par penvins
Isabelle BLONDIAUX
UNE ECRITURE PSYCHOTIQUE:
L-F CELINE
Le titre le dit bien ce qu'Isabelle Blondiaux qualifie de psychotique c'est l'écriture de L-F Céline et non pas l'homme dont elle dit qu'il négocie avec la psychose pour construire son écriture.
Ce qui caractérise cette écriture c'est donc :
Cette impossibilité à reconnaître l'autre comme extérieur, à saisir les limites entre le moi et le non moi p 15
Du coup, la traversée de l'abjection (terme emprunté à J Kristeva dans " Pouvoirs de l'horreur ") se trouve être une traversée de l'innommable et pour
Vouloir dire ce qui ne peut l'être [le locuteur] est condamné au rabâchage et à l'interminable ressassement. P 17
L'abjection de la guerre rappelle le caractère abject de la scène primitive (acte de violence de la part du père) qui fait écrire à Céline dans le Voyage:
Mais il n'y avait plus personne pour nous surveiller! Plus que nous, comme des mariés qui font des cochonneries quand tout le monde est parti.
Isabelle Blondiaux étudie ensuite dans l'écriture de Céline le rejet de la fusion avec la mère en rappelant ce que la troisième République avait elle-même de psychotique dans la relation du citoyen à la patrie
Citant une étude de D Maingueneau : " Les livres d'école de la République 1870-1914) elle montre que le couple Enfant/Mère et le couple Soldat/Patrie fonctionnaient identiquement dans les grammaires scolaires à tel point que
En toutes choses, faire son devoir, ce n'est jamais que se montrer dignes enfants d'une femme aimée (la mère (patrie)) p46
Et conclut :
Chez Céline, plus que chez tout autre, le rejet en bloc de la guerre ne peut être une métaphore excitante du rejet de la fusion avec la mère. Ces deux rejets sont indissolublement liés, parce que ces deux notions mère et patrie, ont été vécues comme inextricablement liés dans l'enseignement primaire d'avant la guerre de 1914, le seul qu'ait connu Céline.
A l'inverse, il se pourrait que pour Céline, ce soit la conscience du caractère profondément psychotique de la relation fusionnelle du citoyen à la patrie, soustendue par l'idéologie de la IIIème République, qui ait nécessité la métaphore d'une relation psychotique à la mère dans une écriture qui se produit en réaction aux idées reçues au cours de l'enseignement primaire. Cette écriture serait devenue elle-même psychotique pour mieux dénonce la société qui l'a engendrée. P 48
Autre aspect de l'univers psychotique du Voyage, le clivage du moi du narrateur en deux instances psychiques autonomes Ferdinand et Robinson, le premier représentant le conscient et le second l'inconscient du narrateur, ainsi Robinson est le premier à faire usage du style émotif que L-F Céline ne revendiquera qu'après la mort de Robinson (après le Voyage au bout de la nuit)
Ce clivage renvoie à l'incommunicabilité : Ferdinand ne parvient pas à expliquer au colonel sa conception de la guerre, puis dans un jeu à trois entre Robinson, Ferdinand et Parapine
prend place toute une symbolique d'une relation à un père toujours défaillant telle que sa place (vacante) a été définie dans la psychose. P 76
Ce qui permet par exemple à
Ferdinand [d'être] nommé directeur intérimaire de l'hôpital psychiatrique [et d'accéder] à une pseudo-virilité caricaturale, grotesque, dépourvue de sens. P 76
Isabelle Blondiaux examine enfin le traitement du temps et de l'espace et remarque que si les premiers romans présentent certaines similitudes avec celui des romans picaresques ce n'est plus le cas des derniers. Elle préfère alors inscrire l'oeuvre de Céline dans ce que M Bakhtine appelle la littérature carnavalesque caractérisée par une hyperactualité de ce qui est vécu et une impossibilité de perception distanciée du temps.
Isabelle Blondiaux termine en évoquant une langue fabriquée de toutes pièces qui a pour but de [se] protéger de l'intrusion maternelle
Penvins