n’est pas la femme qu’il veut. Or, comme par hasard, en laissant remonter les souvenirs des conversations qu’elle avait eues avec lui, lui parlant de ses peurs, ses blessures, ses réussites, soudain il lui revient à la mémoire de lui avoir parlé, elle ne savait pourquoi, d’une scène qu’enfant elle avait vue par la fenêtre : un petit garçon qui pleuraient comme de faibles miaulements de chat tandis qu’un homme, le propriétaire de l’appartement que sa mère et elle habitaient, le pantalon baissé, l’obligeait à aller et venir avec ses poings serrés autour de quelque chose entre les jambes de l’homme. Lorsqu’elle en avait parlé à sa mère parce que les larmes du petit garçon l’avaient alertée qu’il se passait quelque chose de grave, celle-ci fut furieuse, car ce qui l’intéressait c’était de conserver l’appartement ! Sa mère lui avait crié de n’en toucher mot à personne ! Alors, la petite Lula Ann s’était penchée à la fenêtre tandis que l’homme remontait son pantalon, et que le petit garçon restait allongé entre ses bottes en gémissant. Il leva la tête, la vit, et cria : « Hé, salope de petite négresse ! Ferme cette fenêtre et fout le camp ! » Booker est la première personne à laquelle elle en a parlé. Là aussi, une histoire d’adulte qui fait des choses sexuelles avec un enfant. Un homme, et un petit garçon. L’autre histoire, c’était une jeune institutrice de vingt ans sur des enfants de maternelle ! Ce fut une conversation avec Booker qui lui apporta un si grand soulagement, et le sentiment d’être choyée, en sécurité, d’être à quelqu’un, parce que lui, il l’avait écoutée sérieusement. En y repensant, elle réalise qu’au tribunal, lorsqu’elle leva son index pour accuser la jeune institutrice, c’était peut-être l’homme, le propriétaire de leur appartement, qu’elle accusait ! A cause de la similitude du délit commis sur un enfant. Elle avait six ans, lorsqu’elle fut témoin de cette scène, et elle c’était la première fois qu’elle entendait les mots « négresse », et « salope » ! Lorsque, plus grande, à l’école, elle ne se plaignait pas lorsque les enfants la traitaient de singe, qu’elle était un phénomène de foire, c’était pour la même raison qu’elle s’était tue pour l’homme, qui pouvait les chasser de l’appartement, et là elle pouvait être chassée de l’école. C’est pour cela qu’elle développa une immunité si forte afin de n’être plus la petite négresse, en réussissant si bien ! Elle est devenue « une beauté profondément ténébreuse » ! Elle a ainsi vendu son élégante noirceur aux fantômes de son passé, et maintenant, ce sont eux qui la payent, très bien ! A faire baver d’envie.
Booker, c’est un homme bizarre. Elle le connaît peu. Elle aime son mystère, comme s’il était l’homme inconnu de son enfance, son père. Elle aimait le sexe, c’est-à-dire qu’elle aimait l’effet qu’elle lui faisait, « Toi ma beauté » à l’élégance ténébreuse ! C’est maintenant qu’il est parti que sa curiosité s’éveille. Qui est-il ? Dans le sac qu’il a laissé, elle trouve beaucoup de livres, de la poésie, un livre en allemand, il était donc quelqu’un d’autre, elle sait qu’il a des diplômes universitaires. En vérité, elle était persuadée qu’il voulait qu’elle le laisse tranquille sur sa vie privée. Lui laissant sa part d’inconnu, comme son père la gardait totalement. Elle ne savait même pas qu’il jouait de la trompette. En partant sur sa trace, elle apprend qu’il habite la campagne.
Sofia, la détenue qui a tabassé Bride, a eu aussi une mère très stricte. Son seul plaisir, c’était d’enseigner. En battant Bride, elle eut l’impression de se délivrer de sa mère ! Par la pensée, elle guérit les blessures qu’elle a infligées à cette Noire, car elle lui est reconnaissante de l’avoir délivrée de cette mère !
