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Le ciel noir
mercredi 19 février 2014 par Jean-Paul Vialard

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Le ciel noir

Le ciel noir

ou

la nuit féconde du poème.

 

 

 Photographie : Blanc-Seing.

 

 

(Libre méditation sur un Poème

de Nath Coquelicot.)

 

 

"Le ciel noir

La cerne du grand chagrin

Porté au bout portant

De début du cœur.

 

Améthyste boussole

Creusée au vert de veines.

 

Pour tout voyage

Eteint à la paume venteuse

Elle élève

L'aile dorée de l'aigle

Sous les clameurs lunaires.

 

Enluminures à la coupole

 

Par et pour

Les renaissants

Les partants

Et même

Les attendants.

 

Sentez

L'herbe écrasée

Ou de si peu piétinée .

 

Elle est au loin

De cette odeur

 

Sur le Fil

Ou entre

 

Au Lieu-Bleu"

 

 

 

 

  Mystérieuse écriture qui fait d'elle-même le lieu de sa rencontre. Ne cherchez pas hors des mots, pas plus que dans la métaphore installant l'image révélatrice. Ici est le lieu d'un dire qui se plie dans l'événement du langage. N'essayez pas de traduire selon l'esquisse d'une logique. Il faut être dans les mots, mais aussi sur leur bord échancré, là où le vertige appelle. Ces mots sont de la chair, du sang, de la peau tendue contre le vent du monde. Pas de traduction qui dirait, dans le simple, l'idée directrice, l'évidence de la donation. Le poème convoque toujours hors de lui, dans une manière de démesure que nous souhaiterions maîtriser. Que le texte s'ouvre dans la limpidité et consente à son propre déchiffrement. Voilà ce que réclament, à la fois, notre indigence à être et notre appel vibrant à la concrétude. Notre effigie nous la dressons face au poème, telle une falaise-palimpseste sur laquelle nous voudrions que vienne s'inscrire la trace des signifiants.

  Mais rien ne s'imprime sur la rétine de ceux que trop de réalité aveugle. Lire le poème est s'installer face au vide, un verre d'absinthe à la main, et attendre que vienne l'ivresse. Le recours au tangible est toujours un piège vers lequel nous basculons à la mesure de notre indigence. Buvez donc du peyotl, piquez-vous à la mescaline, instillez dans vos veines bleues une dose de "noire idole". Il n'y a pas d'autre passage en direction du poème que celui d'un écart de soi, de l'autre, du monde.

  C'est un lieu intermédiaire, peut-être ce "Lieu-bleu" qui nous dit en mode rassemblé la nécessité d'un site où faire phénomène, en même temps qu'une couleur propice à faire se révéler une "stimmung", une inclination à la pure élévation vers ce qui veut bien se montrer.  Car nous ne surgissons dans le plein des choses qu'à nous distraire de notre quotidienne inclination à nous sentir simplement hommes. La révélation poétique est hors du cadre de la manifestation contingente. Le poème est ce non-lieu qu'habitent les étoiles, la brillance des comètes, la fusion océanique, l'étincelle de rosée, la sublime intuition, l'arche ouverte de l'intellection. Voir le poème ne consiste jamais à se baisser pour cueillir le caillou au bord du chemin en lui demandant de rendre des comptes. Le caillou est cette gemme lumineuse qui brille de l'intérieur et ne se dévoile qu'à la mesure d'un regard compréhensif. Ceci veut dire d'une vision qui  s'empare adéquatement des choses. Regard contre regard. Poème contre poème.

  Car l'homme est poème dès lors qu'il se dote d'un dire essentiel, "quintessentiel" pourrions-nous même suggérer. Rassemblant la quadruple essence de la Terredu Cieldes Divins et des Mortels pour reprendre la figure transcendante du Quadriparti heideggérien. Car c'est à cette ouverture qu'il faut se disposer afin que la profondeur de la poésie puisse être saisie. Jamais la Terrele Cielles Divinsles Mortels ne sont par une sorte d'inadvertance, ils jouent un jeu constant de renvois, ils se modèlent les uns les autres. Mais jamais dans le reniement de la parole, jamais dans la fuite du langage. Il leur faut le subtil ajointement d'une parole libératrice et unifiante, cette Poésie qui les fait se conjoindre en un même lieu.

  Le poème n'est pas cet objet, cette objectivité que nous pouvons poser devant nous afin d'en saisir une possible esquisse. Il faut se déprendre de cette tendance à "voir" le poème de la même façon que nous apercevons l'arbre ou bien la crête de la montagne. C'est du-dedans du langage que tout se décide et vient à nous. Pour cette raison, même si le poème est métaphore, donc surgissement visuel, il est tout autant chant du monde, mélodie, balancement, flux et reflux des mots en leur généreuse harmonie. Le poème, il faut l'entendre, l'écouter comme notre propre voix intérieure, avec ses modulations infinies, ses élévations, ses chutes, ses reprises, ses halètements, ses soupirs. Le poème est, avant tout, respiration, souffle de l'esprit, vent de l'âme, translation d'un vide à un autre vide. C'est pour cela que nous disons que toute poésie aboutie est d'abord ce plain-chant, cet hymne de caractère sacré qui s'exhale de la voix du Poète pour rejoindre la voix intime de l'homme. Le mode de relation est donc tissé d'invisible, d'inaudible, d'inapparent. Chercher les "apparences" du poème est le meilleur moyen de le reconduire à une vacuité que, par essence, il ne saurait avoir.

 

Sur le Fil

Ou entre

 

Au Lieu-Bleu

 

Là, seulement, est

 

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