Michel Houellebecq, Fayard
lundi 3 octobre 2005 par Alice GrangerPour imprimer
A propos de La possibilité d’une île, Michel HOUELLEBECQ
Editions Fayard.
Je prends position : ce roman de Michel Houellebecq est l’événement de cette rentrée littéraire.
Ce roman prend acte de la façon la plus désespérément espérante du fait que, dans l’espèce humaine comme dans toutes les espèces animales, « la survie individuelle ne comptait absolument pas », et que la valeur génétique d’un individu se résume au « nombre de descendants qu’il était au bout du compte en mesure de procréer », alors cet individu directement confronté à son vieillissement dès lors qu’il a procréé, confronté à sa mort annoncée, face aux jeunes, se met à résister pour vivre, se met à inventer une autre façon de vivre, qui commence par l’écriture d’un chaos, par l’écriture d’une inexorable destruction et d’un renoncement pour naître soi-même au lieu de s’effacer devant la génération suivante. « Vieillir, à aucun moment de l’histoire humaine, ne semble avoir été une partie de plaisir ». Et « c’est facile d’être optimiste quand on s’est contenté d’un chien, et qu’on n’a pas voulu d’enfants ».
Vieillissement rapide, mort, place aux jeunes et au principe de plaisir, ceux qui ont procréé sont rangés des voitures. Les femmes d’abord sont sensibles à cette réalité terrible. Isabelle dit à Daniel 1 : « Tu vas me laisser tomber pour une plus jeune... ». Ces plus jeunes étant elles-mêmes engagées dans une compétition narcissique féroce. Isabelle travaille dans un journal qui essaie de créer une humanité factice, frivole, qui ne sera « jamais plus accessible au sérieux ni à l’humour, qui vivra jusqu’à sa mort dans une quête de plus en plus désespérée du fun et du sexe ; une génération de kids définitifs. » Dans ce monde-là d’enfants définitifs, Daniel n’aura plus sa place. « Augmenter les désirs jusqu’à l’insoutenable tout en rendant leur réalisation de plus en plus inaccessible, tel était le principe unique sur lequel reposait la société occidentale. » Daniel l’artiste connu par ses sketches décapants de vérité, sait très bien qu’il ne peut survivre à ça. « J’imaginais les humiliations qu’il me faudrait subir pour séduire n’importe quelle adolescente...ses hésitations à me présenter ses copains, l’insouciance avec laquelle elle me laisserait tomber pour un garçon de son âge...Je n’avais nullement la prétention d’échapper aux lois naturelles...Et bien je paierai...quand j’aurai besoin de petits culs pour maintenir mon érection, je paierai... ». Houellebecq met en relief l’importance croissante de la pédophilie, du tourisme sexuel, et leurs raisons dans notre société.
Cependant, Isabelle fait remarquer à Daniel 1 que jusqu’à maintenant il ne s’est jamais résolu à payer, que bien sûr il va rencontrer une fille plus jeune qu’elle, mais il en tombera amoureux, ce sera une fille qui aurait pu être une amie, toujours cette espérance dans la désespérance, une fille pourrait peut-être elle-aussi introduire un petit écartement par rapport à l’inéluctable, ou la possibilité d’une île. Possibilité qui, dans le roman, jusqu’à la fin, reste invisible. Isabelle perd aux yeux de Daniel 1 son attrait érotique, d’autant plus que celle-ci abandonne son corps à l’inéluctable dégradation de sa valeur érotique. L’idéal de beauté plastique que notre monde a imposé et auquel elle ne pouvait plus, pour cause de vieillissement, accéder, était en train de la détruire. Pesait sur elle la féroce dictature des adolescentes. Seins, fesses, qui se dégradent. D’abord il faut éteindre la lumière, et puis la sexualité disparaît, et le corps de l’autre indispose vite, ses odeurs, ses bruits, ses mouvements. La disparition de la tendresse suit de près celle de l’érotisme. « Jeunesse, beauté, force : les critères de l’amour physique sont exactement les mêmes que ceux du nazisme. » Vérités impitoyables assénées par Houellebecq !
