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La pluie d’été -M Duras
mercredi 21 janvier 2015 par Jean-Paul Vialard

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La pluie d’été - Marguerite Duras

La pluie d’été - Marguerite Duras.







Marguerite Duras en 1955.

Source : Wikipédia.





Présentation de l’éditeur :


« Vitry, banlieue tentaculaire, immense, vidée de tout ce qui fait une ville, réservoir plutôt avec, çà et là, des îlots secrets où l’on survit. C’est là que Marguerite Duras a tourné son film Les Enfants :

« Pendant quelques années, le film est resté pour moi la seule narration possible de l’histoire. Mais souvent je pensais à ces gens, ces personnes que j’avais abandonnées.

Et un jour j’ai écrit sur eux à partir des lieux du tournage de Vitry. »
C’est une famille d’immigrés, le père vient d’Italie, la mère, du Caucase peut-être, les enfants sont tous nés à Vitry. Les parents les regardent vivre, dans l’effroi et l’amour. Il y a Ernesto qui ne veut plus aller à l’école « parce qu’on y apprend des choses que je ne sais pas », Jeanne, sa sœur follement aimée, les brothers et les sisters. Autour d’eux, la société et tout ce qui la fait tenir : Dieu, l’éducation, la famille, la culture... autant de principes et de certitudes que cet enfant et sa famille mettent en pièces avec gaieté, dans la violence. »


La presse :


« En une sorte de reportage littéraire où les pages dialoguées alternent avec le récit proprement dit, les unes au présent et l'autre soumis à tous les temps, Marguerite Duras nous raconte une nouvelle histoire d'amour, thème dont la récurrence est l'une des marques de son œuvre. »


La Voix du Nord, 13 janvier 1990.


La pluie d’été ou les limites de l’amour.


En effet, tel pourrait être le sous titre affecté à cette œuvre, la dernière de Marguerite Duras et, sans nul doute, son chef-d’œuvre. Si le thème de l’amour parcourt et chamboule la totalité de la recherche de l’auteur de « L’Amant », c’est dans « La pluie d’été » que la réflexion et la mise en scène d’une impossibilité d’accomplir la rencontre absolue des êtres trouve son épilogue le plus remarquable. Ce livre est dense. Ce livre est singulier. Ce livre est émouvant. Le style durassien - cette exception dans le domaine des lettres -, y parvient à son point d’acmé, dans une manière d’œuvre totale indépassable. Aucun auteur n’est allé aussi loin dans l’originalité expressive. Aucun auteur n’a franchi avec autant d’aisance les limites du livre pour porter ce dernier sur de nouveaux rivages et transgresser les frontières habituelles du lieu dans lequel il se circonscrit naturellement, à savoir les vêtures d’une narration classique avec ses contraintes propres, celles, précisément, du fait littéraire brut. Ici, il s’agit de littérature - ô combien - mais d’une littérature métissée qui emprunte au langage cinématographique, à la théâtralité, à la fable déclinée sur le mode de l’oralité. L’œuvre de Marguerite Duras est une telle démesure, par rapport à l’habituel classicisme, l’empan est si large que naît, de cette écriture, un caractère d’universalité, une espèce de fusion dont le lecteur est le vecteur le plus patent, emporté qu’il est par la démesure langagière et fictionnelle qui l’affecte jusqu’en ses fondements.

Lire « La pluie d’été », c’est tout à la fois être immergé dans cet univers étrange du Port à l’Anglais, c’est devenir l’arbre solitaire, étrange figure du Roi d’Israël, c’est faire partie des brothers et des sisters, emmêlé dans leur boule dense comme un duvet originel ; c’est vivre le déracinement du père venu de la plaine du Pô, celui de la mère originaire du Caucase ; c’est entrer dans l’amour de l’instituteur pour la beauté de la mère, la connaissance des enfants ; c’est vivre dans la fusion de Jeanne et d’Ernesto ; c’est participer au génie d’Ernesto et comprendre l’absence de Dieu jusqu’à la brûlure. Lire « La pluie d’été », c’est s’immerger et ne plus pouvoir s’absenter du fleuve durassien, ce magnétisme, cette magie qui vous entraînent loin, bien au-delà de vous même, dans l’étrange et fascinante contrée des mirages absolus. Ce livre entamé, on ne peut l’abandonner que le point final posé sur la dernière page. Il n’y a pas d’échappatoire possible et certaines images vous hantent bien après que le livre a regagné l’anonymat des rayons de la bibliothèque. Lire Duras suppose l’aptitude à entrer dans une extase qui vous ôte à vous-mêmes et vous dépose, là, dans le foyer incandescent du livre, ce lieu dont les stigmates habiteront votre conscience de lecteur.