Au volant de sa Jaguar, Bride s’aventure vers une région inconnue, où se trouve Booker, l’homme qui lui avait dit qu’elle n’était pas la femme qu’il voulait. Elle voyage ainsi vers la femme qu’il veut, vers l’autre elle-même. Booker est la seule personne à qui elle a fait confiance ! Celui qui l’a fait se sentir en sécurité, qui l’a colonisée ! Sans lui, le monde était redevenu hostile ! Elle ne comprend pas pourquoi il l’a laissée sans sécurité affective. Il faisait partie de la douleur provoquée par ses blessures. Elle était en présence d’une cruauté déconcertante. Maintenant, elle devait « affronter le premier homme à qui elle avait ouvert son cœur sans savoir qu’il se moquait d’elle » ! Elle voulait en savoir plus sur la femme qu’il voulait ! Avec sa Jaguar, elle s’avance dans un territoire dépouillé. C’est un choc. Son corps a poursuivi son effacement de signes sexués. Plus aucune pilosité sur ses parties génitales. Comme si elle avançait vers l’autre femme, la femme que Booker voulait, sans connotation sexuelle. Comme sans sollicitation à être touchée ! Arrive l’accident. La Jaguar s’écrase contre un tronc d’arbre. Elle avait le sentiment d’être blessée par l’univers, et qu’elle était une fugitive. Une fillette à la peau blanche, et ayant un chaton noir dans les bras vient la regarder. La blancheur semble venir au secours de la noirceur. Elle est secourue par un homme, qui l’emmène chez lui, où il y a Evelyne sa femme. Elle apprend que la fillette s’appelle Raisin, et qu’ils l’ont recueillie. Voilà le symbole de l’accueil et des soins, quelque chose de chaleureux pour la blessée. La vie ici est très rustique, pour Bride qui dormait dans des draps de soie… Il n’y a pas de salle de bains. Toujours cette impression d’un corps qui rétrécissait. Revenant en enfance. Vulnérable. Elle eut l’effroyable soupçon de redevenir une petite fille noire !
La fillette, Raisin, raconte que le couple l’a volée, mais que cette maison, c’est le meilleur endroit, car sa mère l’a jetée dehors ! Et pourquoi ? Parce qu’elle avait mordu le zizi d’un homme qui le lui avait mis dans la bouche ! Sa mère faisait payer des hommes pour lui faire ça ! Encore et toujours, dans ce roman, les choses sexuelles que les adultes font aux enfants ! Jetée dehors, la fillette a dû apprendre à survivre, se nourrir, dormir en sécurité. Un monde du dehors terrible !
La fillette aime cette dame noire qui l’écoute, comme une grande sœur, et qui a les mêmes yeux noirs que son chaton, qui est aussi son confident ! Elle aime aussi qu’elle soit coriace. La fillette non plus n’a pas de père ! Bride l’a sauvée, lorsqu’un homme a cherché à la tuer avec sa carabine. Jamais personne n’avait fait ça pour elle. Lui sauver la vie. La rencontre de deux solitudes sauve la vie.
Toni Morrison n’a pas encore tout raconté, dans son roman, sur les choses sexuelles que les adultes font à des enfants.
C’était dans un établissement scolaire, au moment de la récréation. Un homme se léchait les lèvres et agitait son petit engin tout blanc dans la direction des enfants qui jouaient. La vue de ces enfants était manifestement très agréable à cet homme ! Dans son esprit tordu, c’étaient ces enfants qui l’excitaient, qui l’appelaient. Booker avait bondi, et mis son poing dans la bouche de l’homme ! Puis avait ramassé son sac de livres et s’était éloigné. Il va à son cours à l’université. Il avait suivi beaucoup de conférences en Etudes afro-américaines, et « il soupçonnait que la plupart des vraies questions concernant l’esclavage, le lynchage, le travail forcé, le métayage, le racisme, la Reconstruction, la ségrégation, le travail pénitentiaire, les migrations, les droits civiques et les mouvements de révolution des Noirs avaient toutes trait à l’argent ». L’esclavage « seul avait propulsé le pays tout entier du stade de l’agriculture à celui de l’âge industriel en deux décennies » ! « La haine qu’éprouvaient les Blancs, leur violence, était le carburant qui faisait tourner les moteurs du profit ». Booker s’était tourné vers l’économie, afin d’apprendre comment l’argent avait déterminé chaque forme d’oppression dans le monde, etc. Et il voulait écrire un livre. Mais il pensait à l’homme étendu qu’il avait laissé dans cette cour de récréation. Nul doute qu’il devait être très sympathique, comme le sont toutes les personnes qui se permettent des actes sexuels sur des enfants ! Il ne ferait pas de mal à une mouche, mais il anéantit la vie d’un enfant sans problème !