Alors, écrasés par le sentiment de leur propre insignifiance, sans doute face à cette hégémonie du jeunisme triomphant et « tout baigne », et cette vérité du vieillissement accéléré qui va avec et contre lequel ces futurs vieux pensent résister à s’identifiant eux-mêmes aux jeunes dans leur façon de vivre, de jouir, de consommer, « les gens se décident à faire des enfant. » Pour essayer, sans doute, de rattraper leur propre jeunesse en train de mourir. Les enfants leur annoncent leur mort, mais en même temps, ils sont le remède euthanasiant en douceur, ils endorment en proposant aux générations d’avant eux de s’identifier à eux tout en ne pouvant pas réussir bien sûr... Mais Daniel 1 avoue : « Il n’y avait pas seulement en moi ce dégoût légitime qui saisit tout homme normalement constitué à la vue d’un bébé ; il n’y avait pas seulement cette conviction bien ancrée que l’enfant est une sorte de nain vicieux, d’une cruauté innée, chez qui se retrouvent immédiatement les pires traits de l’espèce....Il y avait aussi, plus profondément, une horreur, une authentique horreur face à ce calvaire ininterrompu qu’est l’existence des hommes. » Horreur face à ce destin mortel, dont les hommes prennent conscience au moment même où la génération suivante, qu’ils viennent de procréer, arrive et leur signifie, avec une cruauté inouïe, leur mort annoncée. Tout le roman de Michel Houellebecq semble un effort infini pour tenter d’échapper à cette horreur, qui est peut-être en fin de compte une horreur de se retrouver dans un espace autre que le cocon matriciel, l’arrivée de la jeune génération pouvant aussi s’entendre comme la métaphore d’une naissance, comme la sensation d’être jeté dehors, et alors ce roman n’en finit pas de raconter cette mise dehors tandis que ceux qui sont mis dehors tentent de résister en vain par une fiction ! Inéluctable séparation, racontée dans ce livre comme un suicide, c’est-à-dire une acceptation, même à espérer la tendresse, l’altruisme, la possibilité d’une île, voire d’une amie, qui ne signifierait ni l’horreur surgissant avec la procréation annonceuse de mort ni l’addiction érotique si ancrée dans un jeunisme féroce rangeant si vite des voitures les corps .
Ce roman raconte comment Daniel, et d’autres humains, entreprennent d’échapper à cette mortalité annoncée, à cette insignifiance de l’individu devant la reproduction qui investit sur les jeunes et leur jouissance à promouvoir à l’infini, à cette perspective de la naissance en fin de compte, à ce changement d’état radical, en devenant des néo-humains, des immortels, dans la secte des Elohim, avec des Fondateurs, dont un Prophète, qui, dans le sillage d’une Sœur suprême théoricienne, préparent la possibilité d’une résurrection à partir de l’ADN conservé en chambre froide. Les Futurs seront immortels, auront la vie éternelle. Ces Fondateurs, avec ce Prophète qui comme tout père dans la horde primitive garde pour son usage personnel les jeunes fiancées tandis que les adeptes abandonnent peu à peu la sexualité, dans l’île de Lanzerote aux Canaries, attendent que le clonage à partir de l’ADN conservé soit devenu possible, tandis que l’humanité est par ailleurs arrivée à sa fin, à cause des catastrophes provoquées par leurs inconséquences, grand dessèchement dû à la pollution, aux explosions nucléaires, changements climatiques, fonte de banquise du pôle Nord qui immerge le continent asiatique, etc...Tandis que la secte élohimite à Lanzerote, où est allé Daniel 1 qui devient un néo-humain c’est-à-dire un immortel se disposant à envisager sa disparition humaine à partir du moment où son ADN a été conservé dans la chambre froide, attend que la technique réussisse le clonage des individus et qu’ainsi ceux-ci ne craignent plus de mourir bien au contraire, la terre a subi des ravages, est en ruines, et les humains ont apparemment disparus, sauf des sauvages à la cruauté innommable, qui éliminent les plus faibles en les tuant et les mangeant. Cette terre ravagée peut être lue comme la métaphore d’un placenta inexorablement impropre à une gestation éternisée de ses humains soumis au régime « tout baigne », d’un placenta décomposé, inhabitable.
