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Le banquet des marabouts - Aïcha Yatabary
jeudi 29 juin 2017 par Abdelali Najah

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Aïcha Yatabary : La tradition et la modernité se côtoient en Afrique.

Parmi les figures marquantes de la littérature ivoirienne contemporaine, Aïcha Yatabary forge son itinéraire culturel avec force et abnégation dans la scène culturelle africaine. Ecrivain et médecin engagée, elle a commencé à écrire dès l’âge de 15 ans et a entré dans le monde de l’écriture par la grande porte en publiant des romans qui puisent dans la condition humaine de l’homme africain. Aïcha Yatabary nous a accordé une interview sur son roman « Le banquet des marabouts » pour le plaisir des lecteurs.

* Voulez-vous vous présenter aux lecteurs ?

Bonjour. Je suis Aïcha Yatabary, auteur du roman « Le banquet des marabouts », passionnée d’écriture et de sciences. En effet, en plus de mes activités d’écrivain, j’exerce comme médecin et je suis spécialiste en santé publique. Les activités humanitaires m’intéressent aussi. Dans la sphère privée, je suis très attentive à la spiritualité et musulmane.

* « Le banquet des marabouts » d’Aïcha Yatabary publié aux Editions L’Harmattan, Côte d’Ivoire 2015, est un roman qui conte l’histoire d’un ménage polygamique Africain constitué par deux familles qui mènent deux modes de vie et d’existence complètement opposés. Pouvez-vous nous résumer votre roman en quelques lignes ?

Le roman parle en effet d’un foyer polygamique Africain. Deux maisons différentes, deux modes de vie différents. L’histoire est racontée par Aïna, vingt-quatre ans, fille de la première épouse d’Issa Diarra, Raïssa Haidaira et par Mouna, dix-huit ans, fille de la deuxième épouse, Anna. Les modes de vie sont différents selon que l’on se trouve dans l’une des familles (éducation occidentale, luxe, faste chez la deuxième épouse) ou dans l’autre (éducation traditionaliste, difficultés financières chez la première épouse d’Issa). Autant dire que la deuxième épouse est la favorite et la première l’épouse mal aimée. Ici, reviennent mes thématiques de prédilection telles que la femme dans sa société, qu’elle soit de la génération des plus jeunes, avec ses rêves et ses illusions, ou de celle des plus mûres, avec ses difficultés d’un autre ordre, particulièrement dans le mariage. La spiritualité est aussi abordée dans mon livre, spécifiquement celle liée à l’Islam. Le roman invite le lecteur à une spiritualité saine et au cheminement vers l’accomplissement de l’être.

* Voulez-vous nous parler des personnages du roman ?

Les personnages du roman sont nombreux et variés. Il y a Aïna, comme je vous l’avais dit, l’aînée de la première épouse d’Issa et ses frères et sœurs. La première épouse d’Issa du nom de Raïssa n’a pas bénéficié de l’éducation moderne et est très pratiquante du point de vue de l’Islam. Il y a Mouna, l’Aînée de la deuxième épouse d’Issa et sa sœur. La deuxième épouse, du nom d’Anna, a elle eu l’avantage d’aller à l’école et éduque ses enfants à la manière occidentale. Il y a aussi la secrétaire d’Issa…et Modou, ainsi que Soul, respectivement fiancé d’Aïna et petit ami de Mouna. Je précise que dans le déroulement d’une bonne partie de l’intrigue, Aïna, l’étudiante, et sa sœur Mouna, la candidate au baccalauréat, ne se sont jamais rencontrées, par la volonté d’Anna, mère de Mouna.

* Le style de l’écriture dans le roman… ?

Le style d’écriture du roman est du registre satirique, qui utilise le procédé littéraire de la polyphonie. Il fait la description d’un double parcours initiatique au féminin.

* « Le banquet des marabouts », c’est aussi l’histoire d’une société traditionnelle en mutation, et partagée entre tradition et modernité. Pouvez-vous nous expliquer d’avantage ?