Booker avait eu une enfance différente. C’était une famille nombreuse, sans la télévision. A l’université, il était arrivé dans un monde dominé par la télévision, Internet, et les divertissements, et surtout les jeux vidéo ! Alors que lui, il avait grandi dans une famille qui lisait les livres, les journaux, écoutait la radio. Face à ses camarades, il feignait l’enthousiasme, mais il se sentait très loin d’être dans le coup. Lui, il avait grandi dans une famille où parents et enfants se parlaient beaucoup, où il y avait d’énormes petits déjeuners de fête le samedi, et la frugalité les autres jours. Mais, un jour, un petit garçon noir, Adam, avait disparu. Puis un autre. Plusieurs mois après, Adam avait été retrouvé mort dans un égout ! Il n’avait plus de pantalon ! Adam était le frère de deux de plus que lui que Booker vénérait. Booker avait un jumeau, qui n’avait pas survécu à l’accouchement. Adam le frère aîné l’avait remplacé. Il avait toujours senti le vide d’une présence à côté de lui, ce jumeau. Adam fut plus qu’un frère, il savait ce qu’il pensait, ce qu’il ressentait. Ce n’est que six ans plus tard que l’homme le plus sympathique du monde fut arrêté. Il avait violé et tué six garçons. Booker ne pouvait oublier son chagrin. Entrer à l’université certes le soulagea, mais il était si loin de ce monde. Il finit par sombrer dans la dépression. Il voulut trouver un endroit accueillant par sa dépression. Il s’inscrivit en doctorat, et comprit que le monde politique était une abomination, et que seule la richesse expliquait le mal de l’humanité. Il résolut de vivre sans aucune considération pour cette richesse. Il lisait de la poésie. Revenant, après son doctorat, dans sa famille, il découvre que tout a changé dans sa chambre, surtout que les deux lits jumeaux, celui où dormait Adam et le sien, avaient disparu ! Il fit fuser sa colère contre sa sœur, comme si c’était elle qui avait effacé les souvenirs d’Adam. Son père lui demande de partir, et c’est douloureux pour lui de n’avoir pas réussi à convaincre ses parents de faire une œuvre à la mémoire de ce frère jumeau. Il a perdu son jumeau. Un temps, sa petite amie l’héberge, puis finit par le considérer comme un raté et un misogyne. Booker fut alors arrêté alors qu’il se bagarrait avec un couple qui fumait tranquillement de la drogue, tandis que leur petite fille de deux ans hurlait dans la voiture. Bref, d’un côté il y a cet homme qui a cette douleur en lui parce qu’il a perdu son jumeau, dont il sent la présence toujours, qui sent dans la chair l’impératif de sauver les enfants des adultes pervers qui les touchent ou de ceux qui les maltraitent ou abandonnent, et d’autre part, il y a Bride, qui elle aussi veut défendre les enfants victimes d’abus sexuels de la part des adultes, et qui est à la recherche d’une présence qui la ferait se sentit tellement en sécurité. Ils sont faits pour se rencontrer.