Cette fiction du clonage, de la secte des Elohim, avec la Sœur suprême, les Fondateurs, le Prophète qui gardent les femmes désirables pour lui et habitue ainsi les adeptes à se passer de sexualité et à œuvrer pour l’entreprise commune, permet à Houellebecq d’écrire des vérités décapantes sur notre monde. Cette fiction du clonage met en lumière un autre rapport à la mort, comme une sorte de possibilité de se sevrer de la dictature nazie de cet amour physique ancré dans un jeunisme triomphant et leurs corps cruels pour les générations rangées des voitures par eux. Une sorte de repli dans la possibilité d’une île, dans de l’irrenonçable par-delà le renoncement. Même si ce vers écris en conclusion d’un poème écrit par Daniel 1 juste avant son suicide, et après le suicide d’Isabelle, et qui évoque la possibilité d’une île, ne se matérialise pas dans ce roman qui ne se conclut pas par un remède mais une absence de solution. On a l’impression que cette possibilité d’une île ne peut se trouver que comme une possibilité individuelle, et qu’aucune initiation ne peut la proposer. Et qu’il s’agit de mourir à une certaine façon de vivre. Il s’agit d’abord de se séparer. De ne plus être en état d’addiction. La fiction du clonage et des Elohim permet d’introduire le temps du détachement, de la séparation, du sevrage, qui s’écrit comme la ruine du monde des humains par des cataclysmes, tout ceci disparaît, plus rien n’est reconnaissable du monde d’avant, Daniel 25 le néo-humain successeur de Daniel 1 ne retrouve plus pareils les lieux connus, les paysages sont arides, les climats sont froids ou torrides, et tout cela dans ce roman est l’écriture d’une décomposition d’un monde désinvesti. La fiction est l’écriture d’un investissement pour autre chose, qui ne s’annonce qu’à travers les images d’un monde en ruines et une humanité disparue dont seuls des sauvages cruels restent encore. Esther, la femme qui n’aime pas l’amour, qui ne veut pas être amoureuse, et Isabelle qui n’aime pas la jouissance, incarnent la séparation, impriment l’abandon dans lequel elles laissent Daniel. Dans ce roman, c’est l’écriture de la coupure du cordon ombilical. « Ce sentiment d’attachement exclusif que je sentais en moi, qui allait me torturer de plus en plus jusqu’à m’anéantir, ne correspondait à rien pour elle, n’avait aucune justification, aucune raison d’être : nos chairs étaient distinctes, nous ne pouvions ressentir ni les mêmes souffrances ni les mêmes joies, nous étions de toute évidence des êtres séparés. » Esther « refusait ce sentiment d’exclusivité, de dépendance, et c’est toute sa génération qui le refusait avec elle. J’errais parmi eux comme une sorte de monstre préhistorique avec mes niaiseries romantiques, mes attachements, mes chaînes. Pour Esther, comme pour toutes les jeunes filles de sa génération, la sexualité n’était qu’un divertissement plaisant, guidé par la séduction et l’érotisme, qui n’impliquait aucun engagement sentimental particulier », et l’amour ne serait qu’une fiction inventée par les faibles pour culpabiliser les forts. Nous commençons à voir apparaître dans ce texte une autre sorte de femmes, dont la sexualité comme divertissement signifie qu’elles ne sont plus des métaphores du giron matriciel jamais détruit et toujours réintégrable comme si la naissance et la séparation radicale n’avaient jamais eu lieu. Ces deux femmes, au contraire, chacune de manière différente, l’une en se laissant se dégrader pour ne plus signifier d’attirance physique et l’autre n’étant pas sentimentalement attachante, imprime la vérité du giron détruit, elles mettent dehors le garçon, elles l’abandonnent à la vie, celle dont il ne sait rien, et à propos de laquelle il se demande s’il y a la possibilité d’une île, et il n’y a rien pour répondre à cette question d’une manière matricielle. Ces femmes résistent à l’attachement du garçon à elles qui en resterait à une métaphore maternelle, à une dépendance originaire, elles marquent que ceci n’est pas retrouvable par-delà la nostalgie. Daniel en ressent la douleur, le désespoir, mais rien ! Son suicide est l’acceptation de sa mort à un état antérieur. Se profile tout de même des figures féminines qui incarnent le détachement progressif imposé par elles au garçon, ce n’est pas seulement le garçon qui veut résister à cette mort que lui signifie la procréation tout en conservant pour lui le giron romantique, ce sont aussi les filles qui résistent à être ce giron réintégrable, et alors c’est la coupure irrémédiable qui s’imprime avec ce double abandon. Que la solitude. L’absence de contact entre les néo-humains, juste des communications virtuelles. Quelquefois, quelque chose d’intermédiaire, des photos. Les femmes avaient désormais la possibilité de faire comme les hommes. Elles étaient devenues fortes, indépendantes, libres, et ainsi elles minaient le fantasme masculin à propos de l’intérieur féminin réintégrable comme la matrice d’autrefois. « Le projet millénaire masculin, parfaitement exprimé de nos jours par les films pornographiques, consistant à ôter à la sexualité toute connotation affective pour la ramener dans le champ du divertissement pur, avait enfin, dans cette génération, trouvé à s’accomplir ». Les femmes elles-mêmes rendaient cela possible. « Ce qui avait été détruit ne pourrait se reformer » ! Le lieu matriciel avait été irrémédiablement détruit ! Et l’amour, aussi ! Ils étaient libres de cet amour-là ! De cet amour matriciel, retenant dedans ! Daniel, face à cet abandon, se met alors à errer dans des zones intérieures pénibles, confinées, dans des pièces sombres, il sait qu’il est entré dans la dernière ligne droite, celle de sa mort à un état antérieur, celle menant à la naissance, on pourrait dire, à quelque chose qui ne peut encore s’écrire, qui ne s’écrit pas dans ce roman, puisque c’est inconnu.