L’amour : « Rien de nouveau sous le soleil ».


« Ce qui a été, c'est ce qui sera, et ce qui s'est fait, c'est ce qui se fera, il n'y a rien de nouveau sous le soleil. »

Ecclésiaste 1: 9.


Avant de développer cette impossibilité de l’amour à remplir totalement une existence en la comblant à la manière d’un absolu, il est indispensable de prendre acte du fil rouge qui traverse le livre et en constitue le fondement. Marguerite Duras, dont on dit volontiers qu’elle était profondément fascinée par les paroles de l’Ecclésiaste, utilise cette parabole pour nourrir son œuvre. Puisque « tout est vanité et poursuite du vent » que tout est égal à tout, que la mort clôt une vie où tout n’est que fatuité, où connaître équivaut à ne pas connaître, où la vacuité affecte toute chose, il n’y a rien à espérer, il n’y a aucune croyance qui puisse apporter quelque certitude. L’inexistence de Dieu étant patente - c’est cette raison qui était alléguée par Duras pour justifier son addiction à l’alcool -, Dieu représentant l’amour absolu, alors tout amour entre humains est relatif, sinon impossible, ramené à l’étique dimension d’une aporie. Cet auteur de grand talent aura passé sa vie à dire cela et à ne dire que cela : l’impossibilité de la rencontre. « La pluie d’été », en un écheveau embrouillé de sentiments forts, d’amours complexes et de violents désamours sera la mise en musique de cette tragique symphonie. De l’amour, jamais on ne ressort indemne. Toujours une blessure à jamais refermée. Toujours une urticante nostalgie de cela qui aurait pu être mais n’aura jamais lieu. Le destin, le « fatum » des latins nous tient sous sa coupe et nul ne dérogera à une règle infrangible. L’homme, loin d’en être maître ne fait qu’en subir les effets et se courber sous les fourches caudines de la nécessité.


Pluie d’été : violence de la mousson.


« Ça avait été pendant cette nuit-là, pendant la longue Neva pleurée de la mère que tomba sur Vitry la première pluie d’été. Elle tomba sur tout le centre-ville, le fleuve, l’autoroute détruite, l’arbre, les sentes et les pentes des enfants, les fauteuils navrants de la fin du monde, forte et drue comme un flot de sanglots. »


Cette pluie d’été dont on s’attendrait qu’elle rassure et régénère après la chaleur, voilà qu’elle s’abat sur ce Vitry halluciné avec la violence d’une mousson qui emporte tout sur son passage, ne laissant plus paraître qu’un « flot de sanglots » comme pour dire le deuil, la perte et le renoncement à être autrement que dans la pure désillusion, la perte de soi au monde. La pluie d’été est cette complainte qui mêle, dans une insoutenable tension, les amours-désamours, les espoirs-doutes, les joies-tristesses, les heurs-malheurs de la condition humaine. Ce milieu familial cerné par les rives étroites de l’exister, comme une mise en abyme des lieux de vie, casa insérée dans le quartier du Port à l’Anglais ; Port à l’anglais dans l’immense banlieue tentaculaire ; banlieue dans un monde aux contours flous. Casa comme remise de l’immigré et du chômeur à leur condition marginale. Port à l’Anglais comme dernier refuge face aux meutes d’immeubles de la banlieue concentrationnaire. Vitry comme dernier rempart contre la folie mondaine.

Le microcosme socio-familial comme reflet du chaos universel.


