dimanche 3 décembre 2006 par Florent Cosandey
Pour imprimer
Landru: bourreau des cœurs, Gérard Jaeger
Presque un siècle après son
exécution, Henri-Désiré Landru n’a toujours pas trouvé de «concurrents» à sa mesure
au Panthéon du crime. Créé à l’époque par la presse et par la vox populi, le
mythe du tueur à barbiche hante aujourd’hui encore l'imaginaire collectif. Dans
son ouvrage, Gérard Jaeger aborde toutes les facettes de l’affaire qui déchira
la France au sortir de la Première Guerre mondiale, en décrivant d’une plume
alerte l'enquête, l'instruction, le procès et évidemment la vie de ce Don Juan
devenu Barbe Bleue.
D’abord escroc au mariage guidé
par l’appât du gain, puis assassin sans scrupule profitant du désordre provoqué
par la Grande Guerre et de la détresse de veuves esseulées (riches de
préférence…), Landru fut arrêté en avril 1919. Son regard d’illuminé et sa
barbiche impeccable firent aussitôt la Une des journaux. L’instruction de la
plus célèbre cause criminelle française du XXe siècle dura deux ans. Mêmes si
les indices de la culpabilité de Landru abondent – des fragments d’os humains
et des dents furent retrouvés dans le jardin d’une de ses villas –, les restes
des dix femmes qu'il assassina ne furent jamais retrouvés. Ont-ils été débités,
puis calcinés dans une cuisinière à charbon de ses maisons de Vernouillet et de
Gambais? Nul ne le saura jamais. Reste que Landru fut trahi par un petit carnet
qui lui servait tout à la fois d’agenda et de livre de compte et dans lequel il
répertoriait méticuleusement ses moindres faits et gestes. Devant le nom des dix
victimes – sur 283 conquêtes recensées… –, deux chiffres accolés révélaient la
date et l’heure probable du crime… Le carnet montra aussi que Landru prenait
pour certains voyages à Gambais deux billets de chemin de fer, un aller-retour
pour lui et un aller simple pour sa future victime…
Ce qui frappe dans le procès
qui dura trois semaines, c'est l'incroyable ténacité de cet homme obscur, qui
clama jusque sur l’échafaud son innocence. Landru transforma son jugement en un
spectacle vaudevillesque se jouant à guichet fermé. Hautain, narquois, il faisait
rire la galerie durant les audiences. Lorsque le procureur l’accuse de crimes, le
cabotin lui renvoit un péremptoire «Montrez-moi
les corps!» Le procès se termine en eau de boudin: Landru est condamné à
mort sans que sa culpabilité n’ait pu être établie de façon définitive et
formelle.
Gérard Jaeger replace les
crimes de Landru dans le contexte d’après-guerre troublé. Il soutient la thèse
selon laquelle que le tueur en série arrive au moment d’un changement radical
de société. Le début des années 20 est notamment marqué par la disparition
progressive des rentiers de l'avant-guerre, dont Landru est l’incarnation. La
force de cette biographie, c’est également de se pencher sur l'environnement de
l'affaire, notamment l’engouement du public – les places au tribunal
s’arrachaient comme des petits pains – et la dérive de la presse écrite. Le procès
provoqua dans toute la France un déchaînement de passions et d'humour noir. Les
chansonniers et les humoristes s’en donnaient à cœur joie et la mode était aux
blagues du style «La place des femmes, c'est au foyer!» Il fut écrit
tant de choses – vraies et moins vraies… – sur cette affaire que certains la
soupçonnaient d'être montée de toutes pièces par le pouvoir établi pour
détourner l'attention de la population des problèmes internationaux de l’heure…
Presque un siècle après les
faits, on n’a pas fini d’entendre parler de l’affaire Landru…
Florent Cosandey,
29 novembre 2006
Livres du même auteur
et autres lectures...
Copyright e-litterature.net
toute reproduction ne peut se faire sans l'autorisation de l'auteur de la Note ET lien avec Exigence: Littérature