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Lettres à Nathanaël. Une invitation à l’analyse - Liliane Fainsilber
dimanche 20 mars 2011 par Calciolari

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Liliane Fainsilber

Éloge de l’hystérie masculine. Sa fonction secrète dans les renaissances de la psychanalyse, 1996

La place des femmes dans la psychanalyse, 1999

Lettres à Nathanaël. Une invitation à l’analyse, 2005


En lisant comme un seul livre ces trois ouvrages de la psychanalyste Liliane Fainsilber, publiées chez L’Harmattan, Paris, nous avons commencé par l’invitation à l’analyse comme amuse-bouche, puis avec l’éloge de l’hystérie comme hors-d’œuvre, enfin avec la place des femmes comme plat de résistance. La digestion intellectuelle qui peut suivre au « manger » du livre, proposé par Gérard Haddad, aura en tout cas une suite avec un autre repas de lecture lorsque nous achèterons, très bientôt à Paris, les deux derniers livres de l’auteure : le livre bleu de la psychanalyse et le livre rouge de la psychanalyse.


Avant d’ouvrir à nouveau les notes de lectures éparses dans des feuillets dans les pages des livres, pour un autre texte à venir, disons l’essentiel du questionnement et du foisonnement de questions qui émergent pour nous de cette approche.


Liliane Fainsilber appelle son interlocuteur inconnu Nathanaël, comme celui de Gide dans Les nourritures terrestres. Et la question pour nous est bien d’entendre si les nourritures psychanalytiques sont terrestres, ou sont le reflet céleste d’une nourriture divine dispensée par le maître idéal Jacques Lacan.


Il semblerait, en lisant mot à mot les lettres de Liliane Fainsilber, c’est-à-dire en nous prenant pour un laps de temps pour l’interlocuteur inconnu, que la réponse soit du côté d’une dissolution de la théologie psychanalytique dans laquelle nous croyons presque tous, athées compris.


Les moyens de cette dissolution sont-ils en rapport avec ce que chaque psychanalyste découvre de son propre savoir inconscient ? Cette voie est attribué par Fainsilber à la remise sans cesse en question de la théorie analytique. Mais, est-ce que le savoir inconscient peut être « son » et encore plus « son propre » de quelqu’un ? L’inconscient n’est-il pas toujours impropre ? Jamais la propriété ni à la portée de quiconque ?


Quelles sont aujourd’hui les remises en question (incessantes) de la théorie analytique ? Certes, il y a quelque chose de la psychanalyse qui se transmet, mais de minimal, peut-être un certain rite, et aussi une lecture de textes.


La dissolution du symptôme est donné par Fainsilber avec la castration symbolique du père idéalisé et donc aussi du maître. Mais ceci maintient l’hypothèse du principe du phallus, dans sa signification et sa distribution des rôles et des identités sexuelles.


L’enjeu n’est pas de dissoudre le nom du nom, le nom du père, pour un accès à la vie sans plus de taxes à payer à l’inscription phallique.


L’enjeu de Liliane Fainsilber est celui de la guérison, dans le sens d’une dissolution du symptôme. La névrose, hystérie et névrose obsessionnelle, peut se dissiper en renonçant à une idéalité sexuelle qui voudrait by-passer le roc de l’analyse et en fait ne peut que confirmer ces fantasmes presque fondamentaux de l’envie du pénis et de la protestation virile.


Ceci reste depuis Freud l’inanalysable de l’analyse. Lacan, comme chacun sait, ne renonce pas au maniement du phallus, bien que son texte La signification du phallus puisse conduire à une autre lecture, à rapprocher au moins avec la distinction entre dénotation et connotation de Peirce, jusqu’à poursuivre la brèche ouverte par la lecture de Lacan du Sinn und Bedeutung de Frege. En bref, la Bedeutung est la connotation, c’est-à-dire le concept forgé par le domaine public, là où la dénotation est le Power of Mind, le pouvoir de l’esprit qui n’est pas une fonction humaine de toutom et de toutefam. C’est l’inconscient.


