de Franca Maï, Le cherche midi, sortie : le 5 janvier 2005 dans les librairies.
dimanche 19 décembre 2004 par Séverine CapeillePour imprimer
Elle. Il n’y a qu’elle dans la vie de Mata. Une mère qui remplit l’univers, comme un soleil qui chauffe, réchauffe toujours plus fort, et ne brûle pas. La mère dans le désert, un « roc » que rien ne peut casser, un oiseau dans la tempête, un refuge solitaire où les rêves se mélangent au sable et à la pureté. Une mère dans un HLM de cité. Seule. Le père s’est tiré. Il y a « elle » et Mata. La mère et la fille, la fille-mère et la mère-fille. La féminité. L’amour inconditionnel, l’amour à mort, l’amour au milieu des absences et des tombes alignées.
Speedy Mata se lit à travers des silences. Ceux qui précèdent les sommeils où les beautés se révèlent, où les questions s’effacent dans l’inconscient. Il y a le silence asphyxiant, le silence primaire qui entoure le nom du père, indifférent. Le silence des symboliques qui s’éparpillent au vent. Le silence sur le nom de la mère, qui a oublié d’être femme, qui donne, porte et emporte la vie, qui est la « maman » jusque dans l’infini de l’âme. Et tous les silences de la nuit. Le silence des cris étouffés, des sommeils éternels... Le silence des licenciés qui montent au ciel. Le silence de la chute d’un oiseau, celui des pactes d’amour, des gris-gris de l’espoir et celui des plus beaux cadeaux... Le silence des lettres cachées, du fric que l’on donne en taisant les errances pour le trouver... Le silence qui tue, sans trace, entre les dents serrées... Ce roman se comprend dans les silences de la dignité. Ceux que le lecteur doit interpréter, lire avant que la fenêtre ne s’ouvre, avant que la mère ne se jette dans le vide pour un très long sommeil. La mère, ou toute l’humanité. C’est pareil.
Il y a trop de silence. Mata va tuer, signer la distance parmi les désassortis de la société. Elle va mordre, elle va arracher de ses dents les injustices et les vies saccagées, emballées dans les cartons des huissiers, des menteurs et des croques coeurs toujours pressés. Elle va répondre aux seaux jetés, aux larmes salées, aux bruits de pas dans l’escalier. Elle va donner la mort. Il fait si froid quand on lit Speedy Mata. Il y a la sirène des pompiers en fond sonore. Et tout va très vite. Les possibles s’asphyxient au rythme des trains que la lycéenne regarde pour voyager, au rythme de la chute libre d’une femme défenestrée. Une balle touche le lecteur.
L’injustice s’hérisse, la peau est transpercée. Mata tombe dans les hommes. Sa maman s’est suicidée. Le rêve de propreté baigne dans son sang, abandonné. Ils ont menti, ils n’ont pas tenus compte de la fatigue, de la vie sacrifiée dans l’usine. Ils ont fermé. Speedy Mata, c’est la vitesse et la tristesse des promesses piétinées. C’est un « M » écrit sur le papier. Une majuscule avant le souffle coupé : Maman. Avec un point final désespéré. Un « M » formé de deux montagnes fières, inséparables, élevées au-dessus des bassesses de la société. Une lettre écrite au scalpel, dans la fièvre et l’insomnie. Pour ne pas oublier.
Franca Maï parle de l’existence qui se glace au rythme des impayés, de la mort qui se déguise en vacances quand l’espoir a fugué. De la souffrance et de la force, dans la même proportion. Elle observe l’indifférence, la vengeance, l’humiliation... Elle répond à la question qui se dit tout bas : « Comment peut-on en arriver là ? ». Elle y répond et elle montre du doigt. La seule vraie question ne serait pas « Comment », mais bien plutôt « Pourquoi ».
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