jeudi 21 janvier 2010 par Céline Mangin
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Au coeur des quelques ouvrages biographiques se rencontrent des portraits volontiers hyperbolisés où l’exagération fait le mythe, et le mythe l’idolâtrie. Parfois volontairement, parfois moins. Dans "Le Jasmin ou la lune", l’auteur s’attelle à dépeindre une figure amplement emblématique : la tâche n’est donc pas aisée et la faille difficile à éviter. Mais Thierry Falise, épaulé par le sérieux de ses recherches et la sobriété de son récit, ne s’y est pas engouffré.
Retraçant avec une touchante et étonnante simplicité la vie et le combat de la majestueuse Aung San Suu Kyi, il tente de nous faire emprunter, l’espace d’une poignée d’heures, le chemin de pensée de la Dame de Rangoon. Non pour faire naître uniquement en nous de la compassion, mais pour que l’on saisisse ce qui a poussé la "Mandela asiatique" à sacrifier clairement sa vie.
Fille d’un héros birman assassiné à l’origine de l’indépendance de son pays, porte-parole d’un peuple, représentante de la non-violence, elle est ici fragile. Accessible. Dépouillée de ses décorations pour être juste une femme attachée à des valeurs humaines.
Ses racines birmanes, bien que fragilisées par de nombreux et longs séjours à l’étranger et par les desseins obscurs des généraux du pays, se sont souvent révélées être la cause de sa bataille, sa force intérieure, bien plus qu’une quelconque envie de pénétrer dans une sphère politique n’ayant jamais été son terrain favori. C’est malgré elle qu’elle s’y plongera, trahie par son besoin de soutenir ses compatriotes. Certainement idéaliste un temps, elle croit en une possible réconciliation entre le peuple et la junte, elle croit en un possible soutien du monde extérieur. A la solidarité occidentale. En résumé, à l’Homme.
"Lorsque nous aurons atteint la démocratie, nous regarderons en arrière avec nostalgie sur la lutte et réaliserons combien nous étions près".
Elle se trompait. Gagnant des élections, décrochant un prix Nobel, elle savoure ses vaines victoires entre les murs de sa résidence surveillée. Et si quelques politiques font timidement entendre leurs voix pour ne pas la voir mourir en prison, les convictions, le combat n’y est pas.
En 1990, elle tenait ces propos :
"La Birmanie redevient une de ces dictatures exotiques dont on parle quand la place et la publicité le permettent."
20 ans après, même situation. Mêmes atteintes aux droits de l’homme. Même carnage. Et même place dans les journaux. Saluons l’admirable préface signée Jane Birkin.
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