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Grandeur Nature - Yves Broussard
jeudi 12 avril 2012 par Jean-Paul Gavard-Perret

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Jean-Paul Gavard-Perret


YVES BROUSSARD OU L'AUTOPORTRAIT SUBLIMÉ.



Yves Broussard, Grandeur Nature, Le Taillis Pré, Châtelineau, 130 pages, 15 €.


Le titre du dernier livre d’Yves Broussard est fidèle à ses imperceptibles glissements sémantiques. Le poète possède une véritable faculté créatrice qui n’a pas besoin de chercher d’autres excès de procédé d’écriture. L’originalité est dite en une économie sémantique de même que

« Toute la lumière du monde

(est) emmêlée à l’écheveau des souvenirs ».

Mais « Ah la restituer à la nuit » est le seul cri que se permet l’auteur au sein d’une gravité contenue au moment même où cette nuit sera

« tôt venue sur l’autre rive

avec le chant des grillons

et la fraîcheur de l’air ».

Tel est le livre du devenir, celui des « re-présentations », des comptes, des émerveillements. Il s’agit encore et toujours de retenir les traces, de contenir l’incontenable.



Une nouvelle fois le poète remet avec sobriété en question les idées, les valeurs, les systèmes, les acquis, tant moraux qu’esthétiques. Le livre est le résultat de l’alchimie saisissante entre les épreuves de la vie et la distance avec laquelle Broussard a su les prendre peu à peu jusqu’à franchir le cap au-delà duquel une sorte de contemplation est possible. Il faut à cela un long chemin de vie et d’écriture. Et si le poète ose parfois la mauvaise mine qui effraie les habitués des serres chaudes des écoles poétiques il sait tout autant - et que contrairement à ce qu’en pensait Baudelaire - le beau n’a rien de bizarre. Il est partout où l'on sait le voir, dans la simplicité des apparences, dans « l’incertain ». Il permet aussi aux combes de régresser encore un peu.


Evitant l'esthétisme de la poésie de décoration, le poète prouve qu’il existe une forme de poésie particulière. Celle qui par les mots les plus simples traite des émotions les plus complexes. Broussard ne cultive pas les poses : il cherche sa vérité. Elle crée un équilibre étonnant entre le froid qui vient et la joie de vivre en faisant abstraction d’un « réel absolu ». Le poète propose à l’espèce humaine un acquiescement à la finitude. Mais il n’a rien d’une résignation. A ce titre la poésie reste l’épreuve par excellence de la lucidité que la poésie elle-même en avançant d’un livre à l’autre permet de conquérir.

Loin de tout exotisme, la géographie des saisons permet de s’inscrire en faux contre ceux qui estiment qu’il est minuit depuis toujours. Et c'est ainsi que paradoxalement le poète dresse son portrait tout sauf narcissique Il n'appartient pas aux fameux écrivains de l'autofiction dont le prétendu " commentaire " sur eux-mêmes cache un " comment taire ". Sa poétique de l'intéressement vital lui donne une dimension capitale. Son langage donne à saisir une vérité qui n'est pas d'apparence mais d'incorporation. Il parcourt par son écriture le monde et le temps, comme ceux-ci parcourent sa densité d'écriture.



Le poète arrache à la fixité de son " visage " pour nous plonger vers l'opacité révélée d'un règne énigmatique de la figure humaine. Le dedans laisse monter la trace et l’ajour d’une existence prisonnière par l’éclat des mots les plus simples. A travers eux l'auteur hypnotise dans l’empreinte d’une multitude fractionnée et complexe du moi. D'où le paradoxe de son portrait : ce n'est pas tant un " qui je suis " que développe son œuvre mais plutôt un " si je suis " :

« Dehors

Les oiseaux s’éjouissent encore

Cependant qu’ici

La braise se constitue

Dans l’incertain »

Ne parlant qu'à voix basse de ses fantômes familiers et de ses pas dans les allées incertaines du temps, l'auteur suit sa trace de vie avant qu'elle s'évanouisse comme passent les frêles amours, les nués ou les étincelles de grâce qui parcourent ce livre rare. Les poèmes s'y amincissent et deviennent roseaux. De temps en temps le vent les plisse. Ils sont prêts à céder mais il suffit d'un instant d'attention pour qu'ils se redressent. Dans chaque texte le paysage ne dévoile qu'à demi ses courbes, ses hauteurs mais le poète en épie un instant de lumière, un sursaut de vent qui donnent sens à l'attente et décide encore de l'aube.

Un temps pulsé qui se dégage du temps non pulsé. Un temps proche de ce que Proust appelait " un peu de temps à l'état pur ". « L’autoportrait » ne demeure donc plus métaphore ou reproduction (fût-elle de la vie) mais la spécification de l'être. S'inscrivant en faux contre ceux pour qui le bonheur d'être n'est que le malheur d'avoir été, le poète fait de chaque texte de « Grandeur Nature » un souffle vers la vie qui germera encore. Il parle à l'intelligence et au cœur à l'écart des cuistres. Son écriture fait de lui un écrivain atypique, marcheur insatiable de l’existant. Il devient peu à peu un classique dans son art qui approche la sérénité la plus profonde qui soit, ce qui n’exclut pas la douleur.





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