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Cent titre sans Sans titre - Fabienne Radi
lundi 23 mars 2015 par Jean-Paul Gavard-Perret

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Le pot au feu genevois

Fabienne Radi, Cent titre sans Sans titre, Boabooks, First Edition, Genève, 26 CHF, 2015

Fabienne Radi est une sémiologue géniale des images. Lorsque celles-ci appartiennent aux films, on retient le nom de ces derniers. Lorsqu’il s’agit des œuvres d’art l’inverse se produit. On se souvient de leur créateur mais rarement de leur titre. L’auteur répare non sans humour cette injustice. Dans ce but elle a choisi 100 œuvres (du catalogue du FCAC) « uniquement » selon leur titre dont « elle déploie le potentiel fictif du titre ». Par exemple d’une œuvre intitulée « Les fleurs ne poussent pas avec la tête en bas » (de Susan Ahrenkieil), l’artiste propose cette suite « Si c’était le cas, on n’aurait pas besoin d’attendre d’être mort pour manger les pissenlits par la racine  ». Quand à l’œuvre «  Et pourtant elle tourne  » (de Jean Roll) elle s’accompagne d’un sobre «  la page  ».

A la manière d’un Derrida qui troquerait l’analyse pour la fiction l’iconoclaste s’amuse - loin de toute considération sur l’histoire de l’art - à faire clignoter dans les cases du cerveau des lumières intempestives. Chaque titre (sauf bien sûr ceux qui n’en n’ont pas - d’où le libellé du livre) permet d’imaginer des souterrains, des sentiers, des dérives aux ingrédients inédits. A l’inverse des noms d’artistes qui sont là pour canaliser l’imaginaire, les titres battent la campagne. Et son livre y claque comme un drapeau de pirate sur chaque promontoire. Le titre devient l’embrayeur de l’imaginaire. Et c’est un régal. Preuve que l’art n’est pas qu’une question de motif. L’amour des titres peut devenir un autre point de départ et un nouveau compartiment de l’art.

Pour celle chez qui « la confusion des noms est un phénomène récurrent  » chaque titre permet d’échafauder des fictions souvent bancales mais toujours intéressantes par l’incongruité qu’elles produisent. Faisant écho au propos de Pierre Bayard dans son livre « Et si les œuvres changeaient d’auteur ? », Fabienne Radi joue les retordes qui empoignent systématiquement les choses à l’envers. Le projet permet de découvrir les œuvres sous un angle inhabituel. Il provoque des résonances inattendues sans le souci de théoriser.

Fidèle à son goût du cinéma l’auteure rebondit sur certains titres («  Viens dans ma peau » de Fabrici Gygi par exemple) pour foncer dans le « filmique » et ses acteurs - John Malkovich dans le cas cité. Et l’auteur de s’amuser de son propre commentaire en un effet de mise en abîme : «  Dans ce texte le nom de John Malkovich apparaît 19 fois. Et si on écoute ce qui se dit dans les préaux des écoles « c’est celui qui le dit qui est » ».

Preuve que dans un tel livre parfaitement inclassable tout s’avère impossible mais tout semble évident. « L’usurpation » constante des titres permet la création d’un code élastique à souhait, accommodable à l’infini. Il arrive que même des vieilles rombières aux rondeurs hypertrophiées y découvrent une certaine idée de la lubricité et veuillent s’y consacrer. Pour elles comme pour Fabienne Radi aucune limite ne semble pouvoir les arrêter. Si la sémioticienne n’a rien à voir avec de telles gribiches sa jouissance est comparable à la leur. Mais selon d’autres axes ou délires aux torsions expérimentales. Chaque fiction devient pour chaque titre une réponse sans fin.

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