par Irma Krauss
Angot : Pythie freudienne? Nouvelle Cassandre? Nouvelle Lady Di des lettres?
Angot est une tragédienne postmoderne : son écriture est une théâtralisation de l'excès. Ce dont parle cette nouvelle pythie moderne m'est incompréhensible puisque la clé de son rite je ne la possède pas. Cependant la façon dont elle dit - le comment - m'époustoufle.
Elle a un corps qui vibre, elle a même des couilles, cette écrivaine. D'où me vient cette singulière idée que lire Angot, c'est recevoir en plein visage une éjaculation. Autrement dit, elle jouit et elle m'inonde.
Angot, la versatile et talentueuse, est aussi thermodynamique. Elle libère des énergies sous tension. Qu'elle soit un bricolage monstrueux de diverses petites perversions (mégalomanie, narcissisme, paranoïa...), rien à y redire : elle a faim et soif de la désapprobation et du mépris des autres. N'y a-t-il pas chez elle de la petite graine célinienne vociférante, après tout ? Elle aussi jubile lorsqu'elle est dans de "beaux draps. Ah! Auto-flagellation quand tu nous tiens!
Angot, c'est du " mentir vrai " selon le mot célèbre d'Aragon. N'a-t-elle pas écrit dans L'Usage de la vie :
"Il faut faire en sorte que le lecteur croie en la véracité de tout ça. Qu'il soit persuadé que la plus grande part s'est réellement passée, c'est le but essentiel de toute création. Convaincre le lecteur de l'authenticité de toutes nos inventions littéraires. La littérature n'a pas d'autre but."
En revanche, Angot me gêne dans l'image très à la mode et paradoxalement très conventionnelle de la victime pure qui s'offre sur l'autel du sacrifice. Le côté martelé et rabâché de sa petite rengaine enfantine. C'est parce que j'ai sucé mon papa, que je suis le monstre que je suis. Là, je m'inquiète. Je la sens jouer malhabilement. Son " mentir vrai " en arrache. Je la sens esclave du monde extérieur en plus d'être colonisée par son moi, ça fait beaucoup... Je me dis Angot exhibe. Elle se gaspille. Elle fait un peu court dans le freudisme. Elle ne nomme pas.
Me gêne aussi la prolifération de ses virgules (petites verges, comme elle dit), un détail, certes. Un peu sophistiqué tout de même comme explication. Disons que sa ponctuation sexuelle me laisse perplexe.
Me gêne aussi sa fausse impudeur. Angot n'est pas impudique, elle n'est pas pudique non plus. Elle est toxique, désarçonnante, échevelée et enquiquineuse : son écriture est ainsi. Hors-genre, inédite et mélangée. Angot n'a pas encore touché la nappe phréatique, du moins pas encore. Elle " surfe " sur la surface. À moins que sa nappe phréatique soit à la surface? Incompréhensible, disais-je, sa parole.
Est-elle à suivre? Certainement. Cependant il lui serait recommandé de varier le menu (l'inceste, Marie-Christine, le gros méchant petit monde littéraire et les statistiques des ventes en librairies - y' en a marre) pour explorer, dilater ou transcender son moi banal et se mettre à nu (?) ou encore se déshabiller ailleurs que dans la célébration répétitive de ses tares surannées. Elle qui revendique le tout, tout dire. Mais chez Angot, la parole peut-elle surgir d'ailleurs? Ailleurs que dans son dégoût (égout) d'elle-même qu'elle postillonne à grandes dégoulineras sur les autres, à tort ou a raison. Peu importe.
Je sais, j'entends hurler l'inceste, 'l'inceste, l'inceste. Ah! Cest vrai l'inceste, ne pas oublier l'inceste. N'empêche que Sartre (un autre de mes chouchous) n'est pas un vieux con et lorsqu'il dit : " L'important n'est pas ce qu'on a fait de nous mais ce que nous faisons nous-même de ce qu'on a fait de nous. " : moi, j'ai le goût d'aller fleurir sa tombe.
Donc Angot à suivre...
Oh! J'allais oublier. Je dois avouer que j'ai été très, mais là, très étonnée qu'Angot n'ait pas donné une torgnole médiatique à Sollers pour son " Dis-lui que je l'embrasse affectueusement et presque incestueusement. " Johnny, fais-moi mal. J'aime bien. Mais là Philippe, fais-moi mal, je trouve que Vian y perd.
Irma Krauss