par Florence Trocmé
Editions Léo Scheer
Il y a les gros pavés dont pas une ligne n'est nécessaire mais il y a aussi de tout petits livres, modestes, publiés dans la discrétion chez de petits éditeurs et dont chaque phrase vous ébranle. Alors même que paradoxalement, l'auteur doute de lui-même et de sa tâche. L'atmosphère de ce Carnet posthume m'a très fortement fait penser à celle du Pas à pas jusqu'au dernier, le livre de René des Forêts. Même situation d'un homme âgé, d'un écrivain dont toute la vie n'a été tenue que par l'écriture et qui s'interroge sur le sens de son travail. C'est d'autant plus impressionnant dans le cas de Roger Laporte qu'il pense avoir accompli son uvre avec le livre Moriendo mais qu'il sent la nécessité impérieuse d'écrire encore, sans être sûr que cela soit justifié. Tout aurait été dit selon lui de ce qu'il avait à dire et pourtant, il y a toujours une sorte de nécessité intérieure dont il ne sait si elle est seulement celle du "divertissement" au sens pascalien du mot, se détourner de ce qui se profile maintenant, la mort : "à partir du moment où le livre s'identifie à une aventure, à une quête, si l'aventure s'achève, si la quête parvient à son terme, le livre prend fin, la nécessité d'écrire n'a plus de sens. Une telle aventure ne peut-être ni renouvelée, ni poursuivie. En aucun cas, ce carnet ne prétend compléter ou poursuivre la biographie. Garder le silence, supporter une vie dont on ne fait rien, est très difficile". Dans ces quelque quatre-vingt pages, Roger Laporte nous donne le sentiment d'être au cur d'une des plus grandes problématiques humaines, si ce n'est de la problématique humaine qui est celle du sens. C'est bouleversant.
Florence Trocmé
02/06/2002