par Amélie Averlan
Christian Bobin / Le Christ aux coquelicots
C'est lors d'une promenade à travers des rayons mal rangés, que j'ai rencontré Le Christ aux coquelicots. Je crois qu'il m'attendait depuis assez longtemps. Très élégant, je fus séduite au premier regard. Il était si différent que je me suis d'abord étonnée que personne ne l'ait remarqué jusqu'alors : élégant de simplicité, je l'ai détaillé, de bas en haut, de droite à gauche ; je l'ai un peu dépoussiéré. Habillé d'un placage de textures, de couleur rouge, le papier cartonné rappelait le bois fendu, l'épaisseur des origines. Christian Bobin, auteur du Christ aux coquelicots [1] , était inscrit en gras sur cette couverture d'une couleur non sans rappeler la couleur de ces fleurs des champs. Mauvaises herbes dit-on, il fallait bien un Christ pour remettre à l'honneur ces fleurs de bon dieu. C'est le chemin tracé des contrebandiers. C'est la couleur des feux passionnés, d'un coeur ouvert, reposant sous un bouquet de roses que l'on imagine, rouges.
Le "tu" auquel s'adresse le poète en pensées, à coeur ouvert, par bribes détachées, en silence, on se prend à espérer qu'il soit nous... « Et que nos coeurs chaque jour s'ouvrent à la fraîcheur et à l'éclat des coquelicots »(p.40). La pensée de Christian Bobin est habillée de silence, hors temps, elle nous touche ou nous fait sourire ; à ces pensées si pures et comme extérieures au monde, protégées du temps qui passe, nous ne pouvons dire que oui, nos coeurs peuvent s'écraser comme des framboises, oui, l'amour peut faire croire à la dureté des coeurs de diamant.
Ce "je" du poète, on se prend alors à espérer qu'il soit nous... « Je veux bien souffrir, mais je ne veux pas désespérer. je ne laisserai personne éteindre en moi la petite lampe rouge de la confiance ».(p.46)
C'est un vrai petit livre rouge du bonheur et de la vie que nous écrit Christian Bobin, nous redonnant l'image, la lumière, d'un visage ami toujours présent, celui connu, d'un sursaut de tendresse filial, d'un regard amoureux, auxquels Christian Bobin nous donne des mots à dire : « Je t'aime à en faire peur aux étoiles » (p.9)
Il faudrait faire une sélection de ces pensées qui résonnent encore le livre fermé, je crois qu'il faut lire Le Christ
aux coquelicots.
Il y aurait beaucoup à dire, laissons parler le silence
« Apparaissent alors toutes les nervures de notre pauvre vie, aussi clairement qu'une feuille d'arbre traversée par la lumière du soleil »(p.50)