A partir d’ici, ne reste plus la place que pour un inventaire des confluences familiales, de ses étoilements, de ses doutes, de ses étonnantes diasporas, de ses partitions, de ses résurgences, de ses éclatements dans une confondante dramaturgie dont le style durassien, admirablement approprié à cet univers, se fait l’écho dans une sublime théâtralité :


Le père aime la mère qui ne l’aime pas :

« Pendant longtemps, le passé de la mère avait été douloureux à imaginer pour le père. Il s’était demandé très longtemps quelle était cette femme qui était arrivée dans sa vie comme la foudre, le feu, comme une reine, comme un bonheur fou enchaîné au désespoir. »

Le père aime ses enfants dans la distraction :

« La mère : T’as jamais eu beaucoup … d’affinités avec Ernesto, Emilio.

Le père : Si … si … il le sait pas, mais au contraire …

Silence. »

Le père fou d’amour pour sa femme, « sacrifie » ses propres enfants :

« … ses propres enfants lui avaient donné la nostalgie d’un amour général dont il savait maintenant qu’il ne l’atteindrait jamais du moment qu’il avait pour cette femme une écrasante préférence, un inaltérable désir. […] Ce qui faisait que le père vivait dans l’épouvante de perdre cette femme qui à chaque occasion lui disait qu’un jour, le plus beau de tous, elle se sauverait de lui. »

Le père : détruire la mère :

« C’est après que le père avait sali l’histoire du train jusqu’à en faire une donnée générale du caractère de la mère, lui faire accroire à elle que c’était une prostituée, jusqu’à vouloir la tuer, tuer leur amour et se tuer ensuite. Plus rien n’avait compté, même pas les enfants. »

Le père constate avec effroi la nature des relations entre Jeanne et Ernesto :

« Le père ne bouge pas. Il regarde sa fille, ne regarde que ça. Dans ce visage qu’il connaissait, maintenant il y a un éclat inconnu, insoutenable, des yeux vers le frère. »

La mère aime un amour de jeunesse qu’elle ne retrouvera jamais :

« Oui, il y avait eu cet autre voyage, cette autre fois survenue dans un autre train de nuit qui traversait de même la Sibérie Centrale. Cette fois-là il y avait eu cet amour. Ce que faisait la mère dans ce train, elle l’avait oublié. Mais cet amour, pas encore, avait-elle dit, pas encore tout à fait elle disait, cette brûlure au cœur, elle la garderait dès son souvenir abordé, déjà elle l’avait là dans le corps. »

La mère avait le désir d’abandonner ses enfants :

« Ernesto et Jeanne savaient que la mère avait en elle des désirs comme ça, d’abandonner. D’abandonner les enfants qu’elle avait faits. De quitter les hommes qu’elle avait aimés. De partir des pays qu’elle habitait. De laisser. De s’en aller. De se perdre. »

La mère a envie de mourir chaque jour :

« L’Instituteur, il rit : Vous êtes des gens étranges, aussi …

La mère : C'est-à-dire ? Monsieur, qu’est-ce qu’on va devenir avec ça ? Sept. On en a sept !

Et moi j’ai envie de mourir chaque jour, voyez … »

La mère se sent coupable de trop aimer Ernesto :

« La mère : Ernesto … Je voulais te dire … Quelquefois, je crois que je te préfère aux autres, et ça me fait souffrir. »

La mère a peur du génie de son fils :

(Après avoir longuement parlé des prodigieuses connaissances assimilées par Ernesto, cet enfant de 12 ans, s’ensuit cette étrange situation.)

