Vient de paraître en français ( traduction de Francoise Bienfait ) Un grand serviteur de Dimitris Sotakis. On pense tout de suite au film de Joseph Losey The Servant et au roman de Robin Maughan d’où Harold Pinter avait tiré le scénario. Mais plus qu’un roman il s’agit ici d’une fable. Le texte s’inscrit dans une logique implacable, une sorte de mécanisme morbide qui donne un tout autre sens au rapport entre les deux hommes, l’aristocrate et son valet. Là où le film de Losey rendait compte de la complexité des rapports entre individus du fait de leurs origines sociales, Dimitris Sotakis s’intéresse avant tout au personnage de l’homme d’affaires et le serviteur, qui certes le manipule, qui certes prend une revanche sur sa situation sociale, ne semble là que pour permettre au narrateur - le texte est écrit à la première personne du singulier - de lentement s’enfoncer dans le sommeil éternel.

Le point de basculement se situe bien sûr lorsque, ayant fait la connaissance d’une femme sur un site de rencontre et tout laissant à penser qu’ils pouvaient merveilleusement s’entendre, lui qui déjà se plaignait que ses amours se terminaient toujours par un fiasco, renonce au rendez-vous et trouve un subterfuge pour y échapper sans mettre fin leur relation.

Dans une sorte de délire, petit à petit il s’imagine avoir réussi sa vie :
J’avais complètement transformé ma vie en revendiquant mon droit au bonheur.

Alors que, il devra bien finir par l’admettre, c’est au prix d’une grande lâcheté qu’il peut croire que ses rêves sont devenus réalité, tout au contraire a-t-il oublié de vivre : J’avais oublié de vivre. J’étais incapable de mesurer la gravité de cette faute que j’avais commise envers moi-même.

Serait-ce là la morale de la fable ? Merci aux éditions Intervalles et à Françoise Bienfait de nous l’avoir fait découvrir.