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Labyrinthe

Manuel Montero, Théâtre Marius Milhaud jusqu’au 9 décembre 2006

mercredi 15 novembre 2006 par Alice Granger

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Je suis allée voir, au théâtre Marius Milhaud, le one man show de Manuel Montero, « Labyrinthe », et j’ai été frappée par la façon insistante, répétitive, brillante, avec laquelle il a su, en interprétant ses différents personnages jusqu’à la caricature, dire le pourquoi du théâtre, de son théâtre, ce qui s’y joue.

Bien sûr, il s’agit d’un garçon qui, depuis son enfance, veut s’en sortir, et son idée pour s’en sortir c’est le théâtre. S’il veut s’en sortir, c’est qu’il sent, beaucoup plus fortement que d’autres enfants, l’enfermement, qu’il n’y a pas d’issue. Dans cette sensation de ne pas pouvoir s’en sortir, dans cette croyance qu’il y a tout autour des personnages qui s’opposent à cette liberté (d’où les différents personnages que Manuel Montero joue, l’instituteur sadique qui castre l’élève qui veut faire du théâtre, le beau-père violent et pauvre qui n’aide pas le garçon qui, on l’imagine, rêve d’un père initiateur, la mère possessive et étouffante, le copain béat d’admiration mais qui ne le rate pas lorsqu’il constate son impuissance à vraiment entrer sur la scène des gens célèbres), il saisit sans doute très tôt que c’est ça l’espace de la scène de théâtre. Cela se sent très fort, ce « vécu » du comédien qui cela se voit vient d’ailleurs, cette sensation de la scène quasiment matérielle dans l’enfermement lui-même, dans cette impression de ne pas pouvoir en sortir, que tout autour il n’y a que des personnages qui « n’aident pas », bien au contraire, on dirait qu’ils « s’amusent », jusqu’au sadisme, jusqu’à la caricature, jusqu’au mime, à bloquer le garçon qui veut faire du théâtre. Manuel Montero rend à merveille ces différents personnages qui « martyrisent » le garçon, une sorte de saint Sébastien, on pourrait dire, qui saisit en le vivant que c’est ça l’essence du théâtre : rester sur cette scène de l’absence d’issue, à vivre jusqu’au sevrage cette étrange addiction d’être la cible des paroles des personnages qui s’emparent du garçon, sadisme, érotisme, moquerie, mais aussi à travers tout cela mené jusqu’à la caricature, jusqu’à l’usure, le garçon ne s’assure-t-il pas en négatif d’un intérêt quand même centré sur lui prouvant qu’il sort de l’ordinaire ? Le théâtre, à travers ces personnages « persécuteurs » chacun à sa façon, y compris cette mère possessive qui bride son garçon en ne pensant qu’à le materner, y compris plus tard ce metteur en scène gourou et tyrannique, y compris l’acteur play boy superficiel qui le capture dans une légèreté si fausse et superficielle, ne serait-il pas, surtout ce one man show, une sorte de sevrage permettant au comédien de sortir de l’enfermement en allant jusqu’au bout de la situation sans issue, en jouant jusqu’à la caricature les personnages qui ont l’air d’empêcher, de castrer, de saisir et séquestrer le corps ? Le théâtre ne jouerait-il pas le sevrage de l’étrange addiction mise en acte par le comédien sur la scène, il se montre « entre les mains » de différents personnages qui l’emprisonnent, d’une manière ou d’une autre, il se joue bizarrement « envié » par ses premiers spectateurs que sont ces personnages qui le castrent, et tel un étrange martyr il va jusqu’au bout de sa passion, pour finir par l’épuiser, et atteindre alors cette froideur qui est le fameux paradoxe du comédien. En semblant ne pas pouvoir s’en sortir, de ce labyrinthe, il s’en sort en poussant jusqu’à la caricature cette « passion » de se sentir retenu par la « faute » de personnages dont l’envers c’est qu’il rêve qu’ils l’initient et l’applaudissent.

Il faut absolument aller voir sur scène, au théâtre Darius Milhaud ( réservation 01 42 01 92 26, le samedi à 21h jusqu’au 9 décembre 2006 et plus si prolongation). Je trouve que Manuel Montero joue magnifiquement ce qui est en jeu dans le théâtre, et en particulier dans ce one man show. Il mérite qu’on le soutienne, et qu’on y croit ! Surtout parce qu’il nous fait entrer en résonance avec notre propre labyrinthe, et le sevrage d’une addiction fondamentale.

Alice Granger Guitard



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