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La découverte de l’ombre - Roberto Casati
par Alice Granger

casati

Editions Albin Michel.


Ce livre intéressant sur l’ombre et les ombres commence par la caverne de Platon (République) dans laquelle les prisonniers n’ont jamais vu et ne voient jamais les objets qui projettent leur ombre. Ces objets sont derrière les prisonniers de la caverne, ce sont des statuettes déplacées par des domestiques et derrière lesquelles il y a un feu. Les prisonniers, qui sont attachés et ne se voient pas les uns les autres ne connaissent jamais qu’un théâtre d’ombres projetées sur le mur en face d’eux, un monde plat, sans relief.

Ensuite, on pourrait dire qu’au contraire l’investigation autour de l’ombre, l’observation et la réflexion, est une investigation indirecte autour de l’objet visible qui fait cette ombre lorsqu’une source lumineuse l’éclaire.

A lire ce travail de Casati, nous avons l’impression que la véritable découverte de l’ombre, dans sa différence d’avec l’objet, qui met en jeu le développement des mathématiques, de la géométrie, de la science dans l’activité de réflexion qui prolonge la pure observation, implique d’abord la connaissance de l’objet, de voir les objets. Casati nous rappelle que cette connaissance de l’objet s’est inscrite au cours de l’évolution des espèces. Par contre, rien n’est inné en ce qui concerne l’ombre. C’est peut-être pour cette raison que, pour le petit enfant ces ombres sont de pseudos objets, étranges, inquiétantes, magiques, et que se développe une véritable métaphysique de l’ombre. Il faut vraiment tout un travail d’observation et de réflexion, que fait l’enfant en grandissant, et qu’ont fait les hommes depuis les âges les plus reculés et en particulier dans l’Antiquité et par exemple à la Renaissance, pour que les ombres soient découvertes comme autre chose que les objets dont elles sont les images sans lumières projetées, les pures formes, les silhouettes.

Les ombres sont donc en relation avec des objets qui sont éclairés par une source lumineuse, elles sont des images projetées sur une surface, plane ou pas, une sorte d’écran, une image de l’objet par privation de lumière.

L’étude de ces ombres, de l’observation la plus fine et la plus poussée, par exemple avec le télescope de Galilée, à la réflexion scientifique la plus élaborée, permet la connaissance d’objets lointains, par exemple la lune, le soleil, Mars, Vénus, Jupiter.

La connaissance de l’objet permet aussi la curiosité à l’égard des déformations de cette image spéciale qu’est l’ombre de cet objet éclairé. Tout dépend de la proximité de la source lumineuse, de la surface sur laquelle l’ombre est projetée, de la situation dans l’espace de l’objet.

Ce livre nous parle aussi de la façon dont notre cerveau a appris à reconstruire, à voir par exemple cubique l’ombre déformée d’un objet cubique. Les ombres sont indispensables à la vision en relief.

L’auteur nous rappelle combien l’arrivée de l’électricité a révolutionné le monde des ombres. Avant, elles étaient, avec la chandelle, les lampes à pétrole et autres, mouvantes, et beaucoup plus nombreuses. Maintenant, les images sont beaucoup plus fixes, et la lumière est presque envahissante.

Il y a bien sûr tant d’autres choses à découvrir dans ce livre à propos de l’ombre !

 

Alice Granger-Guitard

16/03/2002 

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