Alors, la première fois qu’il la voit, il est stupéfait par sa beauté, et le fait qu’elle riait, sur le trottoir. De sa trompette, il sortit une musique qu’il n’avait jamais jouée auparavant, pour dire des sentiments qu’il ne pouvait dire avec des mots. Ce n’était pas seulement la vague de désir qu’elle provoquait, mais surtout qu’elle désintégrait l’obsession et la mélancolie qui lui venaient de la mort de son jumeau Adam. Si vivante ! Une relation sans faille. Curieusement, il aimait son manque d’intérêt pour sa vie personnelle. Elle était facile à vivre, elle n’avait pas besoin de sa présence à chaque instant, donc lui donnant l’impression de rester libre. Ses yeux parlaient, sa voix était musique, sa noirceur le transportait ! Comme lui, elle était libre d’attachements familiaux. Puis, après ce bonheur suprême du sexe consommable, et d’une Bride facile à vivre, le conte de fée s’écroula dans la boue et le sable où sa vanité était construite ! Le fait que Bride ait réussi à s’imposer dans le monde comme les Blancs, devenant riche, en masquant de blanc sa noirceur, comme si les vêtements blancs étaient le cercueil d’une autre vérité, qui, dans ce roman, n’arrête pas de revenir comme le refoulé revient par la fenêtre, et qui est la façon de traiter les enfants. Cela semble les crimes sexuels commis par une institutrice sur des enfants de maternelle, ou celui d’un homme très sympathique sur des petits garçons noirs violés puis assassinés, puis ça glisse sur ce que pense la mère de Bride lorsque Bride devient enceinte, une mère n’élève pas son enfant en lui faisant des guili-guili… mais en le mettant en condition de connaître le monde, donc ne pas le garder dans un cocon à lui faire des roucoulades, en lui faisant croire que le monde est gentil et a des ressources illimitées, qui semblent être le monde pour Blancs avec l’importance de l’argent pour lequel les Noirs depuis l’esclavage ont été le moteur secret ! En réussissant, en gagnant beaucoup d’argent, Bride a fait comme si elle était à elle-même une mère blanche faisant des guili-guili et roucoulades à sa fille, et alors, elle a fini par attirer à elle l’homme parfait, tel le père qu’elle aurait fait revenir ! Mais l’argent, celui que le monde blanc a mis au centre de tout et qui sert en vérité à toucher tout le monde, à mettre la main sur les corps piégés par l’attrait du confort érigé dans le visible tel un sexe qu’on force les enfants à toucher, signifie la mise en esclavage des Noirs, et ainsi de suite toutes les aliénations du monde.
Booker s’en va pour faire revenir la vérité. Lui, il est resté loin de ce monde-là par son éducation, les livres, mais surtout parce que, à cause de ce jumeau mort, il était toujours ailleurs, recherchant la présence. Ce jumeau qui n’a pas pu vivre semblant aussi incarner, dans l’ombre, celui qu’il ne peut pas être dans ce monde de l’argent, des jeux video, des divertissements, où justement dès l’enfance, les corps sont saisis, pris en mains, version en apparence normale par rapport aux crimes pédophiles bien sûr. Bride, elle, a aussi été élevée loin de cette éducation normale des enfants, en leur faisant des roucoulades. Alors, elle s’est rendue compte qu’elle avait entre ses mains un petit oiseau vivant, celui dont parle Toni Morrison dans « La source de l’amour-propre », et qui est l’imagination restée vivante, qui lui a permis de se débrouiller, et de continuer à le faire à partir de la rencontre avec cet homme, qui l’oblige à bifurquer, à la fois à plonger en elle-même pour retrouver la petite Lula Ann qu’elle avait cachée derrière Bride et à plonger aussi dans son histoire secrète alors que jusque-là, elle était restée devant le silence de son père qu’elle transposait dans l’absence de curiosité pour la vie privée de cet homme. Deux solitudes faites pour se rencontrer, dans l’insoumission à un monde où l’argent signifie la mise en esclavage des Noirs pour faire passer en deux décennies l’Amérique de l’agriculture à l’ère industrielle et ainsi de suite avec toujours plus d’argent.
