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L’Incident - Ch Gailly
mardi 9 février 2010 par penvins

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Il y a bien sûr la musique jazzy de Christian Gailly, mais la langue se nourrit d’un matériau différent du saxo, elle ne peut échapper au sens, même dans ses pratiques les plus convaincantes et celle de Gailly est de celles-là, elle ne peut se résumer à la musique des mots et des phrases. L’argument du roman ici est la rencontre d’un homme avec une femme aviatrice. En cherchant un tout petit peu sur internet on trouve dans la bio de Ch. Gailly que son rêve était de devenir aviateur ! mais il y a une autre façon de lire ce scénario, on peut dire que Georges Palet a trouvé fortuitement - mais pour le héros c’est toujours beaucoup plus fortuit que pour l’auteur - la femme avec qui il va s’envoyer en l’air et ceux qui liront le roman verront qu’il ne s’agit pas ici d’un simple jeu de mot.

Georges Palet est un violent qui a des pulsions de meurtre et qui a peur de sa violence qui lui a déjà attiré des ennuis, on pense à des viols, qui lui ont notamment valu la perte de ses droits civiques – on n’en saura pas plus sinon qu’il est toujours travaillé par cette violence, que quelque chose l’a démoli, qu’il est malheureux. C’est peut-être ce qui explique l’attitude de Suzanne son épouse. Une attitude singulière puisqu’elle accepte la relation qu’il a avec Marguerite, on peut même dire qu’elle y participe. Georges qui ne supporte pas les réunions de famille et que Suzanne occupe à repeindre la maison ira donc jusqu’au bout de l’aventure sans être entravé par les résistances de sa femme ! Peut-être un fantasme de l’auteur !

Opposition entre une femme au foyer avec laquelle il mène une vie ennuyeuse, mais qui tempère sa violence et une femme qui lui redonne le goût de vivre y compris de se comporter de façon brutale avec sa meilleure amie Josepha. Suzanne apparaîtra également dans Un soir au club (soit 5 ans plus tard ) avec une fonction identique. Comme un regret de n’avoir pas su rester du côté de la vie, en dépit de tous les risques que cela comportait et en même temps la culpabilité d’avoir quitté Suzanne qui se précisera avec sa mort accidentelle alors qu’elle venait le reprendre à celle qui lui redonnait le goût de vivre.

Bien sûr la vie de Christian Gailly ne nous regarde pas, on peut donc se contenter de sa musique, du rythme syncopé de ses phrases, de son jeu à la fois musical et érotique reculant toujours le moment de dévoiler alors même que l’on pensait qu’il allait le faire, il y a là une vraie réussite. Et pourtant Christian Gailly a choisi la littérature plutôt que la musique comme s’il n’avait pu se passer du sens, comme si malgré tous ses dénis, il avait quelque chose à dire de plus que les banalités du monde. Quelque chose qui le touche au point qu’il devait en passer par l’écriture : ce désir de réussir qu’il a trahi en abandonnant le jazz, ce besoin de reconnaissance qu’il n’hésite pas à avouer dans ses interviews se plaignant d’être trop peu lu ; cette trahison vis-à-vis de celle qui l’a sauvé de l’alcool et de la drogue, quelque chose qu’il nous dit en s’arrangeant pour qu’on ne l’entende pas, que l’on ne sache pas vraiment, d’ailleurs le sait-il lui-même ?

La littérature des éditions de Minuit - et celle de Gailly n’échappe pas à la règle, j’allais dire au dogme - est une littérature qui prétend ne plus s’occuper de la société et qui pourtant a plus que jamais un rôle de distinction sociale. Littérature élitiste qui affirme faire de l’art pour l’art et qui de fait sert de signe de reconnaissance à ceux qui prétendent savoir ce que c’est que la littérature. On croit sans doute avoir compris Céline lorsqu’il soutient ne s’intéresser qu’au style ! il s’agissait bien entendu d’une ruse, le style si important soit-il n’était qu’un moyen de faire passer l’indicible (ce à quoi il sert encore dans les romans de Robbe-Grillet), avec cette littérature-là on se demande si le fil n’a pas été perdu. Ce qui n’enlève rien à la qualité du style de Gailly tout particulièrement dans ce roman où la phrase elle-même semble sortie d’un saxo mais ne manque pas de gêner et d’entraîner la littérature dans une sorte de ghetto.

Cette opposition entre la femme aimée, perdue puis retrouvée dans Un soir au club ou simplement ici dans L’incident trouvée par hasard, comme cette inquiétude d’avoir perdu sa vie dans un ronron conjugal sont des sujets personnels bien sûr, mais le retour de la folie amoureuse qui vous fait quitter le bonheur tranquille devenu ennui pour le risque du jazz, de l’alcool et de la drogue voilà bien qui pourrait pourtant être une vraie révolte que Gailly n’assume pas. Faut-il en chercher les raisons dans ce qui a valu à Georges Palet la perte de ses droits civiques ? Cette culpabilité face à la violence qui parcourt tout le livre ? Peut-être. Si l’on examine la biographie de Christian Gailly, celle que l’on peut trouver sur internet et qui est bien maigre, on se rend compte par son age et par le silence sur ces années-là qu’il a dû faire la guerre d’Algérie peut-être est-ce là aussi une piste, il est souvent question dans ses romans de départ à la guerre. Douleur. Et si le style servait justement à parler de cette douleur tout en la gardant pour soi ?



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