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Pouvoirs de l’horreur, Essais sur l’abjection - Julia Kriteva
par penvins

Précédant le signe - la symbolisation - l’abjection rend compte de l’insignifiable, ce qui précède le narcissisme dont elle est une pré-condition
Julia Kristeva précise :

l’abject nous confronte [...] à nos tentatives les plus anciennes de nous démarquer de l’entité maternelle avant même que d’ex-ister en dehors d’elle grâce à l’autonomie du langage page 20

Analysant la phobie - cette peur de l’innommable – cette incapacité de produire des
métaphores avec les signes seuls
qui conduit le phobique à les produire dans la matière
pulsionnelle elle-même

Et voilà que la seule rhétorique dont il soit capable est celle de l’affect p 48

elle affirme que :

tout exercice de la parole pour autant qu’il est de l’écriture, est un langage de la peur. Je veux dire un langage du manque tel quel, ce manque qui met en place le signe, le sujet et l’objet. p 49

Lorsque le signe est mal établi, le sujet en manque de son " propre " ne sachant plus reconnaître le dedans du dehors, en appelle à l’intérieur du corps, urine, sang, sperme, excréments pour se rassurer sur son identité

L’abjection de ces flux de l’intérieur devient soudain le seul " objet " du désir sexuel - un véritable " ab-ject " où l’homme, apeuré, franchit l’horreur des entrailles maternelles et, dans cette immersion qui lui évite le face-à-face avec un autre, s’épargne le risque de la castration. P 65

De la sorte, il possède

le mauvais objet qui habite le corps maternel. L’abjection lui tient alors lieu d’autre, au point de lui procurer une jouissance, souvent la seule pour le borderline, qui de ce fait transforme l’abject en lieu de l’Autre. p 65

Revenant sur le narcissisme Julia Kristeva décrit le narcissisme primaire non comme un état
édénique - cette vision ne serait qu’une dénégation postérieure (élaborée par le névrosé) -mais au contraire comme une guerre duelle avec la mère qui se vit dans la terreur d’être pourris, vidés ou bloqués, et repère un parallèlisme entre l’abandon du cannibalisme et le dégoût de la souillure - ici la souillure menstruelle - qui serait

en même temps qu’une tentative de juguler la matrilinéarité, une tentative de séparer l’être parlant/ de son corps, afin que celui-ci accède au rang de corps propre, c’est à dire inassimilable, immangeable, abject p 94

C’est à travers le destin tragique d’Oedipe que la souillure mythique deviendra transgression par méconnaissance de la Loi

Nos yeux peuvent rester ouverts à condition que nous nous reconnaissions altérés toujours déjà par le symbolique : par le langage.

J. Kristeva examine ensuite l’approche judaïque, l’approche chrétienne de la souillure :

L’approche biblique s’attache à ‘constituer des identités strictes sans mélange, à partir 1) des tabous alimentaires, 2) de la mort et 3) de l’inceste.

A partir des tabous alimentaires notamment, se constitue un système entier d’oppositions
logiques amorçant le dépassement d’une conception du contrat social fondée sur le sacrifice.

Un système de tabous se constitue comme un véritable système formel : une
taxinomie. P 118

L’approche chrétienne inversera le système pur/impur en dedans/dehors :

"Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui profane l’homme ; mais ce qui sort de la bouche voilà ce qui profane l’homme" (Mt 15,11)

Avalée, résorbée pourrait-on dire, la souillure chrétienne est en cela une revanche du paganisme - une réconciliation avec le principe maternel. p 138

La confession que J Kristeva décrit comme une invention de St Antoine (Celui qui servira de modèle à Flaubert), elle l’a voit comme le fondement du refoulement sexuel et par là de l’ascétisme, et en même temps comme prise de pouvoir du discours :

L’aveu et l’absolution sont tout, le péché n’a pas besoin d’actions pour être remis. p 153

Julia Kristeva souligne chez Céline

Un vertige de l’abjection qui ne se soutient, qui ne s’écrit , qu’à condition de pouvoir aussi se donner des objets de haine... p160

de cette abjection dont elle dit que

la douleur est le côté intime, et l’horreur le visage public. P 165

ayant déjà souligné que

Les dévots de l’abject n’arrêtent pas de chercher, dans ce qui fuit du " for intérieur " de l’autre, le dedans désirable et terrifiant, nourricier et meurtrier, fascinant et abject, du corps maternel. P 66.

elle rappelle la fascination de Céline pour la pourriture, qu’elle s’exprime dans l’analité

où se fixe l’intérêt pour l’intérieur grouillant [du] corps p 174

ou dans la guerre

Ce que Céline traque, débusque, étale, c’est l’amour de la mort dans les fibres, l’enivrement devant le cadavre, cet autre que je suis et que je n’atteindrai jamais, ... p 175

Je les tuerai tous la prochaine fois !... Monsieur le Major, renvoyez-moi !... ma place est au front !... za la guerre !... p 178 (Guignol’s Band)

Mais cette fascination pour l’accouchement devient pour lui l’ab-ject et c’est bien sûr aussi celle de l’accouchement

summum du carnage et de la vie, point brûlant de l’hésitation ( dedans/dehors, moi/autre, vie/mort) horreur et beauté, sexualité et négation brutale du sexuel. P 181

fascination qui le conduira à sa thèse sur Semmelweis où

la fièvre puerpérale, c’est le sexe féminin contaminé par le cadavre P188.

Cette hallucination panique de destruction du dedans, d’intériorisation de la mort consécutive à l’abolition des limites tentera de trouver un apaisement dans la haine du Symbolique dont le juif est le représentant en tant que fils préféré, élu, bénéficiant du pouvoir paternel.

Ce frère tyrannique qui obéit

à l’instance d’une loi paternelle, surmoïque, dominatrice des pulsions, à l’opposé de l spontanéité naturelle, enfantine, animale, musicale. p 216

que revendique Céline

Analysant ensuite la langue de Céline et notamment celle des derniers romans J Kristeva remarque que Céline

ne cesse de donner le son et l’image, voire les causes[de l’apocalypse]. Jamais de dissertation, commentaire, jugement. Devant l’apocalypse, il s’exclame d’une horreur voisine de l’extase. P 240

et conclut que

toute littérature est probablement une version de cette apocalypse qui [lui] paraît s’enraciner, qu’elles qu’en soient les conditions socio-historiques, dans la frontière fragile (" borderline ") où les identités (sujet/objet, etc.) ne sont pas (...) P 245


Penvins

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