mercredi 13 février 2008 par penvins
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Sept nouvelles écrites dans un style digne des plus grands orfèvres, voilà ce que nous offre Yvette Reynaud-Kherlakian avec ce recueil paru en 1993 et qui a obtenu le prix Prométhée. Sept nouvelles pour que nous nous souvenions de la complexité de l’homme.
La première qui donne son titre au recueil – Corps glorieux - débute par cette dédicace : A Vincent Vahé révélateur de la pluralité des mondes. Avec une écriture qui doit sans doute à la lecture de Mallarmé voici un magnifique rappel à nos contemporains, volontiers enclins à écouter le doux chant des idéologies et à oublier la réalité humaine.
L’introduction dans le monde fermé d’une petite communauté religieuse d’un professeur de chant révèle avec humour la complexité des vocations religieuses et la résistance des corps à s’abstraire de leur réalité, mais en même temps il révèle combien l’histoire du corps dépasse celle de la chair et des muscles. Le nom de la religieuse introduit à son histoire et les exercices d’assouplissement du corps brisent la raideur de l’esprit enfermé dans un devoir de réparation ambiguë.
Le sujet est infiniment délicat, on est en équilibre permanent et bien près de tomber du côté du cliché et pourtant Yvette Reynaud-Kherlakian sait y échapper, le prévenir avec un clin d’œil au lecteur : Mère Jeanne de Chantal avait hoché la tête : n’y avait-il pas des relents de psychanalyse dans tout cela ? Oh ! la psychanalyse, elle n’y était pas hostile par principe ; elle s’était même laissé dire – par Monseigneur de Casteljeau – qu’une utilisation chrétienne en était tout à fait possible et souhaitable. […]. Mais surtout ce qui permet à Yvette Reynaud-Kerlakian à travers le bonheur d’une langue complexe et donc humaine de dire les êtres en allant au-delà des truismes c’est – mais évidemment les choses sont liées – l’amour qu’elle a de ses personnages, la volonté de dépasser les apparences sociales.
On imagine que vingt-cinq années passées au Liban ne sont pas étrangères à cet acharnement à dire la transcendance des corps et l’immanence des idéologies. Personnages bien réels – uniques - et cependant que l’on ne voit pas comme tels – jeux de confusion que seule une lecture attentive permet de déjouer parce que l’un n’est pas l’autre même si le regard que l’on porte à autrui tente parfois d’abolir la frontière, pire essaie de s’en affranchir et qu’il faut le scalpel de l’écriture pour dire cette dualité.
Thème récurrent de ces nouvelles, une incontournable dualité, à travers laquelle, peut s’accomplir la réparation, mais qui à l’inverse lorsqu’elle disparaît conduit naturellement à la mort. Cette dualité s’exprime tout aussi bien chez sœur Henri, que chez cet homme entre deux femmes, ce métèque apprivoisé ou chez Daniel que Sabine - la fille au corps difforme et aux yeux couleur de miel - laissera partir vers Bérengère lorsque la réparation sera accomplie. Il est possible de la voir également dans cette variation autour du poème des Voyelles qui sert de fil d’Ariane à une jeune aveugle et introduit à la vie je dirai quelque jour vos naissances latentes en répétant cette dualité que la mort de la tutrice avait en quelque sorte brisée :
Deux sûretés valant mieux qu’une, elle a son fil d’Ariane à elle : un poème du XIXe siècle, une déesse de la fertilité vieille de trois millénaires…
Thème peut-être plus important encore celui de la réparation. Cette tension que provoque la dualité est toujours un appel à réparer une faille primitive, aussi bien l’impiété de l’oncle que bien évidemment la difformité de la jeune fille. Yvette Reynaud-Kherlakian sait bien pourtant que la réparation ne saurait être parfaite, que la vie tient à la permanence de cette blessure originelle, rompre avec la sexualité c’est bien sûr s’exposer à la mort comme le feront les bessonnes du Troisième œil.
La porte doit toujours rester entrebâillée c’est au fond ce que dit Yolande dans la dernière nouvelle, l’eau de la source n’est pas l’eau de l’oubli, c’est l’eau de la mémoire juste. Ce n’est sans doute pas un hasard si cette nouvelle ferme le recueil en laissant la réparation inachevée et en invitant à vivre, la voix de Yolande l’auvergnate telle la voix de la sagesse répond à celle de Vahé l’Arménien revenu sur les terres turques de ses parents et qui a compris qu’il s’est lui enrichi de cet ailleurs où il a été contraint de partir, elle tire la conclusion et lui demande de vivre : les enfants de Maïrik n’ont que faire de ta pitié, ils ont besoin que tu vives et que tu sois heureux.
Restons-en là et remercions Yvette Reynaud-Kherlakian de la richesse de son écriture, sans elle nous ne saurions entendre la nécessaire pluralité des mondes ni la complexité de la vie.
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Messages
1. Corps Glorieux - Yvette Reynaud-Kherlakian, 26 février 2009, 09:30, par Zoé
Bonjour,
Merci pour votre critique sur Yvette Reynaud-Kherlakian
Ci l’idéologie est le traité de ce qu’on pense et dit,
Votre commentaire critique sur les textes de Yvette Reynaud-Kherlakian me laisse pensive. Lorsque vous écrivez « voici un magnifique rappel à nos contemporains, volontiers enclins à écouter le doux chant des idéologies et à oublier la réalité humaine » ne pensez-vous pas que la réalité humaine est d’abord individuellement idéologue.
Cela va de l’idéologie
la plus courante du laisser faire, laisser dire des moutons de Panurge où l’homme qui imite l’homme est un singe,
à celle des dirigeant qui s’habillent de peaux de moutons pour avoir le pouvoir et dominer, où l’Homme est un loup pour l’Homme
à celle des doux comme Jésus, Gandhi, Luther-king, assassinés c’est vrai, Maillard de nos jours, un inconnu dont on découvre la philosophie sur le site critiqueduliberalisme.com, où l’Etre Humain prend sa dimension divine.
Ne vous méfiez plus des idées, allez à leur rencontre c’est la vie…, comme le fait Yvette Reynaud-Kherlakian quand elle critique merveilleusement Pierre Bamony dans son article http://www.hommes-et-faits.com/Dial/spip.php?article12
Voir en ligne : vive Yvette Reynaud-Kherlakian
1. Corps Glorieux - Yvette Reynaud-Kherlakian, 2 mars 2009, 11:23, par Penvins
Bonjour,
je n’ai bien sûr rien contre les idées, tout au contraire, mais à condition qu’elles ne deviennent pas des doctrines, qu’elles restent incarnées.
Bien amicalement
Penvins