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Séminaire sur la lettre volée - Jacques Lacan
par Amélie Averlan

Le premier principe de Lacan est de se servir de la nouvelle de Poe pour prouver sa théorie

A propos du

Séminaire sur La lettre volée

Jacques Lacan

 

Par Amélie Averlan

 

 

 

Le premier principe de Lacan est de se servir de la nouvelle de Poe pour prouver sa théorie. Lacan s’intéresse au symbolique(p.20). Selon lui, la symbolique est un passage nécessaire à la constitution du sujet. En terme freudien, le sujet, c’est l’unité constitutive du « Moi ». Lacan veut ainsi démontrer en suivant l’évolution d’un signifiant dans « La Lettre volée », pris ici comme symbole, que ce parcours est déterminant pour la constitution de l’histoire pour un sujet.

Lacan se place du point de vue de l’analyste, comme en témoigne la désignation de la première scène : « scène primitive »(p.21). La scène primitive ou scène du boudoir, est celle que Lacan assigne à l’inconscient du texte où la lettre est un signifiant en reste(p.22), c’est-à-dire qui reste symboliquement à être constitué.

Lacan va tenir à son tour le rôle du détective en essayant de réunir les indices textuels propres à tenir le lecteur en haleine, à éveiller son intérêt ou à lui procurer du plaisir. Dans la deuxième scène, dans le bureau du ministre, c’est l’unité de l’intersubjectivité(p.24) que Lacan fait apparaître à travers l’alliance inconsciente des regards, unité construite autour de la lettre tel un drame sans parole(p.26).

Lacan en vient alors à formuler l’hypothèse d’un second drame dont tout l’intérêt se trouve dans les propriétés du langage (p.27). Le drame premier se distingue du second dans la mesure où c’est sur le discours des personnages - discours et paroles pris comme symboles -, que Lacan focalise son attention.  La complexité du discours, puis les différents filtres ou subjectivités à travers lesquelles il nous parvient arrêtent l’analyste. Lacan s’arrête alors un instant sur la communication non verbale qui s’établit par exemple entre deux sujets par rapport à un objet, et sur la communion entre ces sujets, qui s’établit grâce à cette même relation à l’objet (p.28). Nous passons dès lors du registre de l’exactitude (qui est par exemple celui du mot  près), à celui de la vérité (qui est celui de la parole) (p.29). Ce dernier registre est de l’ordre du dialogue sur lequel se fonde l’intersubjectivité selon Lacan, et constitue un Autre en absolu.

La matérialité du signifiant est un point important mis en lumière par Lacan qui s’appuie sur le tour de carte du prétidigitateur-enfant, de même par Dupin qui « nous en met plein la vue » en se plaçant sous l’égide d’auteurs reconnus ou en endossant la redingote de scientifiques, et par extension par Poe lui-même qui nous voile et nous dévoile le secret de « La Lettre volée » en nous illusionnant (pp.30-32). Lacan souligne que la lettre n’a été trouvée nulle part, dans aucun lieu, et crée de fait un lien entre le lieu et la lettre. Odd, ce rapport est bizarre, singulier, et matérialise selon Lacan l’instance de la perte(p.33). Lacan fait état des différents sens du mot lettre après avoir porté attention à l’article employé devant ce mot. Il en vient à rappeler ensuite que par nature, le signifiant n’est symbole que d’une absence.

Le sens des paroles c’est-à-dire leur circulation,  et la matérialité de la lettre c’est-à-dire le texte même, sont marqués par un écart dans la mesure où dans le second cas, l’honneur d’une personne peut être remise en cause de fait. Lacan en vient alors à se poser la question du propriétaire légitime de la lettre : qui est-il ? l’émetteur, le récepteur ?(p.37) Quels en sont les propos ?

L’intérêt de cet état de faits est que la lettre de par la tenue de ses propos, peut mettre en danger. Lacan souligne que destinataire et récepteur sont liés par un pacte : dès lors, remarque-t-il, « la responsabilité de l’auteur passe au second rang auprès de celle qui la détient : car l’offense à la majesté vient à s’y doubler de la plus haute trahison. »(p.38). Lacan en vient à jouer lui aussi le rôle de l’illusionniste en contestant la traduction de Baudelaire, et en endossant, tels les personnages du récit, le rôle du philologue, pour nous en mettre lui aussi « plein la vue ».(p.39) : c’est bien le trajet de cette lettre ou de ce signifiant qui intéresse Lacan, et que la contestation même de la traduction met en lumière : Le titre choisi par Baudelaire ne sert pas la démonstration de l’analyste, qui préfère à « la lettre volée », la lettre « détournée », ou « en souffrance », signifiants qui contiennent en eux-mêmes la notion d’un trajet ou d’une durée.(p.41)

Lacan suit donc toujours le cheminement de l’analyste qui consiste à se servir du texte pour prouver que sa théorie, à savoir l’automatisme de répétition fondé sur l’évolution d’un signifiant symbolique.(pp41-56).

« …Un destin si funeste,

S’il n’est digne d’Astrée, est digne de Thyeste. »

 

Telle est la réponse du signifiant au-delà de toutes les significations, remarque Lacan, car ce que veut dire « la lettre volée » ou comme se plaît à la nommer Lacan, « la lettre en souffrance », c’est qu’une lettre arrive toujours à destination, ou que la lettre reste volée ou en souffrance, tel que le désigne le signifiant et sa trajectoire dans le conte : c’est-à-dire que la lettre, comme le signifiant pour le lecteur, reste en souffrance de sens tel un sens qui reste volé.

 

 

 

 

Amélie Averlan

09/2002

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