Donc, Bride se sent redevenir une Noire effarouchée. C’était une folle transformation en ce qu’elle était vraiment. Elle se souvenait que Booker lui avait dit que scientifiquement la race n’existe pas, mais que c’est un choix, et les gens qui pratiquent le racisme ne seraient rien sans lui. Evidemment, à cause du lien entre les Noirs d’Amérique et l’argent !
Bride va vers le mobile-home de Booker, dans un village perdu. Lorsqu’elle s’arrête, de petits enfants blancs aux yeux ahuris la regardent, plus fascinés que « s’ils s’étaient trouvés dans un musée de dinosaures » ! Elle se trouvait hors de sa zone de confort. Une vieille femme lui dit : Booker, il ne va nulle part, il est dans le coin. Et elle dit à Bride : « Tu as l’air de quelque chose qu’un raton-laveur aurait trouvé et refusé de manger » ! D’un coup, par ces paroles, Bride est redevenue « la petite fille laide et trop noire dans la maison de sa mère » ! Voilà ! Elle n’est plus blanchisée, elle n’est plus retouchée par elle-même pour se blanchir, être réussie dans le monde blanc de l’argent. La vieille femme s’appelle Queen ! Aussitôt c’est l’accueil nourricier ! Une bonne soupe épaisse, une recette des Nations Unies, mélangeant des saveurs de beaucoup de pays ! Puis elle aussi lui dit qu’elle ne peut pas être la belle de Booker ! Car elle ne le connaît pas ! Bride comprend alors que l’harmonie sexuelle n’était pas la connaissance, mais à peine une information ! Comme elle dit à la vieille femme qu’il l’a lâchée sans un mot, celle-ci n’est pas étonnée, puisqu’il a aussi lâché sa famille. Elle, qui est sa tante, reste son seul lien. Elle apprend à Bride que la famille a été anéantie parce que le frère aîné avait été assassiné, que sa famille a choisi de tourner la page, alors que lui, il voulait créer une œuvre à sa mémoire, une fondation où mettre le nom de son frère ! La mort de son frère est devenue sa seule vie ! Toute cette histoire d’un homme très sympathique, très normal, qui l’avait violé et tué, et aussi l’histoire du racisme qui cache que les Noirs ont fait la richesse des Blancs et donc leur façon de vivre où on élève les enfants par des roucoulades et des guili-guili… Alors que les enfants noirs sont élevés très différemment, surtout lorsque leur peau est si noire qu’ils doivent dès leur premier souffle apprendre le monde, savoir ne jamais être dans la position de la victime, mais bien connaître le monde blanc afin de pouvoir rester indemne.
Puis Bride demande à la vieille femme quel est l’endroit où ça compte. Elle répond : la responsabilité. Par exemple, celle d’une mère : si sa fille est très noire, et que ça va l’exposer à de terribles difficultés dans ce monde resté raciste, la responsabilité, c’est de ne pas l’élever en la cajolant et en lui faisant croire que le monde est un cocon protégé, mais en lui apprenant le monde !
Alors, Queen fait lire à Bride des pages écrites par Booker ! Il y a autant de pages que le nombre de mois qu’ils avaient passé ensemble ! De la poésie !
La première page la voit déjà à nue, telle qu’elle est vraiment ! Dans sa tête bouclée, il voit des pièces sombres, peuplées d’hommes sombres dansant trop près pour consoler une bouche qui réclame plus « de ce dont elle est sûre qui est là quelque part dehors », qui attend, qui lui est refusé. Il lui dit, « débarrasse-toi de tes rêves enfumés et allonge-toi sur la plage dans mes bras », et « pour finir tu appartiens vraiment à la planète sur laquelle tu es née et que tu peux désormais rejoindre dans la paix profonde d’un violoncelle » !
La deuxième page évoque sa façon de gratter l’os sans jamais toucher la moelle, pour ne pas perdre la mélodie, « l’ignorance permanente vaut tellement mieux que le vif de l’existence ».
Puis, il écrit, à propos du silence imposé par sa mère à propos du propriétaire qui faisait des choses à un petit garçon : « Tu as accepté comme une bête de trait le fouet de la malédiction d’un étranger et la menace idiote qu’il contient ».
