dimanche 22 janvier 2006 par Marie-Noëlle Agniau
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A propos de Marcel ZANG
Chaque mot compte. Chaque
geste et intonations de voix importent. Douleur de l'exil. Pas de frontière.
Pas de début ni de fin. Dire quand même. Le désir seul d'une langue dicible,
affranchie, vivante. Paisible contre elle-même parce que travaillée, occupée,
préoccupée de l'intérieur, de l'extérieur, par son propre pouvoir de
domination. Langue expulsée d'elle-même. Qui peut entendre cela ? La langue du
poète et de l'écrivain Marcel Zang part en quête d'elle-même. Intégrité.
Comment dire l'intégrité d'une langue double, noire et blanche ? Comment dire
l'intégrité d'une langue qui opère dans ses structures infimes un travail de
sape contre soi-même ?! Voilà l'écriture.
Il n'y a que des marges. Des
côtés qui s'affrontent et s'échappent. Oreille sourde/ exil incommensurable.
Toute ligne posant les différences doit être dépassée, repoussée, déformée. En
quête de nouvelles formes. Comment dire alors le commencement de ce qui est -
quand la paix et la guerre se confondent en un même être, qui devient autre à
lui-même, asservi, étranger ? Comment dire cet étrange folie, propre à soi et
dont l'identité est malmenée, niée par la langue elle-même - française -
dominante et pourtant devenue à soi ?! Langue que l'on possède. Langue que l'on
est. La ligne se rompt constamment.
Question de l'exilé. Il faut
dire, question de poète qui ne sait plus dans sa langue reconnaître sa douleur
même. Aveugle. Innommable. Bête traquée. Au plus près, le corps a ses humeurs.
Urine. Merde. Sang. Sueur. Salive. Poussière. Larmes.
Comment dire l'indésirable
(du) corps ?
Ecrire fait comparaître
cette langue.
Comment dire ? Comment faire
et comment être ?! Une seule et même question. Debout et précise. Rappeler la
mémoire. Le beau pays devenu ce qu'il est, mort et souffrances. Aimer les rires
au soleil, les putains de Paramaribo. Faire rappel de la vie. La désirer
instamment. Considérer la pauvreté et le moins que rien d'un cheveu. Rencontre
de vie. Le désir encore. Quel est ce JE qui parle et persiste à ouvrir la
bouche ?! Ne pas se taire. Tenir son corps. Faire face. Opposer sa présence
irréductible. Homme.
Moi ? Est-ce l'autre en moi
? Est-ce de l'autre en moi ?! Le petit blanc ? Ou le grand noir ? Qui parle et
qui aime ?! Comment assumer sa voix d'être quand elle sonne avec la langue de
l'AUTRE ?! D'où parle le poète et l'écrivain Marcel Zang - peut-être de cet
indéfectible altérité en soi. Mais la langue est l'obstacle: langue blanche,
langue réductrice, langue onaniste, langue dépouillante dans sa volonté de
pouvoir, langue morte qui enlève la peau. Mais la langue fut apprise. (= se
soumettre à elle) Mais la langue apprise et soumise est aussi l'organe. Elle
rend possible le désir d'unité comme désir de parole et de transcendance. Dans
la langue - aller au-delà d'elle. Retrouver la langue noire. Nommer. Rappeler.
Dire. Boire le soleil. Représenter. Assumer. Dénoncer - faire et rendre
présent. Douleur exil mort souffrance. Langue qui voit qui a vu et qui donne à
voir. Malgré l'horreur et la folie des langues/pouvoir - une écoute demeure
possible. Langue noire/langue blanche. Lien inextricable. Elles ne sont
pourtant pas équivalentes dans ce seul et même être. Rencontre impossible qui
n'empêche pas la langue de dire au moins cette impossibilité. L'une s'échappe
de l'autre qui veut la désintégrer. L'autre permet de dire cette échappée. De
désigner sans cesse le désastre dont elle procède, infiniment.
L'indésirable
corps en soi.
Aussi dans ce face contre
rien, le poème est de tout côté, le désirable.
Marie-Noëlle Agniau
poète et écrivain
(L'Indicible frontière,
revue)
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