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Tous coupables
jeudi 24 janvier 2013 par Xavier Lainé

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Tous coupables

A propos de « Arrêtez-moi là ! » de Iain Levison (et, en passant, de « Famille modèle », de Eric Puchner)

Je ne sais pas. Peut-être que finalement si mon libraire et un copain présent ce jour-là dans la librairie ne m’y avaient pas poussé, je serais resté sans acheter ce livre, donc sans le lire.

Dans « Famille modèle », Eric Puchner nous livrait une vision de l’Amérique engluée dans ses petits trafics. Une Amérique de pacotille où il est aussi facile de briller que de sombrer. Et dans l’un et l’autre cas, l’Américain est seul devant un destin préfabriqué par une société dont il n’est que le jouet.
Une société qui ne donne pas envie de la fréquenter mais plutôt de se tenir à bonne distance, de ne pas se laisser polluer par ce monde-là, glauque et sournois, dans lequel les uns et les autres passent leur temps à miser sur la faillite du voisin tout en misant gros sur une réussite qui n’a rien à voir avec la vie.

Elle est pourtant la vie, quand même, cette vie-là. Simplement, face à un rouleau compresseur, que faire sinon trouver les moyens de s’adapter ?
Alors familles et gens s’adaptent, comme ils peuvent, à un monde dominé par l’absolutisme de l’argent, propre ou sale, peu importe.

J’ai donc, convaincu, acheté « Arrêtez-moi là ! » de Iain Levison. Et là, me voilà dans l’avion pour nulle part : un étrange pays qui vous invite à vous méfier de tout, y compris de vous-même. Car on n’y est jamais assez prudent.
Tout commence avec une banalité sans faille. Vous êtes chauffeur de taxi et vous prenez, ingénu, une jolie femme à la sortie de l’aéroport. Vous la reconduisez chez elle. Elle vous invite à entrer le temps d’aller chercher de quoi vous payer la course. Une confiance dont vous allez vous mordre les doigts.

« Ne touchez jamais aux fenêtres des gens. Tout le monde ment. » Les grands mots sont lâchés : vous voilà dans un monde sans présomption d’innocence.
Et si vous n’avez rien fait, ce n’est pas grave du moment que la police vous croit coupable : « J’ai remarqué que lorsque j’ouvre la bouche les deux civils se contentent de me regarder comme s’ils essayaient de lire les pensées qui ont produit ce que je viens de dire. J’ai l’impression d’être soumis à une expérience, et qu’ils prennent mentalement des notes chaque fois que je parle. Tout chez moi les intéresse, sauf ce que je dis. »

Et plus vous tentez de nier, plus vous vous enfoncez, puisque tout bon coupable, n’est-ce pas, va tenter de nier son crime !

Vous voilà donc dans le couloir de la mort, attendant un jugement avec l’illusion de croire encore vous en sortir.
Vous vous en sortez, mais à condition de vous soumettre au « marché » que représentent les individus de votre espèce. Votre innocence prouvée, il vous faut en racheter une en clamant sur les radios, les plateaux télévisés, dans les journaux qu’il s’agissait d’une grossière erreur dont bien sûr le système ne peut porter la responsabilité, ni la police, ni la justice.
L’honneur est sauf : vous avez perdu travail, logement, amis, mais l’Etat du Texas vous versera une indemnité conséquente si vous vous débrouillez bien, c’est-à-dire si vous jouez aussi bien du mensonge que ceux qui vous ont faussement accusé.

Voilà un monde : parfait pour ceux qui ont l’arrogance de la richesse, impitoyable pour les malchanceux de l’existence…

Dois-je ajouter que cette Amérique-là me flanque la nausée ? Et qu’à trop jeter les yeux sur cette copie sale et bourrée de fautes, la gangrène qui nous gagne risque fort de faire paraître l’original en habits de paradis, une fois que nous aurons, en son nom, délaissé les quelques bribes d’humanité laborieusement arrachées aux griffes de nos monstrueux démons.

Le pire, c’est que voilà des lectures qui vous laissent avec le goût d’un glissement inéluctable. Nous sommes tous coupables sans avoir rien voulu, sans avoir rien fait, et encore nous baissons la tête. Mais peut-être sommes-nous coupables, justement, de plier l’échine ?

Xavier Lainé
23 janvier 2013

NB : Le livre de Iain Levison, Arrêtez-moi là ! a été publié aux éditions Liana Levi, dans la collection Piccolo ; celui de Eric Puchner, Famille modèle, aux éditions Albin Michel.



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