Puis : « Essayer de comprendre la malignité du racisme ne fait que le nourrir » ! Le voir gros comme un ballon qui s’envole, mais qui craint de retomber sur terre, où un simple brin d’herbe peut le faire éclater ! Le brin d’herbe de l’amour-propre, du petit oiseau de l’imagination qui reste vivant !
Puis : « je refuse d’avoir honte de ma honte, celle qui m’est assignée » ! La morale dégradée de ceux qui insistent sur les sentiments humains d’infériorité, si faciles, en fait déguisent « leur propre lâcheté en prétendant qu’elle est identique à la pureté d’un banjo » !
Puis il remercie Bride, qui lui a montré la rage et la fragilité et l’imprudence hostile et l’inquiétude « tachetée de fragments de lumière et d’amour si intransigeants qu’elle me paraissait une faveur afin que je puisse te quitter », mais sans se replier dans le chagrin, mais l’esprit qui connaît le cri perçant du hautbois « et la façon dont il se déchire en lambeaux de silence pour mettre à nu ta beauté trop aveuglante à contenir et qui fait de sa mélodie la grâce de l’espace vivable ».
La dernière page lui dit de prendre au sérieux le chagrin d’amour, d’avoir le courage « de le laisser flamboyer et brûler comme l’étoile palpitante il est incapable ou non désireux de s’apaiser… parce que sa brillance explosive retentit à juste titre comme le vacarme de timbales ».
Bride comprend que, soignant son apparence en suivant l’enseignement de sa mère, et comptant sur son effet sur tous, elle avait en fait courbé l’échine.
Lorsqu’elle retrouve Booker, il est dans une colère folle qu’elle ait pu acheter des cadeaux pour une violeuse d’enfants ! Alors, elle avoue avoir menti au tribunal, qu’elle était innocente, et qu’elle avait fait ça juste pour que sa mère lui tienne la main. Ces deux-là, ils ne s’étaient pas parlés. Booker l’avait quittée, ne comprenant pas son étrange affection pour la détenue, et il avait pris son frère aîné mort sur son dos, pour qu’il dirige sa vie, son meurtre a transformé son cerveau en cadavre. Il réalise que si Adam avait vécu, il aurait été plein de défauts et il l’aurait moins adoré. Ensuite, il a passé son temps à identifier les imperfections des autres, charmé par sa propre intelligence. Et, au premier désaccord avec Bride, il était parti !
Alors, Booker peut dire adieu à Adam, le laisser partir. « Tu ne me manques plus Adam ». Et, avec humour, il se dit qu’en le retenant, ce frère aîné jumeau mort, il avait fait ce qu’aucun « propriétaire d’esclaves n’aurait su mieux faire » ! Quant à Bride, d’avoir confessé son mensonge lui donne le sentiment de renaître. Elle n’est plus obligée de survivre au mépris de sa mère et à l’abandon de son père.
Les dernières pages racontent encore une histoire d’agression sexuelle d’une petite fille par un adulte ! Il s’agit d’une des filles de Queen, Hannah, étudiante en médecine, dont les photos sont partout chez elle comme pour un mémorial, et presque pas des autres enfants ! Petite fille, elle s’était plainte à sa mère à propos du père, qui la caressait, la touchait. La mère, Queen, avait toujours refusé de la croire ! Entre la mère et la fille, la glace n’a jamais fondu. Mais alors, Queen avait dit à son neveu Booker de faire attention à son frère aîné Adam, sans doute parce qu’elle avait des craintes que lui aussi soit une proie sexuelle pour un adulte en apparence très normal et sympathique.
Bride va être mère à son tour. Et Sweetness sa mère espère qu’elle n’élèvera pas son enfant par des guili-guili ! Mais lui apprendra le monde, où on peut la toucher, où elle doit imaginer un autre statut pour son corps non seulement de femme, mais d’être humain.
Jamais une femme écrivain n’est allée aussi loin que Toni Morrison !

Alice Granger Guitard



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