lundi 4 septembre 2006 par penvins
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Si l’un de vous trouve le prénom de ce frère qu’il me le dise, je ne me souviens pas de l’avoir lu de sorte que ce peut être vous, moi, l’auteur... On va dire bien sûr que j’extrapole si j’y ajoute Ismaël puisque l’auteur en parle à la presse comme d’une histoire autobiographique et pourtant ! Le frère jamais nommé est juif bien sûr, c’est un Beskonetchny, mais il vit dans un quartier où trône une mosquée avec une femme arabe, de là à en conclure que cette Fraternité qui provoque tant de haine est à l’image de celle d’Israël et de la Palestine, il y a un pas que je franchis.
Qu’est-ce qui se joue dans cette fraternité, dans cette haine/amour de celui qui est à la fois différent et tellement semblable qu’il est un peu vous-même ? Le schéma est classique, d’un père qui a fui les beaux quartiers pour s’opposer au sien et qui est devenu militant de gauche jusqu’à la caricature, sont issus deux fils, le narrateur Francis qui hait ce misérabilisme et son frère qui essaie d’imiter le père. Ainsi se construisent les familles. On pourrait ajouter ainsi se construisent les nations puisqu’il faut bien sûr voir dans ce roman une image de la France comme la quatrième de couverture nous y exhorte. Mais les quatrièmes de couverture on sait ce qu’il faut en penser, elles sont là pour appâter le chaland et le lancer sur une piste qui est supposé l’intéresser, alors en cette année électorale ! C’est vrai que ce roman c’est aussi le roman d’une pensée de droite contre une pensée de gauche, ce n’est pas pour autant qu’il faut tout lire au premier degré. J’ai lu quelque part une réaction de lecteur s’offusquant de cette haine droitière. Avait-il bien lu le roman, ne s’était-il pas laissé abusé par les propos de l’auteur devant les micros ? Un roman c’est toujours beaucoup plus riche que ce que l’auteur en dit. Quelque fois - souvent - l’auteur n’a pas pleine conscience de ce qu’il a écrit.
En tout cas Marc Weitzmann a bien conscience des limites d’une pensée monolithique, cette haine du "stalinisme" - pour faire court - le conduit à une soif de réussite dont il est devenu la victime.
On parlera sans doute du style de Weitzmann, un style toujours à cheval entre la première et la troisième personne, voire la seconde donne du héros une image complexe dont on ne sait si elle révèle l’ambiguïté du personnage ou on contraire si elle permet à l’auteur d’adoucir une prise de position très affirmée et même franchement outrancière.
C’est peut-être là que se situe le paradoxe de ce livre, alors que l’on croit lire un dialogue entre Francis et son frère, un dialogue juif/arabe dans lequel Francis reconnaît l’arrogance juive notamment à travers les personnages de Shura son oncle affairiste et de Maury l’éditeur qui lui a fait commettre un livre de vulgarisation scientifique dont il n’est pas fier, les dernières pages du roman si on les lit attentivement dévoilent le propos intime de Weitzmann. Ce qui est en jeu ici c’est la possibilité d’échapper au père. On pourra bien sûr élever cette fable au rang symbolique, dire que le père c’est aussi le peuple, la culture... mais c’est bien du père qu’il s’agit et Francis est celui, à l’opposé de son frère, à l’opposé des français de gauche ne cesse-t-il de dire, qui a résolu de ne pas se laisser avoir par la fatalité fut-elle génétique. Weismann le dit : le fusil du père n’était pas chargé, c’est même la dernière phrase du livre comme s’il ne s’agissait au fond que de prouver cela. Alors Francis repartira à New York retrouver Elisabeth qui travaille au Comité des maladies génétiques juives, Dor Yeshorim, et avec elle pourra se débarrasser du passé encombrant pour "produire la première population juive génétiquement saine de l’histoire." Francis (ou Marc Weitzmann ?) de commenter : "Quoi de plus américain. Voilà des gens qui savent vivre. Des gens organisés, qui prennent les choses en main."
Et l’on entend comme entre les lignes, ceux-là n’ont pas peur de notre histoire, ne sont pas arrêtés par les tabous nés de la folie nazie et en même temps ceux-là qui sont des juifs ashkénazes se consacrent à la recherche et n’ont pas la frivolité et l’amour de l’argent qu’avait Caroline sa première femme et Shura l’oncle affairiste.
Voilà bien de quoi réfléchir et donner envie de lire d’autres romans de Weitzmann assurément un auteur qui a du caractère et qui ne se vautre pas dans le formalisme. Un style oui, mais un style qui est au service des idées comme tout vrai style y compris celui de Céline quoi qu’en dise Louis-Ferdinand bien sûr. Et franchement de lire un roman de cette trempe ça réconcilie avec la littérature contemporaine.
Penvins
04/09/2006
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