La tradition et la modernité se côtoient en Afrique, au Mali particulièrement, comme dans mon livre. Une jeune génération qui a étudié à l’extérieur du Mali, à l’extérieur d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, ou qui a été élevée par des parents relativement, voir bien instruits, arrive et se retrouve face à son pays telle qu’elle l’avait laissé, tel qu’il était des années lumières avant. Il y a des valeurs, des pratiques immuables dans certaines sociétés traditionnelles comme le protocole des cérémonies de mariage, la question des castes qui perdure… il existe aussi des situations inhérentes à certaines religions…comme la polygamie. Il y a par ailleurs, des pratiques propres à l’Afrique animiste qui persistent comme le charlatanisme.

L’Africain a beau découvrir les hamburgers, boire du soda et se déplacer dans des voitures de marque allemande, l’Afrique reste profondément marquée par son africanité, son identité sociale et culturelle. Parfois, quand on ne se réapproprie pas la culture de l’autre, tout en gardant les cotés positifs de la notre, dans le cadre d’une démarche sélective, cela peut créer des difficultés. Moi, je suis plutôt pour le dialogue des cultures.

* Pourquoi « Le banquet des marabouts » est-il un titre qui puise dans le philosophique et le religieux ?

Le Banquet des marabouts met en relief la présence en toile des marabouts en Afrique.
Bien que j’aie commencé à écrire ce livre étant plus jeune, (j’avais 18 ans), je l’ai terminé devenue femme, plus mature, il y a trois ans. C’est l’une des raisons pour laquelle deux générations de femmes (celle des adolescentes et celle des femmes matures et mariées que sont leurs mères) se retrouvent dans le roman. Le roman parle de polygamie dans notre contexte contemporain et africain et invite le lecteur à prendre position sur le sujet. Il parle de la place de la femme dans la société dans laquelle nous vivons. Il ne juge pas, il décrit ; les souffrances des femmes dans le foyer polygamique quand l’époux n’est pas équitable et celles des enfants aussi. Il y a un autre point central dans le roman, c’est le rapport du musulman à ceux que l’on appelle les marabouts en Afrique noire. Là encore, j’interpelle le lecteur afin qu’il fasse la différence entre le guide religieux, celui qui nous accompagne dans l’élévation de l’esprit et bénéficie d’une spiritualité saine, correspondant à la définition exacte du marabout en Islam, et le charlatan et ses pratiques relevant du charlatanisme.

* Voulez-vous nous parler de la littérature en Afrique en général et en Côte d’Ivoire en particulier ?

La littérature en Côte d‘Ivoire se porte bien, de même qu’en Afrique. De nombreux prix littéraires font leur apparition, de nombreux auteurs aussi. Concernant les prix littéraires en Afrique, il y a le prix international Claude Verlon de la nouvelle, du nom du journaliste français tué au Mali, et dont je suis membre ; de nombreux membres de plusieurs nationalités composent le jury de ce prix qui est vraiment cosmopolite et j’aime cela. Il y a le prix Ivoire en Côte d‘Ivoire qui fait son bonhomme de chemin. Les auteurs foisonnent en Côte d‘Ivoire ; parmi ceux-ci, de jeunes plumes, mais aussi des écrivains chevronnés et confirmés comme le Doyen Foua Ernest de Saint Sauveur, à qui j’adresse ici l’expression de mon estime et de ma sympathie ; cela profite à l’émulation !

BIBLIOGRAPHIE :

Une histoire pour l’an 2000, éd CEDA, recueil collectif de nouvelles, 2000.
Monsieur Bleu clair et autres nouvelles, éd L’harmattan, recueil collectif de nouvelles, 2009.
Le grand saut, éd Edilivre, nouvelle, 2015.
Le banquet des marabouts, éd L’Harmattan Côte d’Ivoire, roman, 2015.



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