samedi 12 février 2011 par Pikkendorff
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“Quelque part, au milieu de la vie, il arrive un moment où il faut, à qui est un homme, prendre en main son destin.”
Josef Jedlika (1927 1990), exclu de l’Université en 49 pour avoir critiqué la cité idéale et libératrice des peuples (“La solidarité de la classe ouvrière ? Pauvre petit ! ”) établie par le Parti Communiste Tchèque avec sa vision démocratique habituelle en 1958, écrit de 1954 à 1957 un témoignage de sa vie à Litvinov. Après le toilettage de la censure des bienpensants, le succès fut au rendez-vous de sa première édition à Prague en 1966. Le poète cultivé et autodidacte quitta son pays lors de l’entrée libératrice et militaire des forces de Paix socialistes et démocratiques soviétiques à Prague en 1968.
“Mais qui aujourd’hui sera juge ? A qui la faute si nous nous renions tous les uns les autres, de qui le mauvais sort qui nous fait, attablés devant une bière, lire comme des sourds, sur les lèvres l’un de l’autre, les mots perdus de fraternité et de solidarité ?”
Habitués que nous sommes au story telling, la forme élégiaque de cette œuvre n’est pas d’un abord facile et pourtant, si le lecteur s’oublie, s’il lit à haute voix la très belle traduction de Erika Abrams alors l’univers de ce poète s’ouvrira à son intelligence. Grâce à une postface, qui à elle seule vaut le détour, Erika Abrams donne au lecteur français les clefs de la poésie élégiaque illuminant Litvinov à 60 ans et 1 000 km de notre contemporanéité.
“C’est nous même qui avons tramé notre destin dans un rêve messianique, suicidaire, des lendemains des travailleurs.”
“Oui, ma poétique est une poétique de policier ; je recueille des faits ; je n’écris pas un livre, je rends témoignage. JE dis que c’est vrai, que c’est bien ainsi que cela s’est passé, je le dis maintenant, ici, où notre vie est au milieu de son chemin, frissonnant dans la fraicheur du même vent de minuit qui sifflait aux oreilles de Dante, lorsqu’il se retrouva seul au sein de l’obscurité et du brouillard.”
Le titre de l’œuvre est inspirée du poème éponyme de Dante Alighieri écrit durant son exil à l’âge de 35 ans entre 1304 et 1321 : “Au milieu du chemin de notre vie/ Je me retrouvai dans une forêt obscure/ Car la voie droite était perdue”.
Témoignage de la vie à cent kilomètres de Prague à Litvinov. Ville paysanne sous le joug allemand devenue une cité industrielle sous Staline où les ouvriers prirent leurs quartiers dans le camp d’internement allemand qui a vu tant de d’hommes détruits ; l’évolution d’un régime politique, de la vie quotidienne, de la consommation, des grandes et petits espoirs.
“La révolution, quant à elle, a voilé ses nudités, elle engraisse et passe des soirées entières devant sa télé.”
Ce cri de liberté des peuples enchaînés aura mis 60 ans pour faire les 1 000 kilomètres le séparant des lecteurs francophones. Le petit monde littéraire français y aura perdu son honneur. Chapeau bas aux Editions Noir sur Blanc et que chacun s’attache à faire connaître Josef Jedlika.
“Je n’ai pas écrit ce livre en vain. Que me voulez-vous ? Qu’ais-je à faire de vous et de votre littérature ? Je ne vous comprends pas et je n’ai rien de commun avec vous. Rien à part le destin. Et je vous ai prédit l’avenir.”
1966 traduction en français en 2011 pour les Editions Noir sur Blanc à Lausanne par Erika Abrams
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