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Jacqueline Devreux, galerie Dessers, Leuven, février-mars 2013
samedi 9 mars 2013 par Jean-Paul Gavard-Perret

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LES FéERIES DIAPHANES DE JACQUELINE DEVREUX

Jacqueline Devreux, galerie Dessers, Leuven, février-mars 2013.

Jacquelins Devreux remet en cause la question de l’autoportrait et de l’identité par un travail de fond à travers les "occurrences" qu’elle propose. Elle prouve combien - dans une perspective qui n’est pas sans rappeler celle de Frida Kalho le visage à la fois "s’envisage" et se "dévisage" : Ne pouvant pas accéder à tous les secrets que recèle son visage elle le peint selon diverses mises en scène ou plutôt selon divers habillages.

Boulimique de la peinture, la continuité d’une toile faisant l’objet d’un projet fait lever la créatrice très tôt le matin. Elle garde en elle toujours le même bonheur de retrouver son atelier, l’endroit où finalement elle se sent le mieux. Celle qui comme l’écrit Patti Smith "n’a eu d’autre choix que de grandir vite" a pu réaliser ses rêves d’enfants à travers ses tableaux. Chacun possède son histoire imaginée de toute pièce il s’agit de scènes que l’artiste aurait aimées vivre et connaître et qui par la peinture prennent formes dans son esprit, son coeur, sa réflexion.

Bercée de séances cinématographiques, d’albums photographiques et de longues promenades dans les musées, la future artiste découvrit dans les magazines de cinéma de son père que les premiers rêves d’icônes sont apparus au sein d’un univers familial triste, malade, égoïste. A l’inverse Jacqueline Devreux est altruiste, ouverte sur les autres. Bref elle est tout sauf médiocre. Elle travaille à Bruxelles, dans un petit atelier aménagé avec amour : chaque objet y a sa place et une histoire à laquelle il se rattache.

Celle qui a horreur de trier les chaussettes ( elles ressortent toujours orphelines des machines à laver) cherche aujourd’hui par sa série d’autoportraits à "représenter quelqu’un qui existe par quelqu’un qui n’existe pas".. Pour autant la réalisation des autoportraits correspond à un moment unique d’intimité de l’artiste avec son visage comme avec le monde. Chaque toile se fait mémoire, se fait trace de ce que en tant que son propre modèle le double crée en elle. Elle travaille donc avec « de » l’apparence afin de créer à la fois un feu et une froideur qui perturbe notre regard et ses habitudes de reconnaissance du "modèle".

Ses autoportraits inspirés par diverses références (Louise Bourgeois, Bernard Gaube, Henri Evenepoel, David Hockney, Stefan Mandelbaum, Spilliaert, Knoft,, Ensor et surtout Goya côté peinture et Lars von Trier ou Jarmusch côté cinéma) sont le fruit d’une absolue nécessité du visage. Ils fomentent un cérémonial rigoriste en des évocations proches du silence. Parfois le diable s’y habille de voile (pas forcément Prada) sans rôder du côté d’un « dégrafage » narcissique. Jacqueline Devreux préfère souligner les gouffres sous la présence et fait surgir des abîmes en ses féeries glacées. S’élevant contre tout ce qui dans l’art préside au désastre croissant de l’imaginaire l’artiste provoque une présence que l’on retrouve par d’autres voies chez des artistes comme Rineke Dijkstra, Esther Ferrer. En ce sens la peinture de Jacqueline Devreux reste une aventure essentielle, existentielle. Le visage devient un noyau à partir duquel se déploie une chorégraphie en plans fixes. Il est constitué d’un moi anonyme remodelé selon une structure purement formelle pour qu’un moi identitaire trouve peu à peu sa vérité. L’expérience picturale engage donc le corps dans une expérience inédite et plastique expressionniste.

L’artiste y réinvente l’histoire de ses émotions primitives. Nul besoin de provocation. Les peintures se font l’écho d’un même noyau. Il est la source d’une poésie plastique fragile et puissante. Et en de telles introspections à caractère presque symbolique se franchit un seuil. Le regardeur (et non voyeur) passe de l’endroit où tout se laisse voir (comme sur un écran) vers un espace où tout se perd (dans la toile) pour approcher une renaissance incisée de nouveaux contours.

Une cristallisation et une scintillation giclent dans la force du diaphane comme de l’obscur. Il faut savoir contempler de telles œuvres comme un appel intense à une traversée. L’artiste dégage non seulement un profil particulier à son visage mais au temps. Il se dégage du temps pulsé celui de la fixité de la peinture proche "du temps à l’état pur" dont parlait Proust. Ses autoportraits créent une sensation de vertige froid. Celui de la pure émergence. L’artiste ne plonge jamais dans le tumulte des organes et le chant d’amour qui voudrait s’y nicher. Le corps ne suggère aucune attente. Il reste comme une énigme dans l’air. La créatrice suggère une forme d’absence bien plus que des rapprochements. L’anatomie ignore spasme et chaleur. Blanche elle devient marmoréenne : Oui c’est un marbre blanc. Et parfois il s’assombrit pour une autre extase plastique. L’aventure de la peinture devient celle du langage. Le modelage formel finit par avoir raison de tout. N’est-ce pas ainsi que le portrait comme l’autoportrait atteint sa plénitude ?

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