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Les enfants du Pirée - Kostas Moursélas
mardi 21 août 2012 par penvins

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Je viens de terminer la lecture des Enfants du Pirée [Τα βαμμένα κόκκινα μάλλιά], malgré un début un peu long, j’ai vivement apprécié ce livre. Et pourtant j’ai failli laisser tomber au milieu du roman ! Voilà pourquoi je ne regrette pas d’être allé jusqu’au bout : Si l’on accepte ce roman pour ce qu’il est, de la littérature populaire et de la meilleurs qui soit, avec bien sûr quelques facilités mais on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre, c’est bien connu, et en Grèce comme ailleurs, peut-être un petit peu plus qu’ailleurs, quelques scènes de sexe maintiennent l’attention du lecteur, elles sont sobres on peut juste leur reprocher d’être un peu répétitives même si elles sont censées montrer la liberté dont fait preuve Louïs, alors non seulement on prend plaisir à lire ce livre, mais surtout on est stupéfait du regard lucide et ironique renvoyé au lecteur sur lui-même et sur son pays, on est en 1989 quand paraît le livre, 15ans à peine après la chute du régime des colonels ! Devant l’insistance avec laquelle l’auteur s’identifie au narrateur Manopoulos, il est évident qu’il se met lui-même en scène de sorte que l’on aurait pu intituler le roman Comment j’ai raté ma vie, à force de compromis.

Mais, en français, le titre du roman Les enfants du Pirée est une invention du traducteur ou plus probablement de l’éditeur, la traduction littérale du titre grec serait La rousse aux cheveux teints ou plus précisément Les cheveux teints en roux, ( le lecteur comprendra d’où provient ce titre), mais évidemment pour un public français on a choisi, pour des raisons commerciales, un titre au pouvoir évocateur : Les enfants du Pirée qui, s’il correspond bien au roman, renvoie le lecteur à un film connu et doit provoquer l’acte d’achat comme disent nos mercaticiens !

Alors que Louïs le héros fait preuve d’une très grande liberté et refuse, à la différence de ses amis, les petits arrangements avec soi-même, la priorité donnée au confort matériel et la soumission à l’argent, voire, quand le pays est en crise, la collaboration passive ou active avec la dictature, le narrateur censé être l’auteur du livre ne parvient pas à choisir la liberté contre la facilité, comme beaucoup d’autres dont ceux qui furent des opposants aux régimes autoritaires, il dérive lentement, n’ose défendre ce à quoi il croit, ni aimer qui il aime vraiment.

C’est peut-être la force du roman de ne pas insister sur la réalité politique de la Grèce, celle-ci est présente, bien sûr, qui rend la lâcheté des protagonistes plus terrible encore, mais c’est la lâcheté petite bourgeoise qui fait que Manopoulos rate sa vie, pas la dictature de Metaxas ni la junte des colonels.
Aujourd’hui, alors que la Grèce apprend malgré elle à vivre autrement que dans ce confort bling-bling qui avait fini par la ronger, le fait que l’éditeur souligne que ce livre avait fait un beau succès dans son pays d’origine est plutôt encourageant, on aimerait bien qu’il y ait en France des romans d’une telle cruauté, même si celle-ci semble désabusée. La vérité du narrateur, c’est aussi celle d’un pays tout entier, un pays où l’on obtient des places non pas en fonction de sa valeur ou de sa réussite aux examens mais en fonction de ses relations, ce qui lorsque le pouvoir est une dictature suppose tous les compromis et toutes les lâchetés.

Bien évidemment ce portrait du Grec a une portée universelle et qu’il paraisse banal ne le rend pas moins vrai et pas moins pertinent, il ne faudrait pas le lire comme satyre de la seule Grèce, mais c’est, malgré tout, parce qu’il est enraciné. dans une réalité historique que sa légèreté n’est que d’apparence et qu’il parle au plus profond à tout un peuple. Ce ne sont pas seulement les fascistes qui ont soutenu les dictatures, il y va de la responsabilité de tous et les petits compromis des communistes eux-mêmes doivent être regardés comme un échec, ce n’est vraiment pas nouveau que l’on souligne la responsabilité de chacun mais que ça le soit dans un roman qui s’adresse à tous, un roman à la lecture facile et qu’il soit reçu avec un grand succès populaire voilà qui donne une tout autre idée de ce peuple, lisez donc ce roman et dites-moi si ce sont les Français ou les Grecs qui manquent de maturité ! Je pense à Uranus par exemple et je me dis que ces romans-là faisaient plus dans la justification que dans l’autodérision, c’est en tout cas le sentiment que j’en ai gardé. La lucidité ce n’est pas seulement de rendre compte des faits avec ce que l’on croit être de l’objectivité, c’est aussi de mesurer l’ampleur du désastre de n’avoir pas su choisir. La réussite de ce roman c’est bien de n’être pas une condamnation morale mais un constat, au combien cruel, d’échec de ceux qui ont préféré le confort à leur liberté. Voilà qui fait que ce roman reste actuel et en Grèce et ailleurs.



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