lundi 9 octobre 2006 par Yvette Reynaud-Kherlakian
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Imre Kertesz a connu comme Juif le camp de concentration nazi et comme Hongrois le joug soviétique. De cette double expérience de l’asservissement, l’écrivain qu’il est devenu tire une magistrale leçon de liberté. Il a lu Kant et sa Critique du jugement avec la fraîcheur d’esprit et l’exigence de l’autodidacte qui demande à la pensée de nourrir la vie : c’est l’individu qui fait le monde et non le poids social. C’est d’abord en lui-même que l’individu doit dénouer les contraintes pour dégager le sujet transcendantal qui se déploie en regard sur le monde
Je fais mienne cette certitude. Se trouve ainsi redécouverte -et réinterprétée pour la dégager des cendres du temps- cette liberté intérieure qui assurait la sérénité du sage stoïcien -et qui a été mise à mal par l’inventaire de tous les déterminismes selon lesquels nous serions les produits d’un monde que notre langage ne fait qu’ânonner. C’est à partir de cet inventaire qu’on a pu croire que la liberté n’était plus affaire de sagesse mais uniquement de militantisme conquérant : le combat du révolutionnaire meneur d’hommes remplace la parole mesurée du sage. Pourtant, quand les contraintes tombent, la question demeure de savoir de quoi l’on est libre et pour quoi.
Il ne s’agit certes pas de renoncer à lutter contre toutes les formes de l’oppression mais de comprendre que c’est la liberté intérieure qui fonde et authentifie tout mouvement de libération. Toute révolution libère des énergies qu’il s’agit d’investir dans une reconstruction de l’homme et l’on voit bien, hélas ! qu’aucune révolution ne réussit dans cette entreprise d’humanisation. C’est que la liberté est un leurre si elle n’est pas vécue aussi de l’intérieur comme exigence, comme qualité d’être et d’existence.
La démarche psychanalytique quand elle ne tombe pas dans le psittacisme explicatif par le zizi de papa et le giron de maman, est une recherche de liberté intérieure. La cure psychanalytique débouche sur une tâche : il s’agit de reconnaître l’énergie instinctuelle, non pour s’y soumettre mais pour l’humaniser en l’intégrant dans un projet d’existence.
La tâche est difficile et indéfinie car elle renvoie constamment l’individu à sa responsabilité. Il est plus commode de l’escamoter dans un libertinage satisfait ou désespéré. On voit bien, par exemple, que la libération sexuelle n’a pas -pas encore ?- humanisé le sexe. Elle n’a guère fait que ramener le désir à la pesanteur du besoin ou à l’impatience du caprice, le rapport sexuel à un acte de consommation, le corps sexué à une débauche de représentations publicitaires et ruminantes. Que faire -de soi et de l’autre- dans la rencontre sexuelle enfin débarrassée des tabous ?
Là comme ailleurs la question reste entière : être libre de quoi ? être libre pour quoi ?
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Messages
1. Liberté, liberté chéri-e, 13 octobre 2006, 03:41, par raed marrakchi
Bravo et merci
La compréhension des autres passe par la compréhension de soi et ce n’est pas le plus facile.
2. Liberté, liberté chéri-e, 21 octobre 2006, 12:18
bonjour,
je viens de lire et relire votre article et celui-ci donne matière à réagir.
Tout d’abord,je voudrais m’arrêter sur votre affirmation consistant à dire que c’est l’individu qui fait le monde et non le poid-social.
Ceci me laisse un peu perplexe car je ne vois pas très bien comment le poid-social peut faire le monde étant donné que c’est l’Homme ou l’individu qui fait ce poid-social...la question serait donc de savoir si la personnne est capable d’unité avec autrui pour éviter quelconque joug.
Quant à la liberté du sage stoïcien,elle
est acceptation des contraintes exterieures sans pour autant se doter d’un regard fataliste:ce qui reviendrait à dire que le sage stoïcien agit sur ce qu’il peut agir.le fait-il pour autant ?
La liberté dont vous parlez au troisième paragraphe,nous montre que vous la considérez en tant que vertu,et cela me semble tout à fait louable.En effet, elle insiste sur un des fondements de la déstinée humaine.
cependant,prend-elle en compte autrui ?n’y a-t-il qu’une idée de Liberté ?
Pour finir,un grand merci pour votre article il nous a offert une belle idée de la Liberté et de ces paradoxes.
Merci également pour cet auteur hongrois...une lecture prochaine s’annonce.
1. Liberté, liberté chéri-e, 2 novembre 2006, 17:17, par Yvette Reynaud-Kherlakian
Merci pour votre message.
1) J’aurais sans doute dû écrire vision du monde plutôt que monde.
2)Le sage stoïcien apprend à "changer (s)es désirs plutôt que l’ordre du monde" (Descartes). Mais qui peut se dire sage ?
3Autrui est, bon gré, mzl gré dans le champ de ma liberté. Comment me prétendre libre si je ne pars pas de ce constat ?
4)La liberté est un thème inépuisable de réflexion. J’ai seulement voulu rappeler une signification trop oubliée.
Philosophiquement vôtre !
Y.Reynaud-Kherlakian
2. Liberté, liberté chéri-e, 3 novembre 2006, 17:25, par Philippe Gomont
Je vous accorde et loue tout ce que vous m’avez répondu !croyez vous cependant que la liberté est trop souvent oubliée ?je ne le pense pas mais elle est trop difficile à atteindre pour notre époque...d’ailleurs une époque a -t-elle été plus propice qu’une autre a assumer la liberté ?