par penvins
Larmes impures - Le jésuite parfait - Furio MONICELLI
traduit par Philippe Giraudon - Editions Gallimard / L'arpenteur 2000
Ca ne va pas intéresser tout le monde et pourtant ça devrait. Larmes impures est le récit romancé du noviciat dun jésuite, de cette honorable Compagnie dont Frère Zanna [novice qui semble exprimer - en contrepoint du héros Andréa - la pensée de lauteur] prétend En soumettant à lintérêt commun celui des individus, les jésuites ont anticipé de plusieurs siècles les doctrines sociales de notre époque et toutes les théories de la subordination de lindividu à lEtat ou à la société, quelle soit capitaliste ou communiste.
Si ce nest pas actuel et donc si ça ne vous intéresse pas, si le fonctionnement des sectes jai bien dit des sectes les plus softs ne sont pas les moins dangereuses et le pire de ce quelle vous inculque ne tient pas dans les idées, mais bien plutôt dans une attitude de vie, ne vous semble pas essentiel dans le temps même où nous vivons, ne lisez pas ce livre. Il na pour vous aucun intérêt et laissez vous guider par la politique de lautruche, la même qui guide le jésuite lorsquil est confronté à la réalité de la chair.
Il sétonnait que le père instructeur ne lui posât jamais de questions concernant la chasteté , alors que cétait un problème brûlant pour tous ces jeunes gens enfermés ensemble. Il régnait comme une conjuration du silence qui semblait décourager peu à peu toutes leurs velléités de confidences, dinformations, portant sur ce sujet. la devise des supérieurs paraissait être : « Moins on en parle, mieux on se porte », et Andréa resta longtemps perplexe.
Parce que dans lhonorable Compagnie, le maître mot cest la discipline, à tel point que cest le terme qui désigne les séances dautoflagellation que simposent les novices trois fois par semaine. Non, non vous ne rêvez pas, lauteur est né en 1924, il avait 20 ans en 1944, cest aujourdhui, en Occident.
Bien sûr il sagit de maîtriser- de tout maîtriser. La pire insanité que vous puissiez proférer devant un jésuite cest de lui parler de déterminisme, il ne comprendra pas.
Tout latroce déterminisme attaché à la doctrine de la grâce paraissait inconnu de la Compagnie. Pour elle, le fait de la volonté humaine constituait lélément le plus important. Tout devait découler de la volonté.
Alors tous les moyens sont bons pour que lindividu maîtrise ses instincts, comme ses pensées, il ne doit pas y avoir pour lui de Jardin Secret, cest ce que demande à Andréa le frère Lodovici au moment de mourir, mais ce qui importe bien entendu cest surtout que la Compagnie maîtrise ses troupes et pour ce faire elle utilise les moyens qui sont lapanage des sectes,
- la fatigue, le père instructeur dira à Andréa : « La fatigue est utile car elle produit un état extrême de gentillesse et de calme mental, qui peut même aller jusquà une sorte de vision. »
- la délation, lespionnage mutuel étant pratiqué « pour le bien de la communauté et dicté par un sens « supérieur » de la charité envers le prochain.
- la contrainte évidemment ; lors des récréations les novices ne peuvent se promener quavec des compagnons désignés et se voient imposer un sujet de discussion.
- et jusquà la direction spirituelle au-delà des limites du droit canon qui interdit explicitement aux supérieurs religieux dobliger leurs sujets à rendre compte de leur conscience hors du confessionnal.
- le respect des formes : Tous les jours, à la même heure il accomplissait la même action...
- et le reniement de la famille : Nous autres jésuites , nous avons tout renié pour le salut éternel , même la famille.
et comme toujours celui qui accepte de tels renoncements se voit offrir le paradis : Tu as surmonté lépreuve difficile du noviciat. A lavenir, tu pourras faire une moisson si abondante de mérites que tu tenvoleras directement au paradis après ta mort.
Mais à quel prix ? Celui de préférer la mort à la vie, non par je ne sais quel idéal comme on tente de nous le faire croire mais par une sorte de fascination celle à laquelle se soumet Andréa au chevet de Marco encore vivant mais dont le corps déjà se décompose et qui quelques jours plus tard lui rend obscène la vue du fossoyeur bien vivant croquant goulûment sa baguette de pain. Au prix du renoncement à la conscience individuelle, au prix dune quête secrète jamais satisfaite de lamour du prochain « Cest quelque chose datavique, quils ont dans le sang. » ... « Les jésuites ne se sont jamais sentis aimés, ni à lintérieur ni à lextérieur de lEglise. »
Ecueil où vient buter sans cesse ladepte de la secte et qui le renvoie indéfiniment à lamour de la secte. Tellement enfermé dans son langage quil ne peut plus lire sur le visage de lautre que ce quil y a mis lui-même :
Le souvenir obsédant de Marco semblait creuser sur son visage un dédale de petites rides. Et ce visage hésitant entre le soupir de soulagement et le soupir de regret attira lattention satisfaite du père instructeur, lequel loua la componction et la douceur intime et grave dont faisait preuve le novice en un instant si solennel.
Merci à Furio Monicelli de nous avoir livrées ces larmes impures versées dans le secret du noviciat, puissent elles ouvrir les yeux à tous ceux qui seraient encore tentés de se réfugier dans la douceur.
Penvins
e-litterature.net©
On peut aussi se renseigner sur les jésuites à l'adresse : http://www.jesuites.com !!!