Un homme, Philip Roth
Gallimard, 2007 (Traduit de laméricain par Josée Kamoun)
Cette autobiographie déguisée à la mélancolie douce-amère commence là où tout redevient poussière: au bord dune tombe «dun cimetière délabré». Quelques personnes assistent à lenterrement dun homme ordinaire, dont Philip Roth retrace ensuite le parcours de vie. Si lon excepte des hauts et des bas amoureux (trois divorces), le destin de ce fils de bijoutier juif, devenu publicitaire par défaut puis peintre à sa retraite, a tout ce quil y a de plus banal.
Lauteur américain utilise comme fil conducteur les séjours à lhôpital de son héros, qui se multiplient lâge avançant. Le lecteur est transbahuté dans un univers déprimant de stents, de défibrillateurs et de stimulateurs cardiaques qui, peu à peu, sinsèrent dans le corps déclinant de lhomme anonyme. La force de ce texte, cest de montrer la vitesse impressionnante à laquelle se produit la déchéance humaine. Dans le cas précis, les illusions de lhomme seffondrent en quelques mois. «Il lui faudrait boire jusquà la lie le calice de ses jours sans but, jours sans but et nuits incertaines, témoin de sa dégradation physique irréversible, en proie à une tristesse incurable, dans lattente, lattente de celui qui na rien à attendre». Les événements senchaînent à une vitesse que lon ne peut imaginer lorsque lon est bien portant: perte du pouvoir de séduction, limitation de la mobilité, décès des amis proches, isolement, dernier passage sur la table dopération puis mise en bière de ce qui deviendra rapidement un vulgaire tas dos. A la fois émouvantes et pathétiques, les obsèques de lhomme auront lieu dans une quasi indifférence. Y prendront part quelques anciens collègues publicitaires, sa fille aimante (Nancy), une de ses ex-femmes et deux fils qui le détestent. Tous durent convenir lors de «cet enterrement ni plus ni moins intéressant que les autres» que «le plus déchirant, cest ce qui est commun, le plus accablant, cest le fait de constater une fois encore la réalité écrasante de la mort».
Un homme est à la fois un fataliste chant funèbre et une impitoyable méditation sur les aspects dérisoires de la condition humaine. Cet homme, ce peut être Philip Roth ou nimporte qui dautre (doù le titre original Everyman). Dans un premier temps, on sennuie ferme en constatant la platitude de ce destin. Mais au final, cest bel et bien cette absence dintensité et la lucidité qui parcourt le texte qui permettent de se rendre compte que la mort est finalement une étape aussi banale que lexistence.
Florent Cosandey, 18 mars 2009