« Ernesto est sorti. La mère est restée seule. Elle est éblouie, elle est épouvantée, elle pleure. Puis elle crie. Elle rappelle Ernesto. Ernesto revient et la regarde pleurer en silence. Puis il lui dit :

Ernesto : Je voulais te dire m’man … moi aussi j’ai peur …

La mère, elle crie : Non … non … faut pas Ernesto … pas toi … Surtout pas toi … »

La peur réciproque de se perdre, du père, de la mère :

« Comme la mère éprouvait la même peur pour le père - que sans elle il se perde - l’après-midi ils se retrouvaient seuls et ensemble à la casa, obligés en quelque sorte de se garder l’un l’autre. Mais sans doute l’ignoraient-ils. »

Ernesto aime l’arbre et le livre sans possible retour :

«L’arbre, après le livre brûlé, c’était peut-être ce qui avait commencé à le rendre fou. C’est ce que pensaient les brothers et les sisters. Mais fou comment, ils pensaient que jamais ils ne le sauraient. »

Ernesto aime Dieu qui lui répond par du désespoir :

«Jamais Ernesto n’avait prononcé le mot Dieu, et c’est à travers cette omission que la mère avait deviné quelque chose comme ça, Dieu. Dieu, pour Ernesto, c’était le désespoir toujours présent quand il regardait ses brothers et ses sisters, la mère et le père, le printemps ou Jeanne ou rien. »

 Ernesto aime les mystères de l’univers mais l’univers ne lui répond pas :

« Ernesto : J’ai compris quelque chose que j’ai du mal à dire encore … Je suis encore trop petit pour le dire convenablement. Quelque chose comme la création de l’univers. Je me suis retrouvé cloué : tout d’un coup j’ai eu devant moi la création de l’univers … »

Ernesto : révélation de l’inanité du monde :

« - Et puis, dit Ernesto, j’ai considéré tous les ouvrages que mes mains avaient faits et la peine que j’avais eue à les faire - Et voici : j’ai compris que tout est vanité. Vanité des Vanités. Et Poursuite du Vent. »

Ernesto et l’éblouissement de la connaissance :

« Ernesto, cherche comment dire : Avec ce livre … justement … c’est comme si la connaissance changeait de visage, Monsieur … Dès lors qu’on est entré dans cette sorte de lumière du livre … on vit dans l’éblouissement … (Ernesto sourit). Excusez-moi … c’est difficile à dire … Ici les mots ne changent pas de forme mais de sens … de fonction … Vous voyez, ils n’ont plus de sens à eux, ils renvoient à d’autres mots qu’on ne connaît pas, qu’on n’a jamais lus ou entendus … dont on n’a jamais vu la forme mais dont on ressent … dont on soupçonne … la place vide en soi … ou dans l’univers … je ne sais pas … »

Ernesto pense que les mères abandonnent leurs enfants quand ils vont à l’école :

« Ernesto : D’aller à l’école. (temps). Ça ne sert à rien. (temps). Les enfants à l’école, ils sont abandonnés. La mère elle met les enfants à l’école pour qu’ils apprennent qu’ils sont abandonnés. Comme ça elle en est débarrassée pour le reste de sa vie.

Silence. »

Ernesto aime sa sœur Jeanne jusqu’à l’inceste et vit dans la hantise de la séparation :

« C’était cette même nuit que Jeanne était allée dans le lit d’Ernesto, elle s’était glissée contre le corps de son frère. Elle avait attendu qu’il se réveille. C’était cette nuit-là qu’ils s’étaient pris. Dans l’immobilité. Sans un baiser. Sans un mot. »

« Jeanne : Quand tu partiras Ernesto, si je ne pars pas avant toi, je préfère que tu meures.

Ernesto : Séparés toi et moi, on sera comme des morts. C’est pareil. »

Les brothers et les sisters vivent dans l’épouvante de la séparation :

« Les petits brothers et sisters avaient toujours empoisonné la vie d’Ernesto et de Jeanne, leurs aînés, mais ceux-ci ne le savaient pas. Dès qu’ils ne voyaient plus les aînés les brothers et les sisters tombaient dans l’épouvante. Ils ne pouvaient pas les voir s’éloigner ou disparaître au coin d’une rue sans hurler de terreur comme si eux, les petits, étaient seuls à savoir encore ce qui leur arriverait si un jour les aînés venaient à leur manquer et que ces aînés, déjà, l’ignoraient. »

Les enfants vivent dans la hantise de la mort des parents :