Par contraste avec cet abandon, avec ces femmes qui incarnent l’impossibilité qu’un homme par elles reviennent dans ce lieu d’un amour matriciel, qui imprime le caractère inéluctable de la mise dehors donc de l’expérience de cette mort dont l’autre face est la naissance dans un temps pas encore « écrivable », le désir maternel ne fait même plus rire : « Je ne parvenais plus non plus à rire de l’affreuse détresse des quinquagénaires celluliteuses au désir d’amour fou, incomblé ; ni de l’enfant handicapé qu’elles avaient réussi à procréer en violant à moitié un autiste (« David est mon rayon de soleil »). »
« L’importance incroyable que prenaient les enjeux sexuels chez les humains a de tout temps plongé leurs commentateurs néo-humains dans une stupéfaction horrifiée....il devenait de plus en plus difficile à dissimuler que les véritables buts des hommes, les seuls qu’ils auraient poursuivis spontanément s’ils en avaient conservé la possibilité, étaient exclusivement d’ordre sexuel. Pour nous, néo-humains, c’est là un véritable point d’achoppement. »
Mais le néo-humain Daniel 24 expérimente le temps de séparation. « Je mène une vie calme et sans joie ; la surface de la résidence autorise de courtes promenades, et un équipement complet me permet d’entretenir ma musculature... » Il est avec son chien, qui aime être pris entre ses bras, ils dorment ensemble. « La bonté, la compassion, la fidélité, l’altruisme demeurent donc près de nous comme des mystères impénétrables, cependant contenus dans l’espace limité de l’enveloppe corporelle d’un chien. »
Daniel 1 est un homme qui connaît la version usuelle de la vie, la société et les choses, « limitée aux motivations les plus courantes qui agitent la machine humaine ; ma vision était celle d’un observateur acerbe des faits de société, d’un balzacien medium light » .
Vincent, le fils que le Prophète abandonna tout le temps qu’il fut petit, et qui succéda à son père à la tête de la secte des Elohim, fait visiter à Daniel 1 son atelier souterrain. « ..l’artiste ne se contente plus de proposer une vision du monde, il cherche à créer son propre monde ; il est très exactement le rival de Dieu. Je suis Dieu dans mon sous-sol. J’ai choisi de créer un petit monde, facile, où l’on ne rencontre que le bonheur. Je suis parfaitement conscient de l’aspect régressif de mon travail ; je sais qu’on peut me comparer à l’attitude de ces adolescents qui au lieu d’affronter les problèmes de l’adolescence se plongent dans leur collection de timbres...j’ai tout de suite compris qu’elle me considérait comme un petit enfant infirme et très malade. Elle avait raison : je suis un tout petit enfant infirme, et très malade, et qui ne peut pas vivre. Je ne peux pas assumer la brutalité du monde. » Peur devant la perspective de la séparation et de la naissance. Tout un côté régressif par peur de l’inconnu, de la vie après. Un roman qui insiste sur la ruine, celle des paysages, des lieux, des climats, des sentiments, des jouissances, de l’érotisme, sur l’horreur du vieillissement, du temps, sur une sorte de décomposition générale , sur une absence de solution, tout ceci s’imposant au fur et à mesure que la fiction de la secte élohimite s’avère ne pas apporter de solution par la fuite dans la promesse de la vie éternelle et l’espoir de l’avènement des Futurs par clonage.
Mépronizine, Atarax, Morphine, Rohypnol, bien sûr la pharmacopée des psychotropes et des analgésiques a sa place dans ce roman qui aborde cette cruauté originaire, qui, par-delà celle du monde des humains, est plutôt celle de la séparation d’avec un lieu matriciel que plus aucune femme ne veut incarner comme un lieu immortel. La dévastation qui court à travers ce roman n’en finit pas d’écrire ce lieu comme décomposé, comme absence d’amour. Alors, la possibilité d’une île ne s’ouvrirait-elle pas par l’impossibilité de ce retour, de cette inversion de la naissance ? Ce texte semble n’en plus finir de nous dire que la possibilité de ne pas connaître cette mort-là, cette séparation originaire, n’existe pas. A la fin, la coupure. L’absence de solution. Et peut-être la possibilité d’une île exige-t-elle la séparation originaire, le sevrage radical ? Comme le dit Dante, pour retrouver la suavité du parfum il ne faut plus jamais retomber sur la panthère, la panthère parfumée est comme un placenta décomposé.