Pourquoi Liliane Fainsilber, comme Lacan, comme Freud, comme chaque psychanalyste, a-t-il tort tout en ayant raison ? C’est comme pour le symptôme : il est la méthode et il est le problème. La raison :, la seule chose qu’ont de vrai la plupart des humains, ce sont les symptômes. Et donc le symptôme c’est la voie, c’est la méthode, c’est la chute, le lapsus inaugural de l’autre vie, non plus la réalité en confection de la névrose (Freud).
Le tort : le symptôme, même après la guérison, revient. C’est, selon Lacan, un certain ordre rotatoire, qui a fini par le tracasser (le terme est de Lacan) toute la vie, en particulier sa dernière période topologique. L’algèbre des surfaces a raté la porte d’entrée de la psychanalyse (Lacan s’est questionné sur la porte d’entrée de Freud), bien que Lacan ne soit jamais sorti de la psychanalyse ; et nous lui devons la liberté de lecture qui pointe ce que nous écrivons.


C’est Lacan lui-même qui a ouvert la piste d’une distinction entre symptôme et sinthome. Entre représentation du symptôme et symptôme. Il faudrait dire que la guérison est l’instauration du symptôme comme méthode. Autrement il y a les voies sociales ouvertes à une partie de la société et fermés à l’autre. C’est le phallus dans toute sa splendeur et invisibilité.


D’ailleurs, dans les trois livres, Liliane Fainsilber ne parle jamais de la psychose, bien sûr parce que ceux que le « racisme psychiatrique » appelle psychotiques, aujourd’hui comme au temps de Freud, ne vont presque jamais en analyse. Ils sont récupérés par les structures publiques, par les institutions. Voilà, ce deux poids, deux mesures est le signe de la question phallique non analysée.


Donc, Liliane Fainsilber a raison parce que sauf de rares chercheurs (mais, par exemple, autant Freud que Lacan, autant Cantor que Gödel, avaient des questions de vie qui sont restées non-lues) tout le monde survit dans la presque vie. Disons-le clairement, les humains vivent dans une vie de substitution : le confirmerait aussi la lecture algébrique et géométrique de Lacan qui fait de l’objet de la pulsion, une variante algébrique prête à toutes les exécutions géométriques. Alors, chaque homme et chaque femme aurait au moins un soulagement dans la levée partielle de la représentation du symptôme, bien sûr, en faisant une analyse. En arrêtant de tourner en rond.


Ceci est déjà remarquable, puisque le symptôme serait toujours la piste à suivre pour se confronter avec la galaxie linguistique de la vie. Par contre les sciences cognitivo-comportamentales, bien qu’elles pèsent très lourd socialement face à la psychanalyse, sont complètement hors piste, avec tout le respect pour la Bedeutung.


Nous rencontrons dans le texte de Liliane Fainsilber la même question que celle de Pierre Legendre concernant l’institution bien que l’objet d’analyse en soit fort éloigné. L’obligation de maintenir le principe de l’interdiction de l’inceste et donc aussi le principe de la mise à mort du père de la horde primitive. C’est l’impasse freudienne du roc de l’analyse interminable : celui de la protestation virile pour les hommes et celui de l’envie du pénis pour les femmes.

Chez Legendre c’est la nécessité théorique de la hiérarchie, reflet d’un ordre céleste et donc la nécessité même de deux dieux, un majeur et un mineur, pour les prédestinés au bien et pour les prédestinés au mal. C’est « le rêve de tout expliquer » avec un principe unique, stigmatisé par Yeshayahou Leibowitz dans son livre dédié au problème psychophysique.

Chez Fainsilber cela comporte la logique du fantasme comme logique fondamentale et principe unique, en laissant les autres logiques (objet, relation, dimension, fonction, sensation) s’aplatir dans la même étoffe de la vie. Telle est la logique en dentelle. Dans le tissu il y a la trame verticale sans la trame horizontale, ce qui empêche de comprendre la toile de la vie, qui requiert soit la politique du faire soit les soubassements logiques.


Certes, la clinique du fantasme de Liliane Fainsilber porte un éclaircissement aigue sur la structure du discours hysterique et du discours obsessionnel, et la nécessité donc d’affronter le noyau hystérique de chaque névrose, mais l’ordre rotatoire qui a tracassé Lacan est le roc de l’analyse pas encore entamé justement par l’analyse, même celle de Liliane Fainsilber.


L’approche de Liliane Fainsilber est clinique, sans faire une distribution entre homme et femme. Bien que le titre d’un livre soit « La place des femmes » et non la question femme, ou l’énigme femme. Bien que la hiérarchie céleste et terrestre se pointe avec la question de se compter comme homme ou comme femme (dans le texte surtout « comme femme »).


Nous posons des questions à l’analyse et à certains textes analytiques, mathématiques, théologiques, philosophiques… Mais nous ne posons pas de questions aux personnes. Aussi pour des raisons techniques. Chacun peut entendre dans une autre tournure que celle qui vient d’une objection.


C’est-à-dire aussi que peut être très juste l’attention porté à un fantasme, qui en plus est négligé par les autres, analystes ou intellectuels. Les objections ne sont pas contre Fainsilber, contre Freud, contre Lacan, mais contre les résultats, l’écriture de leur expérience. Dans le sens que certaines choses peuvent s’écrire différemment, à partir de la leçon de Fainsilber, de Freud, de Lacan.


Voici un détail de notre autre lecture du phallus. Quelle est la substance du roc de l’analyse ? C’est la même que celle du phallus. La même du principe d’autorité. La même que pour le nom du père. Où git le phallus ? Entre les jambes du dieu supérieur. Nous ne parlons pas du cas du dieu inferieur. Donc, nulle part. Le dieu de la gnose est un phénix, une chimère. Et les humains font comme si les chimères existaient, depuis toujours. Mais peut-être que la psychanalyse n’est rien d’autre que ce qu’indique son nom : analyse de la psyché, qui n’est pas le pnéuma, le souffle, mais le « papillon ». Un animal de fantaisie comme le phénix, comme le sujet de Descartes.


En ce sens, la dissolution de cette croyance dans le sujet du totem et du tabou est le préambule à l’instauration d’un itinéraire de vie inédit. En revenant au cas de l’Homme aux loups, n’ayant jamais formulé un programme de vie, se pliant à la survie, il s’est plié aussi aux erreurs techniques de tous les psychanalystes qui se sont occupés, à partir de Freud, bien qu’il ait bâti quelque chose autour de ce cas.

Le psychanalyste et mathématicien Jean-Michel Vappereau dit qu’il faut deux pour faire un. C’est une structure, comme le lien énigmatique du corps à l’esprit. Il faut la terre et la carte afin que le un en jeu réponde de manière inédite. Ceci vaut pour nous aussi à propos des deux lectures du péché originel de la psychanalyse : celle donnée par Liliane Fainsilber et celle donnée par Gérard Haddad.


Fainsilber se penche sur la question de l’hystérie et Gérard Haddad sur la question de ce qui dans l’hébraïsme n’a pas été analysé par Freud. Fainsilber apporte des éclaircissement sur l’hystérie et Haddad nous pousse sur la piste du Midrash comme source de la technique freudienne. Ce sont deux aspects de la question intellectuelle, qui pour nous sont la même.


Ce texte est l’occasion aussi pour nous de préciser que nous n’écrivons presque pas de critiques, de notes de lecture, mais que chaque livre intervient dans notre voyage, entre dans notre bibliothèque, et que parfois nous sommes en condition d’écrire quelques lignes de notre expérience.



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