« Pour les enfants, la mort c’était de ne plus voir les parents. Leur peur de mourir en passait par là, ne jamais plus les revoir. »

L’instituteur aime Ernesto et Jeanne d’un amour irrésistible mais sans retour :

« L’instituteur se tait longuement. Il regarde Ernesto. Il s’est mis à aimer Ernesto et Jeanne ensemble d’un amour très fort, irrésistible. »

L’instituteur est amoureux de la grande beauté de la mère, laquelle n’en est même pas consciente :

« La mère sourit à l’instituteur. Et l’instituteur voit tout à coup la beauté de la mère, il est interdit. »

Les gens de Vitry n’aiment pas cette famille marginale :

« On parlait d’eux dans Vitry, les femmes surtout, les mères : ces gens-là, un jour ou l’autre, ils abandonnent leurs enfants. On disait : c’est dommage, des enfants aussi beaux … pas d’école … pas d’éducation … rien … il y a eu des demandes d’adoption, mais les parents ils veulent rien savoir … ces gens-là, les allocations, ils en vivent, vous m’avez comprise … »

L’homme déserté par Dieu :

« Le journaliste : Dieu serait donc le problème majeur de l’humanité ?

Ernesto : Oui. La seule pensée de l’humanité, c’est ce manque à penser là, Dieu. »

Comme dans l’inceste qui est un interdit, l’amour, jamais ne peut trouver à s’actualiser :

« Ernesto a cessé de chanter. Ils restent visage contre visage longtemps, sans un mouvement.

On est morts, dit Ernesto.

Jeanne ne répond pas, morte comme lui. »

La fin du monde comme sublime apothéose :

 Pluie d’été sur Vitry, lors de la longue nuit pendant laquelle la mère avait chanté la Neva, cette manière de chant testamentaire se présentant comme la clôture d’un impossible amour, tout pareil à la clôture d’une vie. Début de la grande et infinie diaspora : Ernesto, brillant scientifique parcourant les allées du monde ; Jeanne partie pour toujours de « cette blanche patrie de banlieue où ils étaient nés » ; le père et la mère se laissant mourir ; les sisters et les brothers placés dans un orphelinat du sud de la France où les rejoint, au titre de tuteur, l’instituteur. 


Ainsi l’épilogue d’une histoire dont l’amour est le thème principal avec ses lumières étincelantes, ses zones d’ombre, ses ornières, l’impossibilité d’aller au-delà de ce qui est humainement possible, à savoir le relatif. L’absolu de Dieu comme une promesse qui s’efface à mesure qu’elle s’annonce.


Anthologie.


« Aux yeux des brothers et des sisters, grands et petits, que ce soit clairement ou pas, la mère fomentait en elle une œuvre de chaque jour, d’une importance inexprimable, c’était pourquoi elle avait besoin de s’entourer de silence et de paix. Qu’elle aille vers quelque chose, la mère, cela tout le monde le savait. C’était ça l’œuvre, cet avenir en marche, à la fois visible, imprévisible, et de nature inconnue. Rien n’en limitait l’étendue parce que pour eux ce n’était pas nommé ce qu’elle faisait la mère, c’était trop personnel. Pas de mot pour ça, c’était trop tôt. Rien n’en contenait le sens entier et contradictoire, même pas le mot qui l’aurait dit. Pour Ernesto c’était peut-être déjà une œuvre, la vie de la mère. Et c’était peut-être cette œuvre qui, retenue en elle, faisait ce chaos.

Que la mère sache à peine écrire donnait à son œuvre couleur d’immensité. Tout allait à la grandeur de l’œuvre de la mère comme les pluies aux océans, autant ces petits enfants qu’elle voulait vendre que les livres qu’elle n’avait pas écrits, les crimes qu’elle n’avait pas commis. Et cette autre fois dans cet autre train russe, cet amant-là, perdu dans l’hiver et maintenant massacré par l’oubli.

Oui, il y avait eu cet autre voyage, cette autre fois survenue dans un autre train de nuit qui traversait de même la Sibérie Centrale. Cette fois-là il y avait eu cet amour. »








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