« Avant toute tristesse, avant tout chagrin ou tout manque nettement définissable, il y a autre chose, qui pourrait s’appeler la terreur pure de l’espace. » L’espace nouveau qui s’ouvre, celui de la naissance. « Je ne sens plus de haine en moi, plus rien à quoi m’accrocher, plus de repère ni d’indice ; la peur est là, vérité de toutes choses...Il n’y a plus de monde réel, de monde senti, de monde humain, je suis sorti du temps, je n’ai plus de passé, ni d’avenir, je n’ai plus de tristesse ni de projet, de nostalgie, d’abandon ni d’espérance ; il n’y a plus que la peur. » Cette peur infinie devant l’imminence de l’abandon au dehors. « L’espace vient, s’approche et cherche à me dévorer. » Description précise d’une naissance, avec l’espace extérieur qui happe, comme une dévoration, mais Daniel le voit encore peuplé de fantômes qui l’entourent et qui se nourrissent des yeux crevés des hommes.
Et voilà ce qu’est ce texte, en fin de compte : « Mon premier amour infirmé, / Il a fallu que tu reviennes....Entré en dépendance entière, / Je sais le tremblement de l’être / L’hésitation à disparaître, / Le soleil qui frappe en lisière / Et l’amour, où tout est facile, / Où tout est donné dans l’instant ; / Il existe au milieu du temps / La possibilité d’une île. ». Ecriture de ce qui reste irrenonçable dans le renoncement lui-même.
Alice Granger Guitard
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Messages
1. La possibilité d’une île, 20 novembre 2005, 03:04, par henri gabrysz
il manque quelque chose de capital à votre analyse. Je réagis un peu tardivement, ne fais que débuter dans la lecture de La Possibilité, et je trouve que vous n’avez pas tout à fait bien lu, puisque que vous négligez le thème central, si ce n’est le sujet principal du bouquin : l’extermination pure et simple de l’espèce humaine.
Dès Extension, on retrouve ce thème de meurtre (le désir de tuer le beau couple de la discothèque)... dans les Particules c’est très clair.... Ici c’est encore plus clair... dès le début du roman, on « voit » un des Daniel abattre des humains qui s’approchent de la clôture.
Je ne sais plus quoi penser mais c’est un malaise qu’on doit éprouver et non de l’admiration devant ce roman
Mein Kampf à côté, c’était faible... mais MH poursuit sans doute la même trajectoire, ... celle qui demande l’extermination d’une espèce (race) pour l’avènement du surhomme (du post-homme)
1. La possibilité d’une île, 7 décembre 2005, 18:07
Etes-vous certain que Houellebecq decrit la fin de l’humanité comme un bien face à l’avènement des Néo-Humains ou des Futurs ?
Ce roman, surtout sa fin, me laisse penser que Houellebecq a voulu décrire une fin absolue, où il ne reste que des Surhommes inutiles. Leur quête est vouée à l’échec. A quoi bon vivre dans ce futur ?
L’être humain s’est depuis longtemps émancipé du reigne animal. Il s’est auto-proclamé maître absolu de la planète. Or, que reste-t-il de l’instinct primitif de survie ? Il se traduit par les pires cruautés dont l’homme est capable.
Au fond, ce que j’en retire, c’est que Houellebecq nous décrit ici une vision hyper-pessimiste de l’atheisme materialiste, comme Lovecraft l’avait fait dans son temps. Après tout, Lovecraft nous disait bien que l’apparition de l’espèce humaine n’était qu’une très vieille erreur des Grands Anciens. ;)
2. La possibilité d’une île, 22 juin 2006, 02:27, par philippe BAZATOLE
J’ai bien aimé aussi.
Je pense que c’est le meilleur houellebecq, (à part son recueil de poésie) les themes sont plus creusés, aboutis.
Je suis par contre un peu décu par le daniel du futur, MH ne crée pas un environnement rigolo à son heros, et surtout il n’y en a qu’un, qu’a une époque, j’aurais bien aimé en rencontrer une dizaine, avec un peu plus d’épaisseur. Les futurs sont infinis, il suffit d’y croire, et pour un écrivain déterministe comme MH, l’effort est insurmontable.
Autrement j’aaaaaaaaaaaai rien compris à votre article, faudrait que je passe une licence de lettre.