Easter and Oak Trees - Bertien van Manen
lundi 7 octobre 2013 par Jean-Paul Gavard-Perret

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BERTIEN VAN MANEN : UNE INFINIE TENDRESSE

112 pages, Editions Mack, Londres, 2013, € 30.


L’art de Bertien van Manen se distingue par l’affinité intuitive qui relie la photographe et son sujet. Après des études de littérature française et de littérature allemande, elle commence une carrière de photographe de mode. Mais dès 1976 l’album « The Americans » de Robert Frank l’incite à se tourner vers la photographie documentaire. Elle travaille à Budapest puis à New York en captant ce qu’elle voit et éprouve dans le quotidien. Très vite ses photographies sont publiées dans divers journaux et magazines anglais et néerlandais. Un peu plus tard grâce à une bourse de la ville d’Amsterdam elle peut se consacrer à un long travail sur les femmes immigrées. Il est publié en 1979 sous le titre « Vrouwen te Gast ». A la demande du Rijksmuseum d’Amsterdam elle réalise ensuite un reportage sur le mouvement des femmes en Hollande. Elle publie dans la foulée plusieurs livres sur le Nicaragua, les nonnes et les femmes de l’église catholique aux Pays-Bas. Elle travaille aussi pour le ministère néerlandais de la Culture dans les Monts des Appalaches aux Etats-Unis. Elle vit pendant cinq mois au milieu des mineurs et de leurs familles. La grande proximité avec ses sujets, jusque là peu esquissé devient une marque, sa « signature » désormais reconnue dans le monde entier.

Dans la série des Appalaches comme dans toutes celles de Bertien van Manen surgit une spontanéité faite d’attention parfois légèrement teintée d’humour même lorsqu’elle aborde - sans voyeurisme - les sujets les plus difficile et qui touchent à divers types d’intimité. Travaillant toujours de manière spontanée et jamais agressive, l’artiste se coule d’abord dans les lieux et leurs habitants avec certes curiosité mais surtout une attention active, patiente et généreuse que traduisent bien ses œuvres qui pourraient trouver comme titre générique celui d’un de ses corps sur la Russie : « Let’s sit down before we go ». Ces mots sont pour elle une métaphore qui correspond à une vieille habitude en Russie : avant de partir pour un long voyage, les gens s’assoient pour un moment et pensent à où ils iront et pourquoi. L’artiste ne cesse d’agir ainsi.

Dans ses séries de la Chine et de la Russie de la glasnost où elle vit une nouvelle fois le quotidien des familles ( « A Hundred Summers A Hundred Winters » album couronné par plusieurs prix) comme dans les clichés de ses proches publiés aujourd’hui, le registre intimiste est traité de la manière la plus crue tout en évitant la moindre parcelle d’obscénité. Chaque portrait porte la marque d’une forme de tendresse et de solidarité Il n’est donc pas étonnant que les photos de l’artiste finaliste du prestigieux « Citibank Photographers Prize » en 2003 soient désormais présentées dans de nombreuses expositions internationales et dans les collections les plus prestigieuses : Maison Européenne de la Photographie de Paris, Stedelijk Museum d’Amsterdam, Moma et Metropolitan Museum of Art de New York.

Quant à « Easter and Oak Trees » il s’agit de son travail le plus intime puisqu’au lieu de visiter des lieux forains, l’artiste s’est « contenté » d’explorer le sien. On y trouve la même attention ardente, aimante et sans concession au moment où l’artiste invite le spectateur à cette vie de famille qui paraît idyllique et loin de toutes postures et impostures au sein d’instants volés.


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