Ouvrage paru aux Editions Dunod en 1993
mercredi 1er juin 2011 par Françoise Urban-MenningerPour imprimer
En cette année 2011 où la France semble découvrir ou redécouvrir que le machisme fait partie d’un inconscient collectif et où la galanterie a souvent vite fait de basculer dans la gauloiserie la plus vulgaire, il est bon de revenir à la lecture du livre essentiel de Camille Aubaud qui redonne leur place à des femmes de lettres dont la plupart sont encore inconnues.
Camille Aubaud, universitaire, écrivain (qui signe ses oeuvres en ajoutant un e à Aubaud) restitue la parole aux écrivaines restées trop longtemps dans l’ombre.
Dans son avant-propos, l’auteure énonce d’emblée le problème de la création littéraire féminine qui est celui de "se heurter essentiellement à une imagerie sur les femmes". Et Camille Aubaud de relever la constatation de Marceline Desbordes-Valmore au milieu du XIXe siècle où l’on parlait déjà d’auteure : "Les femmes, je le sais, ne doivent pas écrire, j’écris pourtant".
Toutes ces femmes qui écrivent pourtant, Camille Aubaud nous les présente du Moyen-Age à nos jours dans un ouvrage érudit et passionnant qui redonne la voix aux femmes troubadours comme Béatrice de Die, Alamanda ou Lombarda...
On retrouve les noms de Perrette de Guillet et bien sûr de Louise Labé, de Marie de France et de Christine de Pisan mais aussi ceux de femmes aux oeuvres disparues qui furent mêlées de près aux recherches littéraires sur la Renaissance.
A-t-on retenu les noms de Clémence de Bourges, de Claudine et Sybille Scève aux côtés de ceux de Rabelais, Montaigne, Erasme...?
Et Camille Aubaud de rappeler plus loin la phrase de Mirabeau qui s’exclamait : "Sans les femmes, il n’y aurait pas eu de Révolution".
Et pourtant les plus célèbres d’entre elles, Olympe de Gouges et Jeanne-Marie Roland, ont fini sur l’échafaud...
Et Camille Aubaud de constater que la prolifération des mémoires et des correspondances féminines témoigne à n’en pas douter de "la difficulté des femmes à exister dans le domaine de la création". Et d’ajouter que cette différence des sexes affecte non seulement la carrière littéraire mais également "le rapport du savoir à l’écriture".
Autrement dit, les femmes sont prises dans le piège d’une imagerie qui les enferme dans une écriture qui reste à l’écart des grands courants littéraires masculins.
Et Camille Aubaud de citer tout au long de son ouvrage des chefs-d’oeuvre oubliés ou méconnus comme celui de Marguerite Audoux Marie-Claire publié en 1910 et couronné par le Fémina car le Goncourt, précise-t-elle, refusait de décerner son prix à une femme !
Dans son livre intelligent et passionné, Camille Aubaud aborde un sujet qui est toujours d’actualité. Le séminaire "Poésie au féminin" qui s’est déroulé dernièrement à l’Université de Clermont-Ferrand sous la houlette de Patricia Godi et auquel a participé Camille Aubaud, n’a eu d’autre finalité que de se demander en quoi le fait d’être une femme pouvait affecter la création littéraire. Le seul fait de poser cette question renvoie à une dualité ou à une altérité créatrice mais ne répond en rien aux revendications d’égalité ou de parité que l’on rencontre dans les domaines du travail ou de la politique.
Dans son avant-propos Camille Aubaud soulevait cette problématique en déclarant fort justement :" L’inégalité juridique et sociale produit l’inégalité littéraire". Aussi il n’est pas étonnant que perdurent de nos jours des étiquettes aux tonalités péjoratives telles que textes de femmes ou la fameuse littérature féminine, ce concept flou où les voix de Simone de Beauvoir, Virginia Woolf, Simone Weil, Christine de Pisan et de bien d’autres s’inscrivent dans ces Combats pour les femmes dont Louise Weiss fut aussi la porte-parole.
Françoise Urban-Menninger
Livres du même auteur
et autres lectures...
Copyright e-litterature.net
toute reproduction ne peut se faire sans l'autorisation de l'auteur de la Note ET lien avec Exigence: Littérature