Pierre Assouline est né à Casablanca en 1953. Ecrivain et journaliste, il a publié plusieurs biographies et une quinzaine d’ouvrages.
Directeur de la rédaction de Lire, il est chargé de conférence pour le cours de lecture-écriture à l’Institut d’études politiques de Paris.
"LUTETIA"
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« Lutetia » (Editions Gallimard 2005), retenu dans les sélections pour le prix Goncourt, a obtenu le prix de la Maison de la presse 2005.
L’auteur, passionné par la deuxième guerre mondiale, s’est livré à des recherches approfondies pour réaliser ce récit original de la vie d’un grand hôtel parisien réquisitionné par les nazis durant l’occupation, et chargé ensuite à la Libération de l’accueil et de l’hébergement des déportés rescapés des camps de concentration.
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"On parle souvent du génie des lieux. J'ignore encore où i l se cache après une dizaine d'année passées à écouter leur respiration. Mais à force d'être dans la chair de l'Hôtel, j'en connais peut-être l'âme. Même s'il y a une certaine folie à être ainsi habité par l'endroit où l'on vit." |
Pour relier les trois parties de son récit, la vie de l’hôtel Lutetia avant, pendant et après la guerre, Pierre Assouline a imaginé un observateur privilégié, Kiefer le détective de l’hôtel, chargé de la sécurité et de la surveillance des clients.
Cet ancien policier travaille méthodiquement et avec discernement. Il observe et rédige des fiches de renseignements. Son directeur lui reproche d’être trop porté à l’introspection.
Le lecteur découvre donc par son intermédiaire, au fil de multiples anecdotes, la vie quotidienne de cet établissement d’exception, qui accueille une riche clientèle aux lubies souvent extravagantes, souvent des habitués qui se lient plus ou moins avec le policier et qui réapparaîtront tout au long du récit.
Une des anecdotes relate le jeu d’un jeune garçon qui mélangeait dans les couloirs les chaussures des clients en attente d’être brossées; il fut pris sur le fait et l’incident, qui perturbait la vie tranquille de l’hôtel n’eut pas suite.
Un an après, les clients ayant été remplacés par les officiers allemands, Kiefer constate :
« En inspectant les étages un matin, je fus frappé par la vision d’une forêt de bottes, au garde-à-vous deux par deux devant les portes, attendant d’être lustrées. Le petit d’Estaces, le farceur solitaire qui croyait exister en semant la confusion dans les souliers de la clientèle, se serait ennuyé avec eux…».
Pierre Assouline s’est expliqué sur la conception de son livre : il a choisi l’hôtel Lutétia, seul palace de la rive gauche, parce qu’il est largement fréquenté par des clients français et que c’est le seul de tous les hôtels réquisitionnés par les allemands à avoir trouvé une rédemption à la Libération par l’accueil des déportés.
C’est un roman historique, pour les trois quarts des personnages, avec une trame romanesque pour le personnage central fictif, le détective de l’hôtel Edouard Kiefer, qui doit tout voir et tout savoir sans être vu…
L’écrivain a consulté les archives de l’hôtel et rencontré de nombreux anciens déportés pour recueillir leurs sentiments et leurs extraordinaires témoignages.
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L’occupation nazie et la collaboration seront pour le détective Kiefer l’occasion de répondre à une question qui l’obsède : jusqu’où peut-on aller sans trahir sa conscience ? Il aime l’Allemagne mais hait les nazis; il finira par vaincre ses réticences et ses peurs et donnera des renseignements à la résistance.
La troisième partie du récit, sur l’accueil des déportés, est particulièrement émouvante, avec les joies et très souvent les déceptions des familles qui attendent tous les jours à la porte de l’hôtel.
Les sentiments contrastés de certains « rapatriés » sont analysés avec justesse et mélancolie par l’attachant détective Kiefer qui médite en été 1945, sur sa solitude et la folle histoire qu’il a vécue.
Pierre Assouline a su avec talent et émotion raconter l’occupation de Paris vue du mythique Lutétia.
D.G.