mercredi 5 avril 2006 par Yvette Reynaud-Kherlakian
Pour imprimer
Le film La Chute d’Olivier Hirschenberg et l’interprétation que donne d’Hitler l’acteur zurichois Bruno Ganz a suscité des polémiques qui s’expliquent mais ne se justifient pas.
Elles s’expliquent par la persistance émotionnelle chez les victimes -ou enfants de victimes- des images du génocide juif. Il faudrait pourtant bien arriver, si douloureuses que soient encore les réminiscences du passé, à aborder tout ce qui touche à ce génocide avec une pleine liberté d’esprit. Pour qu’Hitler soit odieux sans équivoque, est-il nécessaire d’ajouter le sadisme au quotidien à ses crimes politiques ? On sait bien que plus d’un, parmi les tortionnaires des camps de la mort, a pu avoir une vie familiale sans reproche. C’est une juive, Hannah Arendt (laquelle prétendait bien penser universellement et non en tant que juive), qui a mis en évidence, dans sa réflexion sur le procès Eichman, la banalité du Mal. Ce qui ne rend pas le Mal excusable mais centre l’attention sur la vigilance intellectuelle et morale nécessaire au jugement sur le Mal, à la lutte contre le Mal -en soi et autour de soi. L’indignation vertueuse qui diabolise le méchant est une façon d’évacuer le Mal, d’en faire une aberration monstrueuse alors qu’il est bien « la preuve répugnante de notre libre-arbitre ».
La chute n’est sans doute pas un chef-d’œuvre, hésitant qu’il est entre horreur et dérision. C’est la composition que fait Bruno Ganz du personnage d’Hitler qui assure l’unité et la densité du film. A partir de données historiques scrupuleusement respectées- il donne à voir la désarticulation et les spasmes d’un tyran sans scrupules et sans grandeur, réduit à l’horreur de son propre vide. Pitoyable, Hitler ? Répugnant ? Pourquoi pas ? Hitler, justement parce qu’il reste un homme est pleinement odieux.
toute reproduction ne peut se faire sans l'autorisation de l'auteur de la Note ET lien avec Exigence: Littérature