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L’Hydre - Gerhard Richter
mercredi 4 juillet 2012 par Jean-Paul Gavard-Perret

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L’HYDRE GERHARD RICHTER

Exposition rétrospective de Beaubourg, printemps 2012.

Il existe chez Gerhard Richter à la fois une fascination et une méfiance par rapport aux images et à leur puissance. Pour les cerner il ne cesse de diversifier à la fois ses techniques, ses sujets, ses approches. Son travail peut donner l’impression d’un immense bric-à-brac aux multiples entrées et possibilités. Or il n’en est rien. Sa profusion est très particulière et grave.

Le peintre ne joue pas avec ses images. Toutes sont imprégnées de ce qu’il a trop connu : la destruction, la misère. C’est pourquoi il peint des objets toujours de la même manière : un seul objet surgit dans une contextualisation des plus sommaires à l’exemple de sa simple bougie qui éclaire à peine l’obscurité grisâtre. L’humilité est donc mise en exergue : qu’on se souvienne encore de son rouleau de papier toilette ou de sa chaise perdue dans un temps suspendu, un temps à l’état pur.

Parfois la peinture devient abstraite et se réduit à sa plus simple expression. : quelques bandes verticales noires sont partiellement éteintes par le passage de couche de blanc possèdent une force fascinante. On retrouve l’effet d’appauvrissement et d’amoindrissement selon une autre propension dans ses images figuratives. Créé d’après des photos de presse par exemple sur la fin de la bande à Baader le tableau « Couverture » est un linceul où est étendue la dépouille de Gudrun Esslin qui fut retrouvée pendue aux barreaux de sa cellule. L’artiste a d’abord peint la femme avant de la recouvrir d’un voile de blanc. Elle ne subsiste que sous forme fantomale. La disparition reste donc la clé des 150 œuvres réunies à Beaubourg.

Né à Dresde en 1932 Gerhard Richter a commencé son œuvre juste après la Seconde Guerre mondiale. Son père et son oncle appartenaient à la mouvance nazie tandis que sa tante malade mentale fut exterminée dans les camps de la mort en « réponse » au programme eugéniste d’Hitler. Au début des années 60 il quitte la RDA et s’installe en Allemagne fédérale. Il affronte alors ses souvenirs par une série de portraits de ses proches. Il les montre souriants – comme heureux - mais avec un effet de tremblement qui désaxe la perception première. Ce flou est d’ailleurs une rémanence dans ses peintures figuratives toujours réalisées à partir de photos. Il jette un doute sur la capacité des images à représenter.

D’autres œuvres limitées par leurs cadres et leurs reflets créent un autre type de doute : rassemblement de panneaux de verre translucides et miroir s’inscrivent en faux contre l’idée issue de la Renaissance qu’un tableau est une fenêtre ouverte sur le monde. Des tableaux gris viennent percuter d’autres éblouissants. Tout pourrait faire penser comme d’ailleurs l’affirme l’artiste ( « Je n’ai aucun programme, aucun style, aucune cause. ») à un capharnaüm. De fait le créateur ne cesse de réinventer son propre langage pour venir à bout du réel. Afin d’y parvenir il ne passe pas forcément par la déconstruction (cette tarte à la crème post-moderne) mais par la réhabilitation des images les plus simples et humbles.

Il reste tout aussi capable de revisiter les classiques avec son « Annonciation d’après Titien »ou son « Iceberg » hommage à Caspar David Friedrich, originaire de Dresde comme lui. Surgissent aussi des maternités paisibles aux tons pastel, une petite Baigneuse à la Ingres, des jeunes filles en fleurs capables de suggérer envers et contre tout des moments de grâce et de jeunesse vitaux capables de transcender les spectres de la mort. Mais nul sentimentalisme ou kitsch dans tout cela. Le visible et son inverse, ce qui chatoie comme le gris et le noir créent un univers de constante interrogation.

Parfois le doute a saisi l’artiste : en 2005 il pensa ne plus pouvoir créer. En plein milieu d’une toile il la racla et éventra. Ce qui d’ailleurs - l’artiste se reprenant - a donné la toile « Septembre » créée une nouvelle fois d’après une photo et dans lequel le flou neutralise le voyeurisme de l’appareil-photo et de sa feinte de réalité. Richter prouve ainsi que tout ne peut être peint. Et pourtant il fait feu de tout « bois ». Marchant au milieu des ruines du monde et de l’art il a su s’en extraire. Désespéré il veut croire aux merveilles et au merveilleux mais avec une distance critique inhérente à son œuvre.

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