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lundi 7 août 2006 par Florent CosandeyPour imprimer
Andorra, Max Frisch
Dans Andorra, l’écrivain suisse alémanique Max
Frisch met en lumière les mécanismes sournois de l’antisémitisme, ainsi que la
lâcheté et les compromissions de ceux qui l’attisent et le propagent. Cette
pièce de théâtre en douze tableaux décortique notamment de façon crue le besoin
qu’éprouvent les «petites gens» de désigner des boucs émissaires, lesquels
deviennent des victimes expiatoires en des temps agités.
Andorra est un petit pays imaginaire qui
attend avec angoisse l’invasion des Casaques Noires, les redoutables soldats de
la dictature voisine. Jusqu’ici, il s’agissait d’un îlot de tranquillité, autoproclamé
pur et «vierge de toute culpabilité» par
ses habitants. Les façades de leurs maisons ne sont-elles pas blanches comme
neige? Ne tolèrent-ils pas chez eux la présence d’un Juif, preuve qu’ils ne
sont pas comme les «barbares» d’à côté? Ce Juif, c’est Andri, un jeune homme que
le maître d’école aurait, selon la version officielle, courageusement enlevé
des griffes du pays des Casaques Noires. Quel acte magnifique, se gargarise la
population d’Andorra! Enfin, jusqu’au moment où la menace d’invasion se précise…
Là, la populace se dit qu’il vaudrait peut-être mieux se débarrasser de cet
encombrant réfugié, pour ménager la susceptibilité des nations voisines, qui
exècrent le peuple juif.
Seul le père adoptif d’Andri sent que le venin de
l’antisémitisme s’insinue doucement mais inexorablement au sein de la
population; le menuisier ne veut pas d’Andri comme apprenti, le soldat lui cherche
continuellement noise, le médecin rechigne à le soigner, l’aubergiste à le
servir. Un gibet est dressé au milieu de la place. La population ferme les
yeux. Le drame paraît désormais inéluctable.
L’affaire se corse le jour où le maître d’école dévoile
la terrible vérité: Andri n’est pas juif mais le fruit d’une relation extraconjugale
qu’il eut jadis avec une femme du pays des Casaques Noires. L’enseignant, n’ayant
pas eu le courage d’assumer sa liaison impure, inventa de toute pièce la belle
histoire du Juif sauvé d’une mort certaine. Or, il est malheureusement trop tard
pour arrêter les loups. Andri, à force de subir la vindicte populaire, a totalement
intériorisé les caractéristiques indûment prêtées au peuple juif. Il endosse fermement
une identité qui n’est en fait pas la sienne et cette «sur appropriation» lui
sera fatale le jour où sa terre d’adoption est envahie par les troupes
ennemies. Dignement, il décide alors de se livrer à la soldatesque noire, écoeuré
par l’attitude hostile de ceux qui désignaient Andorra comme un haut lieu de
paix, de liberté et des Droits de l’Homme.
La force de cette pièce, c’est également de montrer
l’absence de mauvaise conscience des Andorriens une fois le sang versé: appelés
à la barre d’un procès les uns après les autres, les témoins et les protagonistes
du crime relèvent méthodiquement et unanimement la responsabilité de la victime
quant à son tragique sort. «Ce n’est pas
de ma faute si les choses ont tourné de cette façon», clame l’aubergiste, «Je ne suis pas pour les massacres. Moi aussi j’ai sauvé des juifs, bien que je ne puisse pas les sentir. Et qu’est-ce qu’on a comme récompense? Rien ne les changera jamais.», renchérit le
docteur. Le plus franc est finalement le grossier et brutal soldat: «Je reconnais: je ne pouvais pas le sentir.
Est-ce que je pouvais savoir que c’en était pas un, tout le monde a toujours
dit que c’en était un, et puis d’ailleurs, je continue à croire que c’en était
un tout de même. Depuis le début je n’ai jamais pu le sentir, mais c’est pas
moi qui l’ai tué. J’ai simplement fait mon service. La consigne, c’est la
consigne. Où est-ce qu’on irait, si les ordres n’étaient pas exécutés? Moi,
j’étais militaire.»
Si Andorra constitue
une démonstration implacable des mécanismes de l’exclusion et du racisme, il
n’en demeure pas moins un formidable appel à la résistance et au refus de
l’obéissance aveugle.
Florent Cosandey, 5 août 2006
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Messages
1. Andorra, Max Frisch, 23 juin 2008, 21:31, par Catherine
Merci beaucoup pour cette article. J’avais juste besoin de me remettre le livre en mémoire avant l’examen et en le lisant tout m’est revenue ! Il décrit parfaitement les thèmes de la pièce et la problématique abordés. Article très intéressant et utile surtout. Encore merci.
2. Andorra, Max Frisch, 2 juin 2009, 14:10, par Beghdadi
Bonjour
Ce qui m’étonne dans ce monde il y’a eu plusieurs injustices, les génocides les guerres… tout le monde a souffert …A vous entendre marteler tous les jours et à tous les fronts, seul le peuple juif qui a souffert et seul le peuple juif a droit à la compassion…c’est vrai qu’il a souffert …et les autres les africains (la misère les maladies etc..) …les asiatiques et leurs maux… les palestiniens qui subissent jusqu’à ce jour 02 juin 2009 la pratique les plus atroces de ces mêmes juifs qui soit disant ont appris la leçon… soyez justes il n’est pas loin ce jour où nous rendrons tous compte à Dieu…
3. Andorra, Max Frisch, 9 juin 2009, 21:37, par Valérian
Merci ! J’avais juste aussi besoin d’un petit rappel avant mon exa... bref et précis !