samedi 31 janvier 2009 par Houria Bouziane
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Les poètes et les artistes du XIXème siècle prétendent que la musique est l’idéal artistique le plus important parce que détaché de toute réalité concrète et objective. Toutefois la peinture, surtout impressionniste, reste le moyen le plus valable pour révéler les sensations et la fugacité de l’instant. Elle est la seule apte à exprimer une impression ou des impressions relatives au temps et à la lumière. Ceci a engendré une nouvelle philosophie et une nouvelle façon de sentir et de voir. Les gens essaient de transformer la vie en une œuvre d’art. Le dilettante et le dandy remplacent le bohême. Le dilettantisme devient l’idéal de la fin du XIXème siècle, l’esthète n’est plus un ascète qui se retire de la vie pour ne vivre que pour l’art, comme chez les romantiques, mais l’art intervient dans la vie pour lui donner une signification et résoudre ses énigmes. L’hédonisme est de rigueur et l’art permet l’épanouissement de l’être.
Marcel Proust a tenté de montrer, dans A la recherche du temps perdu, que pour retrouver le temps perdu, il ne suffit pas d’être des acteurs de notre vie, mais des spectateurs et qu’il faut se souvenir pour pouvoir créer l’œuvre d’art qui permettra de capter l’instant passé. C’est pour cela que nous rencontrons, dans la production littéraire du XIXème siècle, un grand nombre d’exemples d’artistes qui cherchent désespérément à faire l’œuvre qui leur permettra de passer à la postérité. Claude Lantier, dans l’Oeuvre d’Emile Zola, ne produira jamais le tableau qui le satisferait et ferait de lui un artiste reconnu comme tel, aussi se suicide-t-il devant son œuvre inachevée. Honoré de Balzac porte un jugement très sévère sur Lucien de Rudempré qui n’est devenu ni un grand journaliste ni un grand artiste. Pour l’auteur de la Comédie humaine, l’artiste détruit en lui-même ce qu’il y a de plus beau et en même temps il détruit son œuvre avant de voir le jour ; ainsi, il se condamne à rester dans l’anonymat et n’aura ni gloire, ni amour, ni honneur. Quant à Baudelaire, il pense qu’il vaut mieux être dandy qu’artiste puisque le dandy est au « au-dessus de l’artiste » et fournit un effort intellectuel que ne fournit pas ce dernier. Proust semble être influencé par cet idéal du XIX ème ; étant lui-même un dandy, ses héros, notamment Swann et le Narrateur le sont. Avec cette différence qu’ils sont des dandys qui aspirent à devenir des artistes.
Etre dandy ou artiste, c’est entretenir avec le monde et les autres un rapport particulier à la manière d’Oscar Wilde qui veut faire de sa vie une œuvre d’art, ou de Charles Baudelaire qui veut affiner sa conversation, son mode de vie, ses relations, avec son entourage pour avoir l’impression de réaliser une œuvre. L’art est devenu une affaire sérieuse, même s’il est difficile de faire l’œuvre dont on rêve. Les écrivains se donnent beaucoup de peine pour atteindre une prose agréable, musicale et sans dissonance. Les musiciens et les peintres, eux, veulent faire un travail élégant et agréable à l’œil et à l’ouïe du public. Tous veulent devenir des virtuoses, sachant extraire la beauté de la réalité la plus exécrable et la plus commune. Pour Ruskin, dont Proust est le traducteur et le plus grand admirateur, seuls comptent dans la vie l’hédonisme et l’intensité de l’expérience esthétique. Ruskin défend avec ardeur l’impressionnisme qu’il assimile à l’épicurisme. La vie s’écoule avec une telle rapidité qu’on a du mal à réaliser la vérité des choses et de l’instant. C’est pour cela qu’il attache, tout comme Proust, de l’importance au « moment » et à « l’instant » ; et pour pouvoir jouir de l’instant et le vivre intensément, il faut essayer de le capter, opération qui n’est possible que par le biais de l’art. Nous remarquons ceci chez les héros de Proust qui rattachent l’art à